Deontofi.com avait répondu à l’invitation de notre confrère journaliste (animateur, auteur, entrepreneur…) Didier Audebert (Didier Jean François, ou DJF pour les intimes), pour parler de « finance utile » dans l’émission qu’il anime sur Sud Radio, en écho à la publication de son livre « Quotient d’Utilité ».
Pour cette émission « Devenir plus utile », DJF avait invité Corinne Brunet, directrice stratégie et développement de l’agence de notation extra-financière Novethic (groupe CDC, en visio), tandis que le studio de Sud Radio, avenue du Président Kennedy à deux pas de la Maison de Radio France, accueillait Philippe Douste-Blazy, Secrétaire général adjoint des Nations-Unies en charge des financements innovants du développement (et ex-ministre de la santé du président Jacques Chirac), Gilles Pouzin, fondateur et rédacteur en chef du site financier Deontofi.com, et Laurent Trules, analyste financier et coordinateur de l’investissement responsable à la société de gestion Dorval.
Afin d’aider nos lecteurs à garder une trace de cette rencontre et de ce qui s’y est dit, Deontofi.com en a rédigé le script suivant, fidèle aux propos sans les écueils du direct.
– Didier Audebert (DJF Audebert)
Une finance éthique pour devenir plus utile en faveur du bien commun. La finance a plus d’importance et de pouvoir pour influencer la bonne marche de la planète qu’on ne le pense.
Comment investir utile ? Et agréable ? Que l’on soit pauvre ou riche, quelles sont les bonnes solutions d’investissement servant le bien commun ?
Laurent Trules (LT Dorval), vous êtes analyste financier et coordinateur de l’investissement responsable chez Dorval, société de gestion, qu’est-ce que l’investissement socialement responsable, pour les novices ?
– Laurent Trules : L’ISR est un investissement qui intègre des critères extra financiers, définis sous trois prises ESG, E pour Environnement, S pour Social et G pour Gouvernance, et qui vise à compléter
l’analyse financière par cette analyse estra-financière pour intégrer les décisions d’investissement dans un prisme beaucoup plus large.
– DJF Audebert : On entend ces labels partout, ESG, ISR ?
– LT Dorval : En France il y a un label d’Etat, ISR piloté par le ministère des finances, un label Greenfin, piloté par le ministère de la transition écologique, et justement ces labels visent à garantir et flécher pour l’épargnant final, la qualité ISR et verte des investissements. (3’20
– DJF Audebert : Philippe Douste-Blazy, les solutions d’investissement internationales sont-elles les mêmes qu’en France ? La finance a-t-elle des frontières ?
– Philippe Douste-Blazy (PDB) : Non, d’abord je voudrais féliciter à la fois Laurent Trules et Gilles Pouzin d’être ici, pourr ce qu’ils font. Parce que le capitalisme est devenu un peu fou. Moi je l’ai connu familial et social, il est devenu hyper financier. Et je pense que dans ce contexte, essayer de faire du bien, d’être utile pour l’environnement, le social et une meilleure gouvernance, c’est formidable. Il faut commencer à réfléchir au niveau citoyen, à l’argent qu’on donne aux fonds d’investissements. On ne peut pas continuer à voir, comme dit Oxfam, qu’il y a dix familles qui gagnent autant que la moitié de l’humanité. Il faut au moins que ça serve à des choses majeures comme la lutte contre le changement climatique, ou je vais parler pour ma chapelle aux Nations-Unies, par exemple contre la malnutrition chronique qui est le plus grand fléau au monde, qui touche 140 millions d’enfants de moins de 5 ans, soit un enfant sur trois dans les pays les plus pauvres, et qui aboutit à des enfants n’ayant pas un cerveau développé, et qui ne peuvent donc absolument pas développer leurs pays pauvres, qui resteront pauvres. (4’46)
– DJF Audebert : Corinne Brunet, vous êtes directrice de la stratégie et du développement de Novethic, c’est nouveau l’ISR ? 80% des gens en Europe sont soucieux de savoir comment leur investissement va profiter au plus grand nombre.
