Alors que la société Hedios Patrimoine était informée que Dom Tom Défiscalisation était une escroquerie, elle a continué à la diffuser auprès de ses clients, malgré l’interdiction par son association professionnelle, encaissant des milliers d’euros de commissions sur le dos des épargnants volés.

8ème épisode du procès de Dom Tom Défiscalisation, la plus grosse escroquerie à l’investissement défiscalisé en panneaux solaires Girardin industriel. Tout le sommaire des articles de Deontofi.com sur cette arnaque photovoltaïque ici.

Plaidoirie de Maître Hélène Feron-Poloni, du cabinet Lecoq-Vallon Feron-Poloni, à l’audience du jeudi 17 novembre 2016 :

Je représente 36 parties civiles pour lesquelles il y a un préjudice financier, mais aussi un préjudice moral. Chacun a perdu 100% de son investissement en plus de la rectification fiscale qui lui cause un préjudice moral.

Il y a des produits de défiscalisation où vous ne perdez pas le capital investi. En ayant souscrit ce produit-là, cet investisseur a perdu la chance de pouvoir souscrire un autre produit de défiscalisation, une fois tombé dans cette malheureuse affaire. S’il avait acheté un bien locatif, par exemple, il aurait peut-être perdu la réduction fiscale, mais pas l’appartement, d’où l’importance de faire la distinction entre le préjudice de perte d’investissement et celui du redressement fiscal.

Quel est l’enjeu pour les autres épargnants devant votre tribunal ? Ils se sont constitués parties civiles devant votre tribunal de longue date, avec la même raison pour laquelle M. Vautel est partie civile. Quand on voit ses conclusions, il déplore un préjudice moral à hauteur de 30%, alors que M. Vautel a un enjeu avec le jugement de votre tribunal, qui est d’achever de nettoyer sa réputation. Il est là comme une chauve souris, avec une souscription de 8 000 euros en 2008 et 2009. Vu ce qu’il a fait comme argent avec cet investissement, il aurait pu défiscaliser beaucoup plus. Il est oiseau et souris, car il est aussi Hedios Patrimoine qui a tout vu. On sent qu’il a des choses à dire.

Des centaines d’investisseurs ont souscrit via Hedios Patrimoine et je ne voudrais pas que par votre décision soit prise comme une position sur la façon dont les conseillers en gestion de patrimoine se sont autorisés à croire ce schéma. Je représente des dizaines d’épargnants

J’ai eu gain de cause au Tribunal de grande instance en 2014, contre Hedios et M. Vautel qui joue sur les deux tableaux devant votre juridiction, communiquant les arrêts de cour d’appel qui ont fait table rase de ses condamnations en disant que, compte tenu des visites d’Hedios en Martinique, des consultations du cabinet alpha, etc, Hedios avait pu à bon droit s’en remettre aux professionnels qui proposaient ce produit, et que rien ne pouvait lui être reproché, ses obligations s’arrêtant à la souscription des investissements.

La particularité de ces 5 arrêts est qu’ils ont été rendus après une autre procédure opposant Hedios et M. Vautel à la Chambre des indépendants du patrimoine, contestant sa décision d’exclusion définitive pour n’avoir pas respecté la recommandation de cette CIP, fin 2009, de cesser la commercialisation. Il y a eu une décision le 25 mars 2014 de la cour d’appel de paris, chambre 5-7, qui annule la sanction d’exclusion de la CIP. On n’avait pas ces décisions quand on a plaidé en 2016, qui juge l’exclusion disproportionnée par rapport au fait que la commercialisation aurait été arrêtée après le 8 décembre 2009.

Dans l’arrêt statuant sur le préjudice financier, rendu en mai 2016, Julien Vautel obtient une indemnisation de 2,3 millions d’euros, dont 130 000 euros d’article 700, pour sa période de suspension de la CIP, à recouper au préjudice moral demandé, et j’ai appris qu’il se pourvoyait en cassation car il la trouvait insuffisante.

Trois ou quatre semaines avant l’arrêt de juin 2016, il paraît difficile d’un côte d’exonérer complètement Hedios et Julien Vautel à l’égard de sa Chambre professionnelle, et en même temps de confirmer les jugements qui condamnent sa responsabilité civile professionnelle, à l’égard d’Hedios et des investisseurs. Je pense que c’est dans ce contexte que les jugements de première instance ont été infirmés.

