Les maisons de retraite sont de mauvais investissements, mais il y a pire: les arnaques aux fausses maisons de retraite ! (photo © GPouzin)

Puisque la population vieillit, c’est un fait indéniable, les besoins en maisons de retraite vont augmenter, c’est un fait indéniable, « donc il est rentable d’investir dans les maisons de retraite », enchaînent généralement les colporteurs de ces arnaques en puissance. Et là, ce n’est pas un fait indéniable, mais un mensonge éhonté ! C’est un « saut logique », comme je l’ai expliqué sur Deontofi.com, a « leap of logic » comme on dit en anglais, c’est-à-dire un de ces tours de langage dont les promoteurs de rêves en général ont le secret pour vendre un fantasme comme s’il s’agissait d’une évidence inévitable, en partant d’une réalité dont ils déforment les extrapolations par une « fausse logique ».

Ce que j’appelle un « saut logique » (l’expression « leap of logic » est plus courante en anglais), c’est cet usage pratique, efficace et rapide, pour faire briller les yeux des épargnants, avec des « donc » et des « car » habilement détournés de leur signification logique par abus de langage, pour établir des correspondances improuvables, et souvent absurdes, entre un phénomène ou une tendance économique parfaitement réelle, et l’intérêt d’un investissement exploitant ce thème, avec un emballage rarement aussi rassurant qu’il veut le faire croire. En clair, un saut logique est un raisonnement à la logique fragile reposant sur des liens de causalité flous, invérifiables, voire totalement faux ou inexistants.

Quels placements ne sont pas déconseillés par Deontofi.com ?

Le saut logique dans le cas des maisons de retraite est de faire croire qu’il y aurait un lien automatique entre le vieillissement démographique et la rentabilité des investissements en maison de retraite. C’est faux. Archi-faux ! Des générations d’épargnants ayant englouti leurs économies dans des maisons de retraite peuvent en témoigner, y compris de très distingués cadres supérieurs diplômés de Polytechnique dont j’avais un temps suivi le combat judiciaire. La plupart du temps ils se retrouvent propriétaires de biens invendables avec des charges exubérantes, pour payer les services proposés aux occupants de ces maisons de retraite.

Les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), sont une catégorie de maisons de retraite pour les plus fragiles de nos aînés, qui y restent généralement relativement peu de temps compte tenu d’une espérance de vie résiduelle souvent très limitée quand ils arrivent dans de tels établissements.

Bien sûr, avec la privatisation rampante de l’Etat providence depuis de nombreuses années, la gestion privée de pans entiers de l’assurance sociale peut être lucrative pour leurs exploitants, et c’est le cas pour les exploitants de maisons de retraite. La prospérité des sociétés Orpéa et Korian en témoigne. Ces exploitants de maisons de retraite cotés en Bourse ont une profitabilité enviable et leurs actionnaires en profitent. Le premier a vu le cours de son action multipliée par 17 depuis son introduction en Bourse il y a 19 ans, au printemps 2002. Orpéa vaut aujourd’hui près de 7 milliards d’euros.

Mais pour les épargnants investissant directement dans des chambres ou parts de maisons de retraite, cet achat immobilier est un marché de dupe, car on vous arnaque généralement deux fois, la première sur le prix d’achat, la seconde sur les charges. En effet, vous achetez au prix du marché pour revendre avec une décote d’au moins 50%. En clair, tant que les prix de l’immobilier dans la ville de votre maison de retraite n’ont pas doublé, vous perdez de l’argent à la revente. Et encore, si vous trouvez un acheteur.

Un lecteur avait sollicité notre avis il y a trois ans, à l’été 2018, sur l’opportunité et la possibilité de revendre un appartement dans une maison de retraite. Il s’agissait d’un appartement de 45m2 dans la maison de retraite Les Hespérides, 8 rue Delabordère à Neuilly-sur-Seine, estimé à 280 000 euros lors de la succession dont il était héritier, soit 6 222 euros le mètre carré.

Bien que la valorisation retenue pour ce bien ait pu sembler modeste, au regard des prix de l’immobilier résidentiel libre vide dans cette ville, alors que les prix moyens des appartements dans cette même rue tournent autour de 12 000 euros, selon le site Meilleursagents.com, elle correspondait au prix auquel ce type de bien était mis en vente à l’époque par l’agence immobilière Sopregim, les logements dans les résidences de ce type subissant une décote quand les copropriétaires se retrouvent en situation de dépendance vis-à-vis des exploitants qui en possèdent généralement les parties communes.