– Corinne Brunet (CB Novethic) : Ce n’est pas si nouveau, car c’est un mouvement qui se développe depuis au moins une vingtaine d’années. Certains datent même le début de l’investissement responsable du premier krach boursier de 1929, même si c’était très timide. Et aujourd’hui en France, on dit qu’il y a 70% des Français qui sont soucieux de l’impact de leurs placements. Par contre sur ces 70%, seule une dizaine de pourcents connaissent et comprennent ce que veut dire l’ISR, ce que signifient les différents labels, ISR généraliste, Greenfin pour l’investissement écologique et vert, et enfin le label Finansol pour les investissements solidaires.
– DJF Audebert : Pour vos 20 ans vous sortez même un magazine en kiosque.
– CB Novethic : Novethic a commencé comme lanceur d’alerte il y a vingt ans, et aujourd’hui on a décidé de parler de tous les gens du secteur financier, des artistes ou entrepreneurs qui ont cette nouvelle philosophie d’investissements et de placements pour un durable plus désirable, un futur plus équilibré au niveau environnemental mais aussi social. L’Eclaircie, c’est un condensé d’actions positives en faveur de la transition. (7’26)
– DJF Audebert : Quelles sont les solutions pour se montrer plus utile en matière de finance, si on est un petit épargnant ?
– CB Novethic : Le niveau d’intervention n’est pas forcément le même en tant qu’institution financière, on a parlé des banques, des assureurs, des gens qui gèrent des milliards ; et quand on est un particulier. Donc il y a deux choses. D’une part, investir son argent directement dans des entreprises qui contribuent éventuellement à réduire les dégâts pour l’environnement, donc la pollution. Vos invités en ont parlé, c’est le label Greenfin, contrairement au label ISR, qui est lui une sélection de sociétés les moins polluantes, mais qui n’exclue pas forcément les activités polluantes comme les énergies fossiles et nucléaire. Et puis il y a une autre catégorie, qui est très intéressante et qui est une spécialité française qui a été beaucoup copiée dans le monde, puisque maintenant ça s’appelle l’investissement d’impact, et qui est en France l’investissement solidaire. Et ça c’est aussi quelque chose qui date d’une trentaine d’années quasiment puisqu’on a en France le label Finansol, pour les placements de finance solidaire, qui existe depuis 1997, et qui regroupe des placements le plus souvent qui sont non seulement socialement responsables, mais qui permettent en plus de distribuer une partie de l’argent pour des projets solidaires. (8’50)
– DJF Audebert : Laurent Trules, il n’y en a pas trop des labels ? ISR ? ESG ? Les gens s’y perdent. Pourquoi il n’y a pas un label européen commun à tous et qu’on comprenne le mieux possible ?
– LT Dorval : Effectivement il y a une volonté des régulateurs et notamment de l’Union européenne, de créer un label européen, un Ecolabel qui permettrait d’harmoniser les standards européens et de permettre à n’importe quel investisseur français ou allemand de flécher son investissement vers un instrument durable qui ne soit pas contesté. Maintenant compte tenu des différentes façons et maturités dans différentes pays, la France a été en pointe sur ces sujets ISR et on voit cette différence de maturité au niveau des différents labels européens. (10’00)
– DJF Audebert : Philippe Douste-Blazy, transformer le monde est avant tout une responsabilité individuelle ?
