Comme chaque année, le rapport de la médiatrice de l’Autorité des marchés financiers (AMF) regorge d’informations sur les sources de déceptions et de réclamations des épargnants. (photo © GPouzin)

Comment éviter les mauvais placements ? Et comment obtenir réparation en cas de litige avec un prestataire en placements financiers ? A l’occasion de la présentation de son rapport annuel 2018, Marielle Cohen-Branche, médiatrice de l’Autorité des marchés financiers (AMF), faisait ce matin un bilan de son action, avec de nombreux repères utiles aux épargnants comme aux professionnels, pour éviter les mauvaises surprises.

Fidèle à ce rendez-vous, Deontofi.com en résume ici les grandes lignes avant d’approfondir dans les points particuliers développés dans le rapport avec des cas concrets comme les années précédentes.

Pour beaucoup d’épargnants les placements sont un univers complexe dans lequel il est bien difficile de se repérer, même avec les conseils de professionnels, parfois pédagogiques mais souvent biaisés par leurs conflits d’intérêts. En cas de litige c’est pire.

Qui saisir pour quel litige ? On ne s’y retrouve pas

« Le médiateur de l’AMF est un service public gratuit », avec des particularités assez uniques, rappelle Marielle Cohen-Branche. Par exemple le médiateur de l’AMF pour les produits financiers n’a pas son équivalent auprès de l’ACPR pour les produits bancaires ou d’assurance.

Le médiateur n’est pas un juge, il n’impose rien. Il propose une solution de résolution amiable des litiges, à travers des avis que les consommateurs et professionnels sont libres de suivre ou de rejeter.

Le rôle du médiateur a été renforcé par une directive européenne rendant la médiation obligatoire pour tous les professionnels. « Quel que soit le commerce ou le prestataire de service avec lequel vous auriez un litige, il a l’obligation de vous proposer une médiation, je vous le signale », ajoute-t-elle.

La médiation a le vent en poupe, mais on n’y comprend pas grand-chose, au point que depuis 5 ans la médiatrice de l’AMF consacre une annexe de son rapport annuel à l’évolution du paysage juridique de la médiation.

Médiation obligatoire jusqu’à 5000 euros de litige

La dernière loi du 23 mars 2019 prévoit ainsi un décret qui remonterai le seuil en-dessous duquel la médiation est un préalable obligatoire pour avoir le droit de saisir la justice d’un litige. Jusqu’ici fixé à 4000 euros, ce seuil devrait passer d’ici quelques semaines à 5000 euros.

La tentative de médiation devient une étape préalable incontournable avant de saisir les tribunaux. « On dit bien tentative, précise la médiatrice de l’AMF, le professionnel peut refuser d’entrer en médiation ou refuser de se ranger à l’avis du médiateur ».

« Aujourd’hui, alors que se développe la médiation administrative et dans différents secteurs, les médiateurs de la consommation, comme celui de l’AMF, sont les seuls régulés par la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation (CECMC), commission qui nous agrée, nous contrôle, regarde nos rapports annuels », rappelle Marielle Cohen-Branche. Régulé, gratuit, confidentiel, donc sans atteinte à l’image, et cerise sur gâteau avec suspension des délais de prescription pour saisir la justice en cas d’échec de la médiation. « C’est gagnant-gagnant !».

« Nous avons l’obligation de pouvoir être saisi autant par Internet que par écrit ». Tous les médiateurs n’y avaient pas pensé, à moins que certains aient cru pouvoir endiguer les demandes de médiation en les limitant aux saisies par courrier postal, comme à La Poste.

Quand la directive européenne a été déployée, depuis janvier 2016, les médiateurs publics déjà inscrits dans la loi, comme le médiateur de l’énergie et de l’AMF, ont bénéficié par conséquence d’un monopole de médiation sur les litiges entrant dans leur champ de compétence, alors que les médiateurs sectoriels sont en concurrence selon les choix des professionnels.

Résoudre, suggérer, informer

« La première mission du médiateur est de tenter de résoudre les litiges. La deuxième, si le professionnel n’a pas commis d’erreur mais qu’il y a des défauts dans ses procédures, on lui dit profitez-en pour améliorer vos services. Sa troisième mission, quand la loi pose problème, est d’essayer de faire évoluer », rappelle l’ancienne magistrate en charge du droit bancaire et financier pendant huit ans à la Cour de Cassation.