Pour l’avenir, beaucoup de contentieux sont en cours contre les CGP et Hedios. La jurisprudence n’est pas unanime sur l’absence de responsabilité des CGP dans Dom-Tom Défiscalisation. La troisième chambre a condamné Consultis Patrimoine le 18 janvier 2016 car il lui incombait d’apporter au client des éléments objectifs sur la situation de l’entreprise. Le 24 novembre 2015, un arrêt de la cour d’appel de Versailles, constate aussi que le professionnel doit être compétent, et que les vérifications ne sont pas faites.

Pour les investisseurs, les documents de souscription font état de deux éléments. Hedios reçoit la signature des clients, toujours pour un investissement productif neuf. Si on se réfère à l’existence du stock, il y a un peu d’investissements, qui sont neufs quand il y a une facture. Mais de productif, c’est-à-dire « qui produit », selon le dictionnaire, il n’y a rien, ni aucune vérification. Ce n’est pas conforme au produit vendu, qui n’a jamais été productif.

Deuxièmement il est indiqué aux clients que Dom-Tom Défiscalisation justifie d’une importante expertise. Les débats ont mis en lumières les opérations antérieures à 2007 sur des investissements flous dans des bateaux. M. Vautel, ça l’embêtait depuis longtemps. En juin 2008, il envoie un mail à la CIP dans lequel il dit qu’un CGP a émis des doutes, lors d’une conférence de présentation de DTD en mars 2008. Il écrit : « Avez-vous des informations car je vais en Martinique et je pourrais vérifier ». Donc il part sur place et ne constate rien. Il continue à vendre DTD, fait un nouveau déplacement en 2009, notamment en juillet avec Esnault qui, dans son audition dit avoir vu des panneaux sur des toits mais pas constaté de raccordement. Il n’a rien constaté.

On apprend ensuite dans les débats qu’Esnault, à cette époque, entend de Sordes qu’il n’y aura pas de raccordement des panneaux pour produire de l’électricité. A la rentrée 2009, Esnault garde les chèques, ça nous intéresse car c’est l’argent de nos clients, pour 2 millions d’euros transmis à Hedios.

Vautel comprend parfaitement ce qu’il se passe. Le 7 décembre 2009, Vautel envoie un mail à Sordes :  « Signaux d’alerte de toute part ». Elle lit « je comprends….’. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés alors que Georges Thomas… Et il y a un temps pas si loin où tu nous indiquais que notre interlocuteur exclusif était Esnault…, on nous dit qu’il a été payé pour se taire », indique-t-il sans détour.

Par cet e-mail, nous avons une confirmation de Vautel que la question d’escroquerie est bien au milieu de la place, que les chèques sont retenus pour limiter la casse, et qu’à la demande de Vautel ils seront transmis à Sordes, et que cela marque la date à partir de laquelle Vautel a déclaré qu’il avait cessé de commercialiser DTD postérieurement au 8 décembre 2009.

C’est la date de cessation de commercialisation de DTD par Hedios, retenue par la cour d’appel pour déterminer l’exonération de sa responsabilité.

Mais j’ai découvert qu’Hedios a continué à vendre DTD largement après le 8 décembre 2009, le dernier dossier étant du 28 février 2010. J’ai retrouvé dans les scellés des preuves d’appels de fonds, des noms, des dates, des dossiers de souscription du 19 et 23 février 2010. J’ai également trouvé un virement de Sordes, de son compte personnel à Hedios, de 24 274 euros, pour le paiement de ses commissions au titre de la collecte 2010, alors qu’il déclarait avoir officiellement arrêté le 8 décembre 2009.

Ces éléments pour vous dire que je trouve très injuste, et j’ai introduit un pourvoi contre ces arrêts, que la cour en juin 2016 donne quitus à Hedios de ses qualités professionnelles, et dise qu’elle ne peut pas lui reprocher de manquement professionnel, quelle qu’en soit la preuve… Alors que l’arrêt rendu entre la CIP et Hedios précise qu’il a mis fin à la vente le 8 décembre 2009, et qu’il a refusé par prudence de poursuivre la commercialisation de DTD, on découvre que c’était parfaitement faux !