– Philippe Douste-Blazy : C’est le problème de la solidarité internationale. Cette solidarité internationale est actuellement basée sur l’aide publique au développement, c’est-à-dire les impôts des uns et des autres. Vous voyez bien avec ce qui vient de se passer les deux dernières années, on a emprunté massivement, on a des dettes extraordinairement importantes, et donc je ne vois pas comment l’aide publique va pouvoir continuer à aider toujours les pays en développement. D’où l’importance d’un partenariat entre le public et le privé. Et l’avenir des Nations-Unies, ça ne sera pas de l’argent public uniquement, mais de l’argent public et privé. C’est la raison pour laquelle je pense que ces fonds sont extrêmement importants si on veut être au rendez-vous des objectifs du millénaire, c’est-à-dire l’eau potable, la nourriture, la santé pour tous, l’éducation ou l’assainissement. (10’49)
– DJF Audebert : Comment s’assurer, Gilles Pouzin, que les produits financiers dans lesquels on va investir soient conforme à la volonté des citoyens, quand ils mettent un euro quelque part, de savoir où il va aller et comment ça va se passer ? (11’06)
– Gilles Pouzin Deontofi.com : Oui, alors ça c’est un point très intéressant. Et pour aller dans le sens de ce que disait Philippe Douste-Blazy, les Nations-Unies ont été vraiment une force directrice dans ce domaine. Puisque tout est né finalement dans les années 2000, à la suite de la première crise, du premier krach de 2002. Dès 2005, sous l’influence de Kofi Annan [ndlr secrétaire général de l’ONU], les Nations-Unies ont adopté les principes pour l’investissement responsable, les United Nations Principles for Responsible Investment, UNPRI, qui gèrent aujourd’hui plus de 90 000 milliards de dollars d’actifs. Donc ça c’est l’argent qui est géré.
Ensuite il y a la question de pouvoir vérifier si ce dans quoi ces fonds investissent, respecte les critères. Et là, on entre dans une complexité infinie, puisqu’il y a les 17 objectifs de développement durable, il y a les 183 indicateurs de suivi de ces objectifs, et puis il faut définir des standards de comptabilité extra-financière, comme on en a parlé avec Novethic ou avec Laurent Trules de Dorval. Ces indicateurs doivent être surveillés par une comptabilité extra-financière. Là aussi la France a été un peu aux avant-gardes avec certaines réglementations, dont la Loi de transition énergétique, la LTCEV de 2015, et qui ont été reprises en Europe. (12’34)
– DJF Audebert : C’est quoi la LTCEV ? Parce que nos auditeurs ne sont pas des financiers émérites…
– GPz Deontofi.com : Absolument. C’était la Loi de Transition énergétique pour la croissance verte, qui a été promulguée le 17 août 2015, et qui a mis en place des obligations de reporting : des obligations pour toutes les institutions financières et les sociétés de gestion, chaque année, de rédiger un rapport expliquant comment elles mettaient en œuvre, ou pas, mais en tout cas quels étaient leurs actions et responsabilités vis-à-vis des objectifs de développement durable.
Et cette initiative française a été reprise dans les réglementations européennes. Notamment on parle beaucoup en ce moment de la réglementation Taxonomie, des non financial disclosure (NFDR). Donc il y a beaucoup de réglementations internationales qui se mettent en place sur ce modèle, pour essayer de se mettre d’accord sur comment on mesure la contribution à l’environnement. (13’24)
– DJF Audebert : Corinne Brunet, on est en début d’année, comment les entreprises peuvent investir plus utile ?
– Corinne Brunet (CB Novethic) : Les entreprises qu’on va retrouver dans les produits financiers, leur première responsabilité, c’est d’être en capacité de mesurer et de piloter leurs activités en essayant de minimiser leur impact négatif, et maximiser leur impact positif, sur l’environnement et leurs collaborateurs. C’est le 1er point et j’en reviens à la mesure de leur impact extra-financier.
– DJF Audebert : Qu’on comprenne bien, extra-financier ça veut dire quoi ?
– Corinne Brunet (CB Novethic) : Effectivement c’est un langage un peu barbare, ça consiste très simplement à se dire : ce qui est important pour mesurer ma performance, ce ne sont pas uniquement les bénéfices que mon activité peut générer, mais c’est aussi la façon dont elle impacte son environnement, la façon dont elle impacte les collaborateurs qui y travaillent, et comment elle les développe, la façon dont elle garantie un équilibre au niveau de la diversité de ses équipes, et la façon dont elle préserve par exemple la biodiversité. Toutes ces questions là.
