L’audience du 5 décembre 2013 devant la 5ème chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Paris est consacrée à l’examen des avantages en nature que s’accordaient les administrateurs permanents du Cref. Ils bénéficiaient de remboursements en indemnités de frais de séjour, en plus d’un logement gratuit fourni par la mutuelle. (Tous les articles sur l’affaire Cref ici)
Deuxième partie.
– En ce qui vous concerne. Quel est l’appartement que vous aviez ? demande la présidente à Mr Paul Faure, ancien vice-président du Cref.
– Un F3 sans ascenseur sur cour, 3 pièces, ma femme est venue me rejoindre.
– Dans le rapport de l’Igas, pour la dernière année, quand vous partez en cours de route pour 1998 cela représentait un loyer de 44 000 francs.
– C’était un appartement très correct, modeste. Je l’ai occupé quand j’étais au syndicat, et j’ai continué à l’occuper deux ans quand je suis passé à la mutuelle. En 1997 j’ai cessé ces fonctions et je l’ai quitté en avril 98, je venais encore aider Mr Attali.
– Le conseil d’administration du 25 juin 1992 approuve ces décisions à l’unanimité, est-ce que les non-bénéficiaires ont posé des questions ? interroge un avocat de la défense.
– Ça remonte à 20 ans mais je n’ai pas souvenir de questions. Je suis allé demander à d’autres mutuelles ou associations à Paris comment elles faisaient pour loger leurs MAD (NDLR personnel « mis à disposition »), j’ai fait une synthèse et remplacé le système antérieur qui a été clarifié en 92 et adopté à l’unanimité. La notion de logement est bien inscrite et précisée.
– Pourquoi ne pas le déclarer comme avantage en nature ? Est-ce que les instituteurs le déclarent ? s’enquiert la présidente.
– Il y avait une grille, Norbert peut vous répondre.
– Nous avions eu cette précision sur les frais de séjour, reprend Mr Norbert Attali, après l’AG où la CCMIP (NDLR la Commission de contrôle des mutuelles et institutions de prévoyance est l’ancêtre du régulateur des assurances, aujourd’hui l’ACP) nous demande de prendre une résolution, nous continuons. Il n’y a eu aucune critique ni mise en examen à l’époque. Aucune question pour savoir si un appartement pouvait être assimilé à des frais de séjour. Après 2000, nous sommes restés dans les mêmes logements et n’avons pas été mis en examen. Je voudrais revenir sur mon appartement boulevard de Courcelles dont la taille peut choquer. En tant qu’administrateur nommé en 95, au 1er conseil Mr Vaucoret rappelle les conditions pour les permanents, je n’ai pas de doute que c’est normal et connu. Je fais les déplacements, puis à partir de décembre cela devient compliqué pour ma famille. Paul Faure me propose un logement à République mais qui n’est plus possible. Il me dit « d’ici septembre on trouvera ». En janvier mon épouse demande sa mutation à Paris, obtenue pour septembre, nous libérons Cergy. J’ai 2 enfants et souhaite au moins une chambre pour chacun. En avril nous n’avons toujours pas de logement et il faut quitter Cergy en juin. On a des travaux dans l’immeuble rue La Boetie où il y a un appartement de 90m2 mais qui sont en retard. Je dois aussi inscrire mes enfants en maternelle, où il n’y a pas forcément de place. Quand fin avril j’accepte l’appartement rue de Courcelles, le GAIA (NDLR la société de gestion interne) a fourni le tableau des appartements disponibles, aucun n’est disponible dans la période que j’indique.
– En région parisienne, quelle était la valeur locative de votre appartement de Cergy quand vous changez, à surface équivalente ? questionne la présidente.
– Il y a une différence de dimension et de localisation, observe Mr Attali. Et pour un logement dans une école il n’y a pas de valeur locative.
– Compte tenu de l’article du code de la mutualité, vous ne vous posez pas de question sur tous ces avantages cumulés ?
– L’explication qu’on m’a donnée quand je ne payais pas de taxe d’habitation à Paris était que si on conservait un logement en province, la taxe d’habitation faisait partie des frais de séjours. Dans ma déclaration de revenus j’indiquais occuper un logement à titre gratuit.
– Votre justification de ce logement était de pouvoir venir à Paris, mais vous étiez déjà en région parisienne, s’étonne l’avocat général.
– Oui mais j’avais énormément de déplacements.
– Plein le font, des milliers chaque jour, note l’avocat général.
– Oui mais ils ne gèrent pas tous 4 milliards d’euros ! S’exclame un avocat de la défense.
– Est-ce aux adhérents de la mutuelle de prendre en charge votre logement ? reprend le procureur général.
– Je considérais que c’était logique et normal quand on a une sujétion importante d’avoir des conditions confortables. Je ne voyais pas mes enfants, ajoute Norbert Attali.
– Prenez un fonctionnaire, un substrat d’enseignant, élabore la présidente. Il est muté d’un milieu rural à la grande ville de la région, sa charge de travail est plus importante et le coût de la vie aussi. Puis il est muté à Paris et a incomparablement plus de frais, qui à aucun moment ne sont pris en charge, insiste la magistrate. On comprend bien le fonctionnement mais on ne comprend pas l’automaticité dans votre esprit que ce soit pris en charge.
– Je ne me pose pas cette question car je sais que les responsables de notre organisation sont logés. C’est un fait, c’est naturel, c’est comme ça.
– Vous ne vous posez pas plus de question par rapport au texte que par rapport aux autres, questionne encore la présidente.
– Je n’ai jamais lu l’article 125-5 du Code de la mutualité avant le rapport de l’Igas, avoue l’administrateur délégué. C’est en toute bonne foi que je ne me suis pas posé de questions.
– Quand votre épouse est mutée à Paris, elle devait avoir le choix entre un logement de fonction ou une indemnité ? interroge à son tour Maître Francis Terquem, un avocat des victimes.
– A Paris il y a peu de logements de fonction et ils sont réservés aux directeurs d’école, esquive Norbert Attali.
– Pourquoi ne pas compenser la charge de la mutuelle par l’indemnité touchée par votre femme ? reprend la présidente en s’engageant dans la brèche.
– Il n’y a pas de lien entre l’indemnité et la situation de logement, esquive à nouveau Mr Attali. Il y a une indemnité quelle que soit la situation de logement.
– Nous avons parlé de morale, lance Maitre Terquem à qui peut l’entendre.
– Ici on ne fait pas de morale, on fait du droit, lui répond comme un écho Maitre Francis Pudlowski, l’avocat de Norbert Attali.
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