Un « conseiller » en placements immobiliers doit-il indiquer qu’il est payé par leurs promoteurs pour les vendre ? (photo © GPouzin)

Un conseiller en gestion de patrimoine doit-il déclarer à ses clients les rémunérations qu’il perçoit des promoteurs de placements qu’il vend ? C’est une des questions posées dans la décision de la Commission des sanctions de l’AMF du 18 mars 2021.

Une seconde partie des griefs reprochés par l’AMF à la Financière de Diane concernait ses recommandations de souscription à des fonds immobiliers, alors que sa dirigeante était aussi rémunérée par le gérant pour les promouvoir.

Des offres de fonds alternatifs irrégulières

En dehors des produits structurés, la Financière de Diane vendait des titres d’un « fonds » dénommé Rohan Participations, « alors que les informations relatives à ces titres figurant sur le site Internet de Rohan Investissement étaient constitutives d’une offre au public de parts sociales au sens de l’article L. 411-1 du code monétaire et financier et qu’une telle offre au public ne pouvait être régulièrement faite par une société civile, forme juridique que revêtait Rohan Participations », observe l’AMF (p.8 §35).

Pour sa défense, la conseillère critique les captures d’écran trop récentes de l’AMF, estimant que l’information fournie par Rohan Investissement aurait pu « s’inscrire dans le cadre des exceptions prévues aux articles L. 411-2 et L. 411-3 du code monétaire et financier » (p.8 §37, ces articles concernent diverses dérogations notamment pour les fonds d’investissements alternatifs (FIA) au sens de la directive AIFM).

Et surtout, la conseillère plaide que « la commercialisation des Titres Rohan Participations n’a pas causé de préjudice potentiel ou effectif aux investisseurs ». C’est un peu comme si on vous disait « avec l’immobilier, on ne perd jamais ! », comme le martelait autrefois un agent immobilier bonimenteur. C’est généralement vrai sur longue période, pour un investissement bien placé, surtout quand les taux baissent et que le crédit abonde. Mais les contre-exemples sont très nombreux. Avec l’immobilier, on ne sait vraiment si on a gagné ou perdu qu’à la sortie, quand on revend. Il est donc assez normal que les souscripteurs de fonds immobiliers bloqués des années n’en déplorent aucun préjudice, tant qu’ils n’ont pas été confrontés à l’expérience de récupérer leur argent.

Une société civile « nourricière »

Rohan Investissements est une société strasbourgeoise spécialisée dans l’investissement immobilier, dirigée par Yves Jakubowicz, un professionnel de l’immobilier expérimenté, puisqu’il a été pendant seize ans directeur du groupe Auguste-Thouard, « spécialiste de la transaction en immobilier d’entreprises diversifié dans l’expertise, le conseil en stratégie immobilière, l’aménagement intérieur, la gestion d’immeubles ou encore la gestion de centres d’affaires », selon Les Echos.

Rohan Invest a créé plusieurs fonds immobiliers aux structures originales, dont la foncière Prime Stone, une SAS à capital variable qui achète et revend des immeubles, et la société civile Rohan Participations, « fonds nourricier de Prime Stone », ce qui signifie que tout l’argent collecté par Rohan Participations est investi dans la foncière Prime Stone, dont elle est l’actionnaire de référence.

Commissions et conflits d’intérêt

Peut-on recommander « objectivement » un placement en se présentant comme conseiller en gestion de patrimoine, alors qu’on est aussi salarié de la société gérant ce placement, sans craindre de conflit d’intérêt entre ces deux missions ?

Non, répond l’AMF : « Lorsque Financière de Diane conseillait à ses clients de souscrire à de tels titres, non seulement elle percevait une commission de 5 % HT sur le montant investi par le client, mais Mme Zubcevic percevait également, en tant que salariée de Rohan Investissement, une rémunération variable de 0,15 % du chiffre d’affaires net encaissé par Rohan Investissement, cette double rémunération étant dès lors susceptible d’inciter Mme Zubcevic à privilégier le conseil sur les titres Prime Stone et Rohan Participations ». (p.11 §59) Surtout quand cette double rémunération est cachée aux clients, sachant qu’au total la Financière de Diane a vendu pour près de 2 millions d’euros de titres Prime Stone à ses clients (1,968 million précisément, p.14 §85).

Bénéfice du doute et gravité relative

En pratique, la Financière de Diane et Rohan Invest font valoir que le calcul des commissions de Caroline Zubcevic préservait les clients de la CGP d’un tel biais dans ses conseils. Certes, elle percevait bien depuis 2018 « outre une rémunération annuelle brute fixe de 46 000 euros, « une rémunération brute variable correspondant à 0.15 % du montant du chiffre d’affaires net annuel encaissé par la Société [i.e. Rohan Investissement] au titre des ventes réalisées par le réseau de prescripteurs ». (p.13 §73)

Le directeur financier de Rohan Investissement a bien indiqué « que les souscriptions effectuées par le biais de Financière de Diane n’étaient pas prises en compte dans le calcul de la rémunération variable de Mme Zubcevic », observe l’AMF, une bonne pratique qui mérite d’être soulignée si c’est vrai.

Mais « à supposer que ce point soit admis » poursuit l’AMF, la conseillère aurait dû en avertir ses clients.

Tout cela n’est pas très joli, mais finalement si banal, que la Commission des sanctions de l’AMF n’infligera qu’un avertissement sans amende. Dans sa décision du 18 mars 2021, elle rappelle que la Financière de Diane n’emploie que sa dirigeante et une assistante juridique à temps partiel, et qu’elle n’a réalisé que 243 000 euros de chiffre d’affaires en 2019, avec une perte de 1 440 euros, avec une division par deux attendue de ses commissions en 2020 en raison de la crise sanitaire.

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