Je dirais que, plus que les entreprises, ce qui est important c’est que tout le monde a sa responsabilité dans la transition écologique et durable. C’est-à-dire que nous, chaque citoyen, vous et moi, on a sa contribution en mesurant ce qu’on achète, en étant conscients de l’impact de nos achats, et en étant conscients aussi de l’impact de nos placements financiers. (16’25)
– DJF Audebert : Philippe Douste-Blazy, quels sont les financements innovants qu’on peut mettre en place au niveau mondial ? Je fais allusion par exemple au microcrédit de Muhammad Yunus, qui a inspiré une partie du monde, surtout en Afrique et en Inde. Pensez-vous qu’il n’y a pas assez d’initiatives en ce sens ? (16’44 )
– Philippe Douste-Blazy : Bien Sûr ! Je vais vous donner deux exemples. Evidemment Muhammad Yunus, prix Nobel de la paix, qui a transformé des gens extrêmement pauvres en entrepreneurs, en leur prêtant des petites sommes. Et on s’aperçoit que ces entrepreneurs, pauvres, ont remboursé 99,9% des fois leurs emprunts. Ils sont sortis de la pauvreté et surtout ils ont gagné en dignité, parce qu’enfin ils étaient non seulement utiles, mais aussi ils gagnaient de l’argent.
A l’inverse, nous avons vu au début des années 2000 qu’il n’y avait pas de médicaments contre le Sida pour les enfants. Pourquoi ? Parce que dans les pays riches il n’y a pas d’enfants qui ont le Sida car les femmes enceintes sont traitées par trithérapie. Par contre il y a 1000 enfants par jour qui naissent en Afrique avec le Sida. Hé bien, avec le Président Chirac, nous avons créé une organisation, Unitaid. C’est 1 euro par billet d’avion. (17’45)
– DJF Audebert : La fameuse taxe Tobin ?
– Philippe Douste-Blazy : Non, c’est une microscopique taxe. C’est 1 euro ou 1 dollar par billet d’avion. Chaque fois que vous décollez par n’importe quelle compagnie aérienne. Et bien avec ça, j’ai fondé cela, ça a rapporté 5 milliards de dollars en dix ans, et nous avons pu comme ça traiter huit enfants sur dix du Sida dans le monde, parce qu’ils étaient totalement oubliés, et que la finance, le capitalisme, aujourd’hui, oubliait ces enfants les plus pauvres au monde. (18’12)
– DJF Audebert : Laurent Trules, chez Dorval, qu’est-ce que vous recommandez à vos investisseurs ? Est-ce que vous sentez une demande différente de leur part ces derniers temps ? Est-ce que l’impact de la finance utile commence à les concerner ? (18’28)
– LT Dorval : Effectivement, on peut se réjouir qu’il y ait toute une chaîne de valeur qui se mette en place au service du bien commun.
– DJF Audebert : Ce n’est pas trop tard ? (18’36)
– LT Dorval : Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Et effectivement on pense, comme le disait Philippe Douste-Blazy, que justement le chemin passe par ces coalitions d’acteurs, et la nécessité de mélanger à la fois le consommateur, le citoyen, l’entreprise, les scientifiques, les ONG etc. Ce mélange doit servir le bien commun, et la finance, l’épargne des épargnants, doivent être mis au service de ce bien commun. (19’07)
– DJF Audebert : Mais très concrètement, si vous dites à un de vos clients, voilà tu as mis 10 euros, si tu avais parié sur un fonds qui n’était pas impactant et utile tu aurais gagné 20, mais là tu as parié sur un fonds impactant et utile tu gagnes 15. Il n’y en a pas qui sont déçus ?
– LT Dorval : Je pense que sur le long terme, intégrer les critères extra-financiers permet d’améliorer le couple rendement-risque. Parce que justement, en ayant une meilleure connaissance des entreprises dans lesquelles on investit, en les regardant sous un prisme supplémentaire qui est ce prisme extra-financier, on a une meilleure connaissance de ces entreprises, et on a une meilleure capacité à cerner ces risques sur ces entreprises, et donc une meilleure capacité à le gérer et à l’appréhender dans la construction des portefeuilles qu’on gère. (20’00)
– DJF Audebert : Corinne Brunet, la Loi Pacte qui va imposer à tous les émetteurs de proposer une assurance-vie plus responsable, ça va vraiment bousculer les choses en France et peut-être ailleurs ?
