La décision de la Commission des sanctions de l’ACP du 18 juin 2013 contre Arca Patrimoine identifie des manquements aux devoirs de conseil et d’information auxquels les épargnants sont souvent confrontés.
L'ACPR (Autorité de contrôle et de résolution des problèmes) est le gendarme des banques et des assurances. (photo © GPouzin)

L’ACPR (Autorité de contrôle et de résolution des problèmes) est le gendarme des banques et des assurances. (photo © GPouzin)

En France, depuis le 30 avril 2007, les banques et autres intermédiaires en assurance ont l’obligation d’indiquer, par écrit, les justifications de leurs conseils en assurance vie, selon les besoins de leurs clients, en application de la loi du 15 décembre 2005 et du décret du 30 août 2006. Ces textes transposent en droit français la directive 2002/92/CE sur l’intermédiation en assurance. L’obligation de donner des conseils écrits est renforcée par une décision de la Cour de cassation du 25 février 1997, qui précise que «le professionnel qui a une obligation d’information doit apporter la preuve de l’exécution de cette obligation». En d’autres termes, celui qui vous vend une assurance vie «doit prouver qu’il vous a fourni un conseil adapté à vos besoins avec ses justifications écrites», expliquait Gilles Pouzin, en octobre 2008 dans un article pour Le Revenu.

À l’époque, la nouvelle «direction des contrats et des relations avec les assurés» de l’Autorité de contrôle des assurances et mutuelles, de création trop récente, n’avait pas encore contrôlé la conformité des pratiques de conseil en assurance vie. Cinq ans plus tard, l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP), qui a repris les prérogatives de l’ex-Autorité de contrôle des assurances, a publié la première décision de sa Commission des sanctions dans ce domaine, rendue le 18 juin 2013 contre le courtier Arca Patrimoine, condamné à 150 000 euros d’amende et à la publication intégrale sans anonymat.

Présentation commerciale erronée. La Commission des sanctions de l’ACP constate d’abord un écart entre le discours et la réalité d’Arca Patrimoine, qui se présente comme proposant «une gamme de comptes de placements et d’épargne» en ne travaillant qu’avec «des banques françaises cautionnées par l’État», selon ses « fiches d’argumentaire commercial». Or, cet établissement ne propose aucun compte d’aucune banque, puisqu’il travaille exclusivement avec des assureurs. Il faut d’ailleurs savoir que l’État ne cautionne aucune ni banque ni aucun assureur.

Arca Patrimoine est un courtier en assurances, filiale du holding «Groupe Premium» qui contrôle cinq cabinets de courtage, une société de gestion de fonds et quatre autres sociétés (un cabinet de recrutement, une société spécialisée en défiscalisation immobilière, un centre d’appel et une société civile immobilière). Ce courtier emploie 90 salariés, dont 52 commerciaux qui s’appuient sur 134 mandataires d’intermédiaires d’assurance pour prospecter les épargnants.

Au total, Arca Patrimoine revendique environ 80.000 clients pour un volume de 120.000 contrats et un chiffre d’affaires de 14,7 millions d’euros sur l’exercice clos le 30 juin 2012, selon l’exposé de la Commission des sanctions de l’ACP. Arca Patrimoine vend principalement une assurance vie multisupports en bons à moyens terme assortie d’une garantie décès (Imaging +), un produit d’épargne couplé à une garantie décès (Primaduo), des contrats de retraite Perp et Madelin (Atlantissimo) et des contrats vie luxembourgeois (95% des nouveaux contrats étant souscrits auprès de son partenaire Atlanticlux). 

Absence de conseils et d’explications adaptés à la situation et aux connaissances du client.
Outre la «communication orale de renseignements erronés» sur la société, l’ACP estime qu’Arca Patrimoine a mal informé ses clients sur son produit Primaduo, en omettant de préciser que son « mécanisme de sécurisation de l’épargne» était conditionnel, et en ne présentant pas clairement ses particularités au regard des besoins du souscripteur, qui auraient dû être précisés conformément à l’article L 520-1 du Code des assurances. Arca Patrimoine est aussi accusé de ne pas avoir assez alerté ses prospects des risques de son placement Permium Multigestion 2, inclus dans le contrat Imaging +. Ces mises en garde auraient dû figurer dans la note d’information sur les dispositions essentielles du contrat, obligatoirement remise avant la souscription, en vertu de l’article L 132-5-2 du Code des assurances. Pour éviter toute contestation des professionnels sur cette loi, l’article R 132-5-1-1 du Code des assurance leur rappelle l’obligation de communiquer ces précisions et mises en garde «au souscripteur par écrit, avec clarté et exactitude, sur support papier ou tout autre support durable à sa disposition et auquel il a facilement accès».

Parmi les lacunes sanctionnées par l’ACP, Arca Patrimoine semblait mal évaluer la situation de ses clients, enfreignant ainsi l’article L 520-1 du Code des assurances qui l’oblige notamment à «préciser les exigences et les besoins du souscripteur éventuel, ainsi que les raisons qui motivent le conseil fourni quant à un produit d’assurance déterminé». Ainsi, leur «fiche patrimoniale» était mal remplie et «comportait de nombreuses imprécisions sur la composition du patrimoine du souscripteur, le montant de ses revenus, de ses charges et de ses dettes», relève l’ACP en ajoutant que «la méthodologie utilisée par les commerciaux pour déterminer la capacité d’épargne des souscripteurs, omettant certains charges importantes, conduisait à surestimer leur capacité d’épargne». Le budget du ménage était calculé par Arca Patrimoine en oubliant une partie de ses dépenses obligatoires (alimentation, eau, électricité), ce qui, selon l’ACP, «avait nécessairement pour conséquence une surestimation de cette capacité ne permettant pas que soit fourni un conseil adapté à la situation des futurs clients».

