Comme dans certains casinos ou cercles de jeu tristement célèbres dans les anales du grand banditisme, les paris sportifs peuvent être bien pratiques pour blanchir de l’argent sale. La technique est grossière mais peut s’avérer efficace : on ne cherche pas l’origine des petites mises répétitives, tandis que les gros gains provenant de ces jeux à intervalles réguliers sont réputés légitimes. Pas si sûr, comme le démontre une enquête de Tracfin, la cellule antiblanchiment du ministère des finances. NDLR : Cas réel relaté par Tracfin dans son rapport annuel 2012 p.46-47, à peine modifié ici par souci de simplification.
M. Ximise est un joueur assidu des paris sportifs. Gagnant à des milliers de reprises, ses paris lui ont rapporté plusieurs millions d’euros. Pas des milliers, des millions ! En matière de blanchiment, les paris sportifs sont très pratiques car ils peuvent être utilisés selon plusieurs techniques, par exemple en pariant sur le favori, ou sur tous les résultats possibles, ou encore sur l’équipe ayant la cote la plus élevée. En pariant sur le favori, les gains sont faibles mais le blanchisseur est quasi sûr de récupérer sa mise, ainsi blanchie. En outre, certaines sociétés de jeux de hasard, de paris et de pronostics sportifs ou hippiques permettent aux gagnants ayant validé de nombreux tickets d’agréger de multiples petits gains pour les encaisser en un seul chèque.
En l’absence d’information de la part du gagnant, la banque où il dépose son chèque peut croire qu’il correspond à un gros lot ou à une cagnotte obtenue en toute légalité. Par ce biais, le blanchisseur masque l’injection massive d’espèces provenant d’activités illicites, qui sert à financer les mises, tandis que les fonds reçus en contrepartie sont blanchis. M. Ximise joue principalement chez des buralistes près de chez lui, en achetant des jeux chez plusieurs détaillants en même temps. Les paris sont payés dans un premier temps en liquide.
Après une année de jeux et plusieurs centaines de milliers d’euros encaissés sur ses comptes bancaires, M. Ximise a continué sur le même schéma tout en commençant à émettre des chèques de gros montants à l’ordre des buralistes (10 000 euros, 15 000 euros et 20 000 euros principalement). Cette deuxième phase aurait pour but, en cas de contrôle, de pouvoir justifier l’origine des fonds joués. Mais en approfondissant l’enquête, Tracfin découvre que les montants des chèques sont insuffisants au regard des gains agrégés par le joueur, indiquant que M. Ximise a sans doute aussi continué à blanchir d’importantes sommes en liquide grâce aux paris sportifs.