Je ne doute pas que le contraire sera plaidé par l’avocat de Julien Vautel, même s’il ne représente que lui.

Le préjudice moral est dû au fait que les investisseurs devant régler des impôts se disent « pourquoi pas soutenir le développement des Dom-Tom ? ». C’est cohérent, il n’y a pas d’immoralité à profiter d’une réduction d’impôt, à partir du moment où l’on répond à une sollicitation de l’Etat, qui voudrait voir l’argent orienté vers cet usage. Mais c’est immoral que cet argent soit détourné de sa destination, vers les Antilles françaises, où il est censé soutenir l’emploi et l’activité.

– Le président : la pièce intitulée « Signaux d’alerte de toutes parts » a été remise à la barre trois minutes avant les plaidoiries des avocats, c’est un non-respect du contradictoire.

– Maître Jean Tamalet, avocat de Jacques Sordes : « Face à plus de 900 parties civiles, du côté de la défense je me sens bien seul. Je voudrais que ce soit acté par le greffe, c’est scandaleux ! ».

– Le président : C’est une pièce que nous n’avons pas ? Vous l’avez lue à la barre ? Vous la remettez avec vos pièces ? Nous avions indiqué qu’il fallait remettre ses pièces dans un délai convenable.

– Oui M. le président, moi aussi j’ai reçu des pièces en cascade, cette pièce est connue car elle est communiquée dans les procès civils.

– Elle n’est pas dans le dossier pénal, plus précisément, elle vient d’où ?

– Mon confrère du cabinet Fidal, avec qui j’en parlais tout à l’heure, m’a confirmé en avoir eu connaissance quand des victimes l’on évoquée sur des forums. L’association de victimes Adigip [ndlr Association des investisseurs en Girardin Industriel Photovoltaïques, regroupant les victimes de ces arnaques] a recueilli des informations de tout le monde, semble-t-il en 2010, et Julien Vautel aurait remis plein d’échanges pour se dédouaner. Je l’ai eu récemment.

– Ayant fait lecture de vos conclusions, cette lecture est mentionnée, tranche le président.

– Maître Philippe Meylan, avocat d’Hedios Patrimoine et de Julien Vautel : Cette pièce n’a pas été remise à l’instruction, elle n’a pas été débattue. Je pense qu’au-delà de cette pièce, ce qui est fait devant vous est inadmissible ! On fait de vous le juge du procès CIP/Vautel. J’ai entendu plaider vingt minutes contre M. Vautel, c’est inadmissible ! Je ne vais pas répondre, car ce litige a été tranché par la cour d’appel de Paris. Ma consœur cherche à remettre en cause le juge civil et trouver appui de votre juridiction, je ne vais pas traiter cette instrumentalisation.

– Le président : Nous sommes saisis de demandes écrites auxquelles il faut répondre. Pour le reste la liberté de parole ne m’a pas semblé dépasser un cadre acceptable. Ensuite, il y a la pièce, le tribunal en a donné lecture, donc on la prend. Il y a liberté de parole, et chacun plaide ce qu’il souhaite. Ensuite, le tribunal en fait ce qu’il veut.

– Un avocat de Stéphane Jacob : moi je souhaite faire des conclusions écrites pour l’écarter.

La cacophonie des observations pleuvant de toute part couvre celles du président.

– Silence ! Poursuivez, tranche le président pour redonner la parole à Me Feron-Poloni.

– On n’a interrogé personne dessus, alors que cette pièce est déterminante pour Stéphane Jacob, déplore son avocat. Peut-on l’interroger ?

– Je vais relire cette pièce, décide le président. Chacun pourra s’exprimer dessus. Mail de Vautel à Sordes, « sent », donc envoyé, le 7 décembre 2009 à 11h22.

« Cher Jack, 

Je comprends bien que tu aies eu du mal à accepter le principe de toutes ces questions qui te sont posées et de cette due diligence que nous t’avons imposée. 

C’est pourtant bien le minimum pour ce type d’opération de portage fisal qui repose sur des fonds publics via ton Holding personnel.