Hausse de 17% des réclamations recevables en 2018

« La hausse des litiges a repris en 2018, avec 1438 saisines du médiateur reçues (+6%), dont 813 (+17%) entrant dans son champ de compétence. « Il faut gérer, nos équipes sont sous l’eau, on a pu traiter 777 dossiers et sommes entrés en médiation avec 308 établissements, principalement des PSI (prestataires de services d’investissements), quelques sociétés cotées et sociétés de gestion de portefeuille »

L’équipe de juristes du service de médiation de l’Autorité des marchés financiers, autour de la médiatrice de l’AMF, Marielle Cohen-Branche, et son délégué François Denis du Péage

En Angleterre un seul médiateur banque-assurance-finance

D’année en année notre problème est le fractionnement des compétences, ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays comme au Royaume-Uni où un médiateur unique regroupe les litiges d’assurance banque et finance. En France où il y a une séparation pour des raisons historiques, les consommateurs ne comprennent pas de qui relève leur litige. Près de la moitié des dossiers reçus par la médiation de l’AMF ne sont pas dans son champ de compétence. « Je n’ai pas le droit de les traiter en vertu de l’article L621-19 du Code monétaire et financier qui définit mon champ de compétences, poursuit Marielle Cohen-Branche. Les deux tiers des dossiers que je suis obligée de déclarer irrecevables sont du domaine bancaire, il n’est pas étonnant que les gens ne comprennent pas bien les différences entre placement bancaires, assurance-vie et produits financiers, d’autant qu’ils leur sont souvent vendus par les mêmes conseillers »

Pour éviter ces malentendus qui peuvent agacer et surtout faire perdre du temps ou rater des délais, la saisine du médiateur de l’AMF sur Internet est maintenant plus interactive.

Saisir le médiateur par Internet, une meilleure assistance

Afin d’orienter au plus tôt les épargnants insatisfaits vers le bon médiateur correspondant à leur litige, ils doivent répondre à des questions sur la nature de ce litige. Résultat : « grâce au mode de filtrage du nouveau formulaire du site de l’AMF, seulement 27 %  des dossiers saisis par internet sont non recevables, contre 46 % en 2017 ».

Une demande de médiation peut être rejetée pour d’autres raisons. « Est-ce que le consommateur a effectué préalablement une réclamation auprès du professionnel ? Il faut laisser une chance au professionnels de dire oui aux réclamations, nous ne sommes pas le service client externalisé. La loi exige de justifier la saisie du professionnel préalablement à la saisine du médiateur »

Mais la loi n’est pas naïve, elle prévoit les cas où le professionnel éconduit la réclamation : s’il répond défavorablement ou de façon insatisfaisante, ou qu’il laisse passer deux mois sans répondre, le consommateur peut saisir le médiateur. « On lui demande juste une preuve qu’il a bien effectué une réclamation, par exemple la copie scannée de son courrier, peut être adressée au professionnel en courrier simple ». Le recommandé n’est pas obligatoire.

La réclamation est un préalable obligatoire à la médiation, qui est devenue un préalable obligatoire avant de saisir la justice.

Zapper la médiation peut vous priver de tout recours !

« Si le tribunal constate qu’il a été saisi sans tentative préalable de médiation, il peut prononcer l’irrecevabilité d’office de la demande », explique la médiatrice de l’AMF.

Des médiations efficaces pour résoudre les litiges à l’amiable

« A quoi ça sert ? » s’interroge publiquement la médiatrice. Le but de la médiation est bien de mettre fin aux litiges, ce qui est le cas dans près d’un cas sur deux, un peu plus un peu moins selon les millésimes. En 2018, la majorité des avis rendus par le service de médiation de l’AMF était favorable aux épargnants (54% contre 46% défavorables). « Quand nous parvenons à un avis favorable, la négociation commence avant de donner l’avis pour qu’il soit équitable et juste, détaille Marielle Cohen-Branche. Le fait d’être adossé à l’AMF et d’être une ancienne magistrat pèse dans la balance, je leur rappelle aussi les avantages de la médiation, qui est confidentielle et gratuite, par rapport aux coûts d’avocats élevés et au risque de réputation liés à un procès ».

Résultat, quand la médiatrice de l’AMF rend un avis favorables aux épargnants, les professionnels le suivent volontairement sans procès dans 93% des cas.

54% de médiations favorables aux épargnants suivies à 93%, contre 46% d’avis défavorables plus ou moins bien acceptés à 94% (6% d’insatisfaits).

« Quand on rend un avis défavorable, il faut être très pédagogique pour expliquer les raisons de cet avis, poursuit la médiatrice de l’AMF. Seuls 6% des demandeurs ayant reçu une réponse défavorable à leur demande de médiation se déclarent insatisfaits. Il nous est parfois même arrivé de recevoir des courriers de remerciement pour la clarté des explications accompagnant un avis négatif ».

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