– CB Novethic : Oui, d’abord parce que ça oblige les acteurs qui distribuent des produits d’assurance-vie à proposer à leurs clients ce qu’on appelle des unités de compte, c’est-à-dire les placements à l’intérieur des contrats, labellisés. Demain, moi citoyen quand je vais souscrire une assurance-vie, le conseiller financier doit me proposer un produit qui soit labellisé ISR, qui est le label généraliste, un produit qui soit labellisé Greenfin, donc le label Vert, ou encore un produit qui soit labellisé Finansol, c’est-à-dire le label solidaire.
Donc obligatoirement, aujourd’hui il faut que ce soit un marché de l’offre. Pour que chacun puisse agir, il faut que quand on va voir son conseiller en placement, ou quand on demande un produit de financement, on soit en capacité d’avoir une discussion sur des produits qui correspondent à nos valeurs, écologiques, sociales ou autres.
Donc oui, c’est censé donner un coup d’accélérateur. Mais il ne faut pas oublier la responsabilité de chaque individu. C’est-à-dire qu’on doit, de toute façon nous, en toute transparence, demander à ce que notre argent, nos 100, 10 000 ou 20 000 euros, soient investis en fonction de nos valeurs. Avec aussi la valeur de la performance financière, puisque la question de l’impact positif de nos investissements n’est pas toujours contradictoire avec la performance financière. Mais elle demande a être réfléchie, pas sur le très court terme mais sur un horizon temporel un peu plus lointain, à moyen et long terme. (21’43)
– DJF Audebert : Gilles Pouzin, au niveau des entreprises, comment se gère la transition ?
– GPz Deontofi.com : Ah, il y a différentes transitions. Il y la transition énergétique, c’est une chose, c’est tout ce qui contribue à réduire les émissions de dioxyde de carbone, et puis il y a la transition vers les objectifs de développement durable des Nations-Unies, au sens large. Et ça c’est beaucoup plus vaste, puisqu’il y a toutes sortes d’accompagnement pour les entreprises. Vous savez que maintenant il y a un nouveau statut des entreprises à mission, comme Danone a décidé d’adopter. Ensuite, en France il y a les entreprises solidaires. Vous parliez tout à l’heure du micro-crédit de Muhammad Yunus, on a en France l’Adie, de Maria Nowak, qui est également extraordinaire. (22’35)
– DJF Audebert : Qu’est-ce que c’est ?
– GPz Deontofi.com : Une association de microcrédit, française, l’ADIE, qui aide aussi des gens, qui attribue des mircrocrédits pour des gens qui peuvent être aux minima sociaux et sans emploi, et qui sont aidés par ces mécanismes pour créer leur autoentreprise, souvent des petites affaires.
Tout ça a été aidé également par des transformations du monde de l’entreprise. En 2014 il y a la Loi Hamon qui a créé le statut d’entreprise solidaire d’utilité sociale, les ESUS. Il y a également l’épargne salariale qui contribue à aider toutes ces initiatives, avec la Loi Fabius, qui avait créé les premiers fonds solidaires en 2001, la Loi fillon, qui les a étendus avec le Perco en 2003. Vous voyez, il y a beaucoup d’initiatives qui aident à orienter l’argent vers des formes d’entreprises qui contribuent davantage à l’économie circulaire et solidaire. (23’37)
– DJF Audebert : Laurent Trules, est-ce qu’il y a des entreprises qui n’ont pas envie de jouer le jeu ? Qui s’opposent à tout ça et qui font croire que tout va bien, je pense notamment à des sociétés pollueuses.
– LT Dorval : Je pense que la finance a justement son rôle à jouer. Les entreprises auront du mal à tourner le dos aux marchés financiers, parce qu’elles auront du mal à se financer et à maintenir la pérennité de leur activité. Donc sur le long terme, effectivement, on va dénicher les entreprises qui respectent et s’inscrivent favorablement dans ces objectifs de développement durables, ou dans cette finance responsable verte. Et on verra également les entreprises qui ne jouent pas le jeu et qui font du greenwashing, et ces entreprises lorsqu’elles seront détectées seront lourdement sanctionnées en Bourse. (24’38)
– DJF Audebert : Corinne Brunet, comment on distingue et on exclut les mauvais élèves ? Au niveau financier et au niveau des entreprises ?