Certes, j’ai pu constater des progrès tangibles sur place, au-delà d’une volonté de bien faire e1 d’une bonne motivation : stocks disponibles et en quantité, installations effectives, contrat pertinent de prêt à usage, etc.

Cela étant, nous ne pouvons pas rester les bras croisés alors que Georges Thomas est entré en contact avec nous, qu’il nous écrit un courrier officiel sous forme d’avertissement formel et qu’il nous rappelle qu’il a divers témoignages de certains de tes (ex)collaborateurs dans les mains.

Entre autres, je te rappelle que le temps n’est pas si loin où tu nous indiquais systématiquement que notre seul interlocuteur pour toutes les opérations était Eric Esnault, alors qu’il avait toujours beaucoup de mal à répondre à nos questions (financières ou techniques), ce qui se matérialisait par une tendance lourde a faire le mort, parfois pendant des semaines, et donc commercialement je ne vais pas te faire un tableau mais c’était plutôt un handicap pour vous.

Après son départ, au lieu de se justifier par des éléments factuels, Eric nous indique très clairement qu’il ne peur rien nous dire concernant des révélations qui l’ont motivé à partir si subitement et j’en déduis logiquement qu’il a été payé pour se taire : se taire de quoi ?

Il nous indique quand même qu’il ne te voit ni livrer les stocks financés par les contribuables, ni a fortiori réaliser tes projets de déploiement. Nous constatons donc seulement qu’il a clairement décidé de quitter un navire qu’il voit s’échouer à court terme, sans parler du fait qu’il ait emporté des chèques (ceux de nos clients) pour, selon lui, essayer de sauver ce qu’il peut et ainsi limiter la casse… 

En résumé il ne nous dit rien… sauf qu’il se sent bien soulagé d’être loin de tout ça… c’est-à-dire de ce qu’il présente comme une escroquerie. Il te revenait donc, compte tenu de ce qui s’est passé en interne chez toi, de nous démontrer que ce ne sont que des histoires.

A ce stade, nous avons obtenu de ta part un certain nombre d’éléments qui nous ont rassurés. »

– Je voudrais m’assurer de la traçabilité de ce message, comme pour toute pièce, il faut savoir d’où il vient, poursuit le président.

– C’est une des pièces qui a circulé parmi les victimes, je l’ai moi-même citée récemment dans une procédure civile, explique l’avocate.

– Comment d’autres personnes que les intéressés peuvent l’avoir ?

– Hedios a été harcelé de demandes d’explications. On a plein de mails mis à disposition pour des clients d’Hedios pour démontrer qu’ils avaient fait ce qu’il fallait.

– Il est en réalité en procédure, référencé 216, D681-217… annonce soudain le président qui vient d’en retrouver la trace parmi les milliers de pièces de ce procès classées dans son ordinateur portable.

Eclat de rire grinçant et nerveux parmi les robes noires. La tension redescend d’un cran.

– La question est levée, ça nous a remis de l’ambiance, observe le président Galeh-Marzban.

– Puisqu’on a ouvert ce champs, intervient le procureur, il est vrai que cette pièce interpelle, mais si ce mail était en procédure il n’est pas nécessaire de réentendre tout le monde.

– Il ne faut pas s’attarder sur ce message au-delà de son importance pour le dossier, abonde le président.

– Désolé je n’avais pas tout lu, intervient à son tour l’avocat de Stéphane Jacob, mais ce mail est intéressant car on apprend que Vautel dit avoir échangé avec Esnault qui sait qu’il y a escroquerie. Mais il n’y a que Sordes qui en est destinataire, personne en copie, insiste-t-il anticipant la défense de son client. J’en profite, monsieur le Président, pour présenter mes excuses à la partie civile, ce n’était pas une tactique de Sioux et la dernière phrase me plait beaucoup.

La plaidoirie animée de Maître Hélène Feron-Poloni s’achève sur ces échanges, avant que le juge ne passe la parole à l’avocat d’une autre partie civile, M. Julien Vautel lui-même, fondateur-président d’Hedios Patrimoine, victime à titre personnel pour quelques milliers d’euros, de cette arnaque qui était une des principales sources d’enrichissement de sa société à titre professionnel.

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