Depuis le 1er juillet 2010, les intermédiaires d’assurance ont, comme les banques, l’obligation de vérifier les connaissances et l’expérience de leurs clients en matière financière. Arca Patrimoine ne le faisait pas. Elle se contentait de demander aux souscripteurs d’Imaging+ de faire précéder leur signature d’une mention concernant les risques de ce contrat, alors que «l’absence de recueil de renseignements sur les connaissances et l’expérience des clients ne saurait être regardée comme proportionnée aux enjeux, l’intermédiaire ne pouvant, dans ce cas, être certain du caractère approprié de son offre de produits d’épargne», observe l’ACP.

La non-évaluation des connaissances des clients par Arca Patrimoine s’accompagne d’une absence d’explications détaillées des caractéristiques de ses produits. Par exemple, le contrat Primaduo est présenté comme «permettant d’épargner dans le cadre avantageux de l’assurance vie», sans expliquer que «pour un contrat sur vingt ans, un souscripteur souhaitant procéder à son rachat après quatre ans ne recevra que 25% de ses cotisations versées», note encore l’ACP en ajoutant que «ce fonctionnement, certes licite, doit au minimum être expliqué lors de la souscription, ce qui n’a pas été le cas».

L’absence de conseil approprié est aussi manifeste en matière de placements retraite Perp et Madelin qui étaient commercialisés, comme par certaines banques, à des épargnants ne payant pas assez d’impôts pour bénéficier de leurs avantages fiscaux. De même, s’agissant des EMTN (placements à formules financières optionnelles), dans le cadre des contrats Premium Multigestion 2, l’ACP note «qu’Arca Patrimoine n’a fourni aucune pièce établissant que ses clients avaient bénéficié d’informations précises sur les caractéristiques des produits et les risques qui en résultaient».

Les chausse-trapes de l’assurance vie luxembourgeoise.

En outre, Arca Patrimoine a continué à faire souscrire à ses clients des centaines de contrats d’assurance vie luxembourgeois de la société Excell Life Internationl (ELI). Cet établissement avait pourtant fait l’objet d’une «suspension temporaire de paiement des retraits partiels ou totaux de tous les clients», une mesure décidée par le Commissariat aux assurances du Luxembourg (CAL), dont Arca Patrimoine avait été avisée dès le 23 mars 2010. Une mauvaise surprise pour les épargnants qui auraient voulu récupérer leurs économies à ce moment-là. Mais, le Commissariat aux assurances du Luxembourg n’ayant interdit la vente de ces contrats qu’à partir d’août 2010, l’ACP a néanmoins considéré qu’Arca Patrimoine n’avait pas enfreint la loi en faisant souscrire à ses clients les contrats d’un assureur luxembourgeois moribond sans les en avertir. Ces circonstances ne peuvent toutefois que renforcer les mises en garde à l’encontre de l’assurance vie luxembourgeoise.

Pour consulter la décision intégrale de l’ACP : http://www.acp.banque-france.fr/uploads/media/20130621-Decision-de-la-commission-des-sanctions.pdf

3 commentaires

  1. TENG IN, le

    Le courtier a été sanctionné par l’ACPR, à juste titre.
    Mais les souscripteurs, d’une certaine manière, ont également été « sanctionnés.
    Ainsi, par exemple, s’agissant du contrat d’assurance-vie luxembourgeois VALOPTIS (assureur Atlanticlux) en unités de compte, à frais précomptés (et élevés), d’une durée de 20 ans :
    – un grand nombre de souscripteurs a pratiquement perdu toute son épargne en demandant le rachat au bout de seulement 2 ou 3 ans;
    – d’autres, qui ont continué à verser leurs primes sur une durée de 15 à presque 20 ans, constatent que la valeur actuelle de leurs u. c. n’est que d’environ 50% de l’initiale (profil équilibré ou dynamique confondus), sans que la compagnie ne paraisse en mesure d’expliquer pourquoi elle n’a pas réussi à faire prospérer, ou au moins préserver, leur épargne.
    Michel BONNET

  2. Dias Le Bail, le

    Nous avons été démarchés par Arca patrimoine qui nous a fait souscrire de multiples contrats. Aujourd’hui nous aimerions savoir quel recours nous avons face à ces contrats incompréhensibles et à priori loin de ce qui nous a été dit.

    • Gilles Pouzin, le

      Vous ne seriez pas les premiers à avoir signé des contrats « loin de ce qui vous a été dit », mais la question de vos recours dépend des circonstances et du préjudice liés à ce défaut de conseil ou d’information, et au vice de consentement qui a pu entacher la signature de vos contrats. Discussion à préparer avec un avocat, le cas échéant, selon le montant de la tromperie dont vous estimez avoir été victime.

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