(photo © GPouzin)

Si nous ne nous étions pas battus, il y aurait eu une affaire Pérol, mais pas de procès. Nous nous sommes donc battus pour qu’il n’y ait pas d’affaire sans procès. Alors que les conflits d’intérêts sont au cœur de la finance, à l’origine de la crise, jamais sanctionnés, et difficiles à condamner, l’ex-secrétaire adjoint de Sarkozy parachuté de l’Elysée à BPCE n’a pas dit la vérité, plaide l’avocat Daniel Richard, décédé quelques semaines après l’audience. (photo © GPouzin)

(Tout le procès Pérol ici) Pérol24. Mardi 30 juin 2015, audience de plaidoirie des parties civiles au procès de l’ex-secrétaire adjoint de l’Elysée parachuté à la tête des Banques Populaires Caisses d’épargne. Plaidoirie de Maître Daniel Richard pour un sociétaire de l’Ecureuil.

Prenant le relais de son confrère Richard Valeanu, avec qui il partage la défense des intérêts de Monsieur Majster, sociétaire et ex-salarié des Caisses d’épargne, Maître Daniel Richard (malheureusement décédé depuis) poursuit leur plaidoirie, quasiment sans interruption entre les duettistes :

Poincaré disait « un banquier est toujours en liberté provisoire ». Cela nous fait remonter à un temps où les banquiers ne profitaient d’aucune faveur judiciaire, alors que là, on est frappés que Monsieur Pérol bénéficie d’un traitement de faveur dès le début.

Ça a continué encore plus mal. La juge d’instruction a d’abord rendu une ordonnance disant qu’il y avait lieu à informer. Et puis il y a eu l’appel du parquet. Nous avons dû batailler car nous venons d’horizons très divers sur les bancs des parties civiles. Nos amis de Sud-CGT ne sont pas nos compagnons, mais nous sommes réunis par le goût d’une République irréprochable. Nous ne nous sommes pas battus pour faire traduire Monsieur Pérol en justice, nous ne le connaissions pas et n’avions rien contre lui. Mais si nous ne nous étions pas battus, il y aurait eu une affaire Pérol, mais pas de procès. Nous nous sommes donc battus pour qu’il n’y ait pas d’affaire sans procès.

Pour avoir passé un an au service de presse du président de la République en 1974, je peux vous dire que la crise était moins rude mais qu’on y travaillait beaucoup. A l’époque Guéant c’était Jobert, et Pérol c’était Balladur. Pour l’avoir connu, ce n’est pas le voyage à l’Elysée que j’ai ressenti, mais que Monsieur Pérol nous a baladé. Malgré la pertinence de vos questions et de celles de Madame la procureure, il ne nous a pas dit la vérité. Le seul moment de vérité, c’était quand Guéant est venu témoigner.

On veut bien croire qu’il avait beaucoup de travail, mais quand il nous dit qu’il avait d’autres soucis que son avenir professionnel, il n’a eu qu’un sujet en tête, le rapprochement des Caisses d’épargne et Banques populaires. Quand il s’est retrouvé secrétaire général adjoint de l’Elysée, c’était le bon moment de concrétiser cette ambition, il s’est fait bombarder président de BPCE et y est resté, alors qu’aujourd’hui il ne peut pas s’en rendre compte car il est totalement sorti des clous, comme lors de la saisine de la Commission de déontologie.

Excusez-moi de vous le dire, Monsieur Pérol, mais si vous avez une haute opinion de vous-même, vous ne semblez pas en avoir une très haute des autres. A votre place, j’aurais un souci d’exemplarité. Vous vous accrochez à votre place car elle est très très bonne. Le Journal du dimanche indique que les concurrents sont déjà dans les starting blocks pour vous remplacer. Ces banquiers, Comolet, Milhaud, etc, sont au mieux des zozos, au pire des tocards, mais ils ne vous arrivent pas à la cheville.

Je les connais bien, depuis vingt ans que je défends des épargnants contre beaucoup de banquiers, ils passent leur temps à vendre des produits variés et avariés aux clients. J’évoque par exemple l’affaire Doubl’Ô. Vendredi nous avons entendu en fin d’audience Monsieur Pérol dire « je reçois beaucoup de lettres de soutien ». J’ai peur qu’elles émanent toutes de votre comité de direction.

Je pense que vous vous moquez un peu de nous tous. Vous nous avez promené en nous disant cent ou deux cent fois la même chose.

Attention, un Pérol peut en cacher un autre. Il y a le grand serviteur de l’Etat et puis, que vous le vouliez ou non, l’homme de Rothschild. Alors que les conflits d’intérêts sont au cœur de la finance, à l’origine de la crise, jamais sanctionnés, et difficiles à condamner, ce que vous avez fait et que vous continuez à faire, Monsieur Pérol, ce n’est pas convenable.

(Tout le procès Pérol ici)

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« Jamais sans ma robe », par Maître Daniel Richard avec Valérie Bosc des Moutis, éditions du Rocher, 2011, 175p. 15,30€

Daniel Richard étant malheureusement décédé prématurément l’été dernier, à peine plus d’un mois après cette plaidoirie, nous profitons de ce compte-rendu pour lui rendre hommage et partager son souvenir avec ceux qui l’ont côtoyé, ou auraient aimé le connaître. Maître Daniel Richard était un avocat renommé pour son combat contre la mauvaise foi des institutions financières, banques et compagnies d’assurance, dont il obtenait régulièrement la condamnation pénale pour tromperies, escroqueries et autres délits, notamment dans le cadre d’actions communes avec Maîtres Hélène Feron-Poloni et Nicolas Lecoq Vallon, du cabinet éponyme. En dépit de son opiniâtreté à défendre les justes causes, Daniel Richard était dans la vie comme dans ses plaidoiries d’une grande courtoisie et d’une extrême délicatesse, qui donnaient d’autant plus de valeur à ses indignations et revendications. Doté d’une plume efficace, il avait écrit plusieurs livres, dont « Jamais sans ma robe », une très sympathique galerie de portraits, croisés au cours de sa carrière, liés par le fil conducteur de la robe noire, son histoire et ses coquetteries.

Daniel Richard était un avocat comme il en faudrait davantage, pour ré-équilibrer le rapport de force entre défenseurs des fripouilles et protecteurs des victimes. Il nous manque déjà. Qu’il repose en paix.

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