Suite de notre feuilleton sur la fraude intrinsèque à l’économie de marché rendant son éthique illusoire. Épisode 8: soutenant avec aplomb des contrevérités sans preuve pour empêcher les États européens de taxer leurs transactions spéculatives, les banquiers sabotent ce projet avec la complicité de leurs serviteurs à la tête des banques centrales européennes. Extraits d’une contribution académique de Deontofi.com à la revue internationale Éthique Publique, pour son ouvrage intitulé : Éthique et reconfigurations de l’économie de marché : nouvelles alternatives, nouveaux enjeux.

Le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, s'attaque à l'épargne réglementée, dans son discours aux 23èmes rencontres parlementaires sur l'épargne. (photo © GPouzin)

Le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, toujours prêt à voler au secours des groupes de pression financiers, dont il défend les revendications avec une complicité déconcertante. (photo © GPouzin)

Après avoir sabordé la loi de séparation bancaire française, les groupes de pression concentrent leurs efforts contre le projet d’Union bancaire euro­péenne, prévu dans le sillage du rapport Liikanen, dont ils ont obtenu un report. Ils tentent aussi d’empêcher par tous les moyens la taxe sur les tran­sactions financières (TTF), en cours d’adoption par 11 pays d’Europe (Allemagne, France, Italie, Espagne, Belgique, Autriche, Portugal, Grèce, Slovaquie, Slovénie et Estonie).

Les arguments les plus contradictoires sont avancés par les adver­saires de la TTF : ceux des 11 pays concernés dénoncent le risque de délo­calisation des activités financières à Londres, hors zone TTF, tandis que les banques anglaises, avec l’appui de leur gouvernement, contestent la légalité de la TTF au motif que celle-ci pénaliserait les activités financières de la City. Aucune étude sérieuse ne valide ces arguments.

Au contraire, la seule étude scientifique récente, réalisée par Gunther Capelle-Blancard, professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et directeur adjoint du Centre d’études prospectives et d’informations inter­nationales (CEPII), montre plutôt la neutralité de la TTF à l’égard de la volatilité et de la liquidité des marchés, et son intérêt pour les États et leurs citoyens. Alors que de nombreux pays souffrent du coût élevé de recouvrement des impôts et de la fraude fiscale, Capelle-Blancard rappelle que le coût de collecte du droit de timbre anglais sur les transactions bour­sières est de seulement 0,02 %, « soit 75 fois moins élevé que pour l’im­pôt sur le revenu ». Enfin, « la manne est potentiellement très impor­tante » (Pouzin, 2013d). Les taxes de ce type représentent de 1,5 à 2,5 % des recettes fiscales en Suisse, de 0,5 à 1 % en Finlande, de 0,5 à 1,5 % en Grande-Bretagne et jusqu’à 6 % à Taiwan. Si l’on considère le succès de ces places financières, « taxer les transactions financières n’est peut-être pas une si mauvaise idée » (Pouzin, 2013d), conclut le chercheur : cette taxe pourrait rapporter de 30 à 35 mil­liards d’euros par an aux 11 pays européens concernés. Face à la mauvaise foi des lobbies, l’économiste dénonce leurs faux arguments, abusivement relayés par le gouverneur de la Banque de France. Dans une tribune pu­bliée en février 2014, il estime ainsi que « Christian Noyer sombre dans la caricature s’agissant de la taxation des transactions financières » (Pouzin, 2013e).

Les banques font-elles vraiment ce qu’elles veulent du pouvoir législatif ?

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