– CB Novethic : Aujourd’hui il y a une communauté d’acteurs qui observent les entreprises, c’est-à-dire qui valident et vérifient le discours de l’entreprise, son marketing, au regard de la réalité de ce qu’elles font au quotidien. C’est la première chose, c’est le travail des ONG, c’est le travail d’observateurs comme Novethic peut l’être quand on scrute l’ensemble des fonds durables qui sont proposés aux épargnants en France, ou des fonds verts qui sont distribués dans l’Union Européenne. Et c’est surtout une sanction réglementaire : c’est qu’aujourd’hui, le marché, les consommateurs au sens large, qui sont éveillés, on parle souvent de consommateurs qui choisissent de ne plus acheter une certaine typologie de produits pour son impact environnemental. Typiquement qui choisissent de s’orienter vers des labels dans lesquels ils ont confiance, qui peuvent contraindre, avec le régulateur, à empêcher les entreprises de pratiquer un greenwashing offensif. C’est plus difficile aujourd’hui que ça ne l’était il y a dix ans. (26’09)
– DJF Audebert : Qu’est-ce que vont changer les cryptomonnaies ?
– CB Novethic : C’est une très bonne question pour la cryptomonnaie. Ce n’est pas mon domaine d’expertise. En revanche c’est la question de l’intégration des technologies sur la gestion des impacts positifs, comme nous on peut le voir de notre côté au niveau financier, c’est une capacité de travailler sur soit un plus gros volume d’information, soit une circulation de la monnaie plus rapide. Sur le pur durable je ne saurais pas répondre. (26’45)
– DJF Audebert : Je vais demander à Gilles Pouzin s’il a une idée, Gilles ?
– GPz Deontofi.com : Les cryptomonnaies c’est très mauvais pour l’environnement, parce que malheureusement le système de blockchain, qui est un système de validation des transactions par ajout de blocs informatiques décentralisés par de nombreux serveurs, est extrêmement polluant, ça consomme beaucoup d’électricité. Alors ensuite on va dire, oui mais ça dépend si c’est de l’électricité qui est produite avec du charbon ou avec des éoliennes, mais bon. Le résultat est quand même que les cryptomonnaies sont un peu loin de la finance éthique. (27’17)
– DJF Audebert : Et pourtant ça se développe, on ne parle que de ça !
– GPz Deontofi.com : Alors, on en parle heureusement plus que ça ne se développe, à mon sens. Ensuite, le problème des cryptomonnaies est que, certes, ça peut être utile et présenter une solution pour le bien commun des gens vivant dans des pays ayant des monnaies très instables. On a vu des gens au Liban, en Argentine, en Turquie, dont les monnaies s’écroulaient et qui parfois pouvaient être intéressés de pouvoir sauvegarder leurs économies avec des cryptomonnaies. Mais l’essentiel des cryptomonnaies, malheureusement, sont quand même soit un commerce spéculatif, soit je suis désolé de le dire mais c’est le rôle de Deontofi.com, des escroqueries, et puis très souvent du blanchiment, des ransomware, des demandes de rançons pour des piratages informatiques. C’est assez désastreux malheureusement.
– DJF Audebert : Merci Gilles. Laurent Trules, les plateformes participatives rapidement, comme Ulule, KissKissBankBank, qu’est-ce que vous en pensez ?
– LT Dorval : Je pense que c’est le témoignage que les épargnants, citoyens, consommateurs, veulent participer à l’édifice. Le succès de ces plateformes le démontre et il faut multiplier ces initiatives pour leur permettre d’apporter leur pierre à l’édifice. (28’30)
– DJF Audebert : Corinne Brunet, vous êtes optimiste pour la suite ?
– CB Novethic : Oui bien sûr. Il faut être optimiste. La transition requiert encore des efforts énormes, pour autant, je travaille sur le développement durable et le secteur financier depuis 15 ans maintenant, et les changements sont énormes. Il reste à faire, l’urgence est là. Il faut agir, que ce soit pour le climat ou pour l’équilibre social et la résilience de nos sociétés. Mais