Au début des années 2000, Lyxor, filiale de la Socgen, a été pionnière en proposant les premiers fonds « trackers » cotés en Bourse en France. Autre innovation de Lyxor, ces fonds indiciels avec moins de frais que les Sicav classiques permettaient de miser sur tous les pays du monde dans le cadre fiscal du PEA. Leur changement de stratégie agace les épargnants, sans remettre en cause l’intérêt de ces placements.
Le plan d’épargne en actions (PEA) est une « enveloppe » fiscale initialement créée en 1992 pour inciter les épargnants à investir à long terme en actions françaises et européennes en contrepartie d’une fiscalité allégée et différée. Depuis plus d’une quinzaine d’années, plusieurs sociétés de gestion proposent néanmoins des fonds permettant une diversification internationale tout en étant éligibles au PEA, grâce à une technique de « swap » (contrat d’échange en anglais). Pour simplifier, ces fonds investissent réellement en actions européennes, justifiant leur éligibilité au PEA, mais leurs gérants « échangent » (« swap »), la performance de leurs actions européennes contre celle d’autres actions internationales, par exemple américaines, asiatiques ou de pays émergents comme le Brésil ou l’Inde. C’était le cas de nombreux fonds trackers cotés en Bourse (exchange traded funds ou ETF) lancés au début des années 2000 par la société de gestion Lyxor, filiale de la Société générale pionnière dans ce domaine. Ces fonds répondaient utilement à un besoin des titulaires de PEA pour atténuer les risques boursiers en élargissant leur horizon d’investissement. Depuis leur arrivée en France, j’ai moi-même fait l’apologie de ces placements auprès des épargnants, car ils sont très pratiques et bien moins coûteux en frais que la plupart des fonds traditionnels, pour diversifier son patrimoine dans le cadre fiscal avantageux du PEA. Cette fois, j’en parle pour signaler une mesquinerie de Lyxor très agaçante pour ses petits clients, même si elle ne remet pas en cause l’intérêt de ses trackers éligibles au PEA, du moins les nouveaux.
Sans fanfare ni trompettes, la Société générale a décidé unilatéralement de modifier la politique de gestion de ses trackers internationaux de sorte qu’ils ne seront plus éligibles au PEA à compter du 17 octobre 2014. Le document pédagogique dans lequel Lyxor justifie maladroitement son choix, est daté du mois de juin, mais certains épargnants possédants les fonds concernés dans leur PEA n’en ont été avertis que par un discret coup de fil de leur intermédiaire au cœur de l’été, leur indiquant qu’une alerte de ce changement avait été glissée en bas de l’espace de correspondance de leur site web, en dessous des publicités pour les produits à effet de levier sur lesquels les frais de transactions sont offerts par les banques, tant ils procurent de marge à leur salle de marché sur le dos des clients.
Les épargnants qui avaient fait confiance à la filiale de la Société générale pour gérer la diversification internationale de leur portefeuille sont ainsi avisés de façon très discrète que les fonds PEA internationaux de Lyxor ne seront plus éligibles au PEA. Même si la documentation est plus claire sur ce point, l’information succincte distillée par les intermédiaires sur la « Suppression de l’éligibilité PEA de certains fonds Lyxor » ferait presque soupçonner l’administration d’être responsable de ce changement.
C’est au contraire un choix strictement unilatéral de la filiale de la Société générale, comme elle le précise dans son document : « C’est une décision prise par la société de gestion des ETF en vue d’offrir en permanence la meilleure performance possible à ses clients ». Examinons ce savant argument.
Accrochez-vous. Selon la filiale de la SocGen, la suppression d’éligibilité au PEA de ses trackers internationaux serait rendue « nécessaire » car « les évolutions réglementaires et fiscales, notamment la taxe sur les transactions financières, engendrent des coûts d’acquisition du panier d’actions éligibles au PEA ». Certes, les banques n’aiment pas cette taxe et avaient prévenu qu’elles la feraient payer à leurs clients. Mais est-ce que son coût, dont l’impact « représente entre 0% et 0.1% de performance annuelle », selon Lyxor, suffirait à dissuader les détenteurs de PEA de conserver leurs fonds de diversification internationale ? Probablement pas.
Lyxor aurait pu ne rien changer à la politique de gestion de ses trackers internationaux, et maintenir leur éligibilité au PEA, mais la filiale de la SocGen a préféré les rendre inéligibles au PEA, entraînant toutes sortes de tracas et de frais pour les épargnants les détenant dans ce cadre, tout en les remplaçant par de nouveaux fonds trackers éligibles au PEA équivalents ! « Ces nouveaux ETF sont éligibles au PEA et présentent les mêmes caractéristiques que les ETF dont le statut fiscal est modifié. En particulier : même indicateur de référence, même niveau de frais de gestion, même disponibilité en bourse », assure Lyxor.
Brillante idée ! Ainsi, les titulaires de PEA devront vendre leurs fonds internationaux Lyxor actuels pour en racheter d’autres, en payant des frais de transaction ou en s’exposant à des écarts de cours bien plus coûteux que le surcoût inférieur à 0,1% lié à la TTF qu’ils supporteront de toute façon avec les nouveaux trackers PEA que Lyxor leur propose. On ne voit pas en quoi ce chamboulement apporte une meilleure performance aux épargnants concernés, c’est évidemment le contraire !
Mais tous les clients de Lyxor ne détenaient pas ces fonds internationaux dans leur PEA. « Les ETF concernés par le changement de statut fiscal présentent des encours importants, dont une majorité est détenue par des investisseurs qui n’ont pas de PEA. Cette majorité d’investisseurs jouit donc d’une performance inférieure à celle qu’ils pourraient attendre, et ce en contrepartie d’un avantage dont ils ne bénéficient pas » explique Lyxor dans ses justifications. C’est particulièrement vrai pour les investisseurs institutionnels (compagnies d’assurance, caisses de retraite et autres Sicav et fonds) qui semblent les principaux bénéficiaires de ce changement.
La filiale de la Société générale aurait pu avouer qu’elle préférait ménager la stabilité des plus gros investisseurs institutionnels dans ses trackers internationaux, tout en améliorant leur performance, quitte à faire payer le prix de son nouveau choix aux petits épargnants détenteurs de PEA qui devront supporter les coûts et tracas de ce changement. Ce n’est pas très grave, car la plupart des courtiers ont prévu des procédures pour atténuer les inconvénients subis par leurs clients, tandis que les nouveaux fonds équivalents proposés par Lyxor permettront toujours de diversifier son PEA dans de bonnes conditions, mais c’est un peu agaçant quand on comprend l’hypocrisie des arguments avancés, soi-disant dans l’intérêt des clients.