En effet, le poids des charges est le second fardeau qui plombe la rentabilité des investissements en maisons de retraite, comme dans tout le secteur de l’immobilier résidentiel « avec services » d’ailleurs, qu’il s’agisse par exemple de résidences hôtelières ou touristiques. (Lire à ce sujet :

Déjà, les maisons de retraite réelles ne sont pas de bons placements. Mais il y a pire ! Car avec la prolifération d’escroqueries à distance favorisées par la facilité à faire disparaître l’argent des épargnants dans des pays non-coopératifs complices, les autorités de protection des épargnants assistent à une vague de sollicitations pour de faux placements en maison de retraite. En résumé, des arnaques aux faux placements orchestrées par les mêmes officines qui vendaient de faux livrets « trading », de faux placements diamants, de faux placements « cryptos » et tous les faux qui font leur fortune et la misère de leurs victimes.

Deontofi.com reproduit ci-dessous le communiqué de l’Autorité des marchés financiers du 8/7/2021 alertant contre les arnaques aux maisons de retraite :

L’AMF appelle les épargnants à la plus grande vigilance face à des propositions d’investissement dans des chambres d’EHPAD

A la suite de signalements d’épargnants, l’Autorité des marchés financiers met en garde le public au sujet de propositions d’investissement dans des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), bien souvent issues de sites internet usurpant le nom d’acteurs financiers ou de grands groupes du secteur.

L’AMF recommande aux investisseurs de ne pas donner suite aux sollicitations des personnes les incitant à investir dans des chambres d’Ehpad sans avoir vérifié que ces personnes disposent des garanties ou des autorisations nécessaires.

De grands acteurs du secteur des maisons de retraite médicalisées et du secteur financier ont alerté le public sur l’usurpation de leur identité ou de celle de leurs collaborateurs dans le cadre de démarchages téléphoniques ou par courriels incitant des particuliers à investir dans des Ehpad au travers de faux produits d’épargne ou d’investissement (livrets, fonds d’épargne à taux garantis, chambres d’Ehpad vendues à la découpe en Espagne et au Portugal).

Depuis le début de l’année, l’AMF a reçu plusieurs centaines de demandes d’épargnants concernant ce type de propositions d’investissements, ce qui témoigne d’une démarche de commercialisation particulièrement active de ces offres frauduleuses. Le procédé semble proche des propositions de placement dans des places de parking d’aéroport contre lesquelles l’AMF avait mis en garde le public en juin 2020.

En effet, l’AMF constate qu’après avoir renseigné leurs coordonnées sur des formulaires en ligne à la suite de publicités faisant miroiter un rendement attrayant, des épargnants sont contactés par téléphone ou par mail par des soi-disant conseillers qui leur proposent des offres de placement dans des chambres d’Ehpad. Ces derniers n’hésitent pas à transmettre des brochures commerciales aux logo et nom de véritables entreprises du secteur pour rendre crédible leur offre. Les épargnants sont ensuite invités à signer un faux contrat de location ou un bulletin de souscription pour un présumé produit financier ou à souscrire à un livret avec versement d’intérêts.

Le placement est présenté comme hautement rentable (entre 6 % et 10 % par an) et sans risque, mais il n’y a en réalité aucune acquisition ni location de chambres d’Ehpad derrière les offres frauduleuses de ce type.

Le préjudice moyen déclaré par les épargnants ayant contacté l’AMF est particulièrement élevé, avoisinant les 60.000 euros.

D’une manière générale, l’AMF invite les épargnants à appliquer des règles de vigilance avant tout investissement :

  • Méfiez-vous des promesses de gains rapides sans contreparties ; il n’y a pas de rendement élevé sans risque élevé.
  • Ne cédez pas à l’urgence ou aux pressions de votre interlocuteur, prenez le temps de la réflexion.
  • Méfiez-vous des demandes de transfert d’argent vers des pays sans aucun rapport avec la société ni avec l’Etat de résidence de l’investisseur.
  • Ne prenez pas pour argent comptant les informations données par les sociétés, que cela soit à l’oral ou à l’écrit ; les usurpations sont fréquentes, nombreuses et faciles à réaliser.
  • Ne communiquez pas vos coordonnées personnelles (téléphone, mail, pièces d’identité, RIB, IBAN, justificatifs de domicile…) à des sites dont vous ne pouvez attester la fiabilité.
  • Attention aux publicités que vous voyez sur internet et particulièrement sur les réseaux sociaux ; ce sont les terrains de prédilection des escrocs pour hameçonner leurs futures victimes.

Si la société qui vous contacte n’a pas fait l’objet d’une mise en garde de la part de l’AMF, cela ne signifie pas pour autant que celle-ci est autorisée à vous fournir des services financiers.​​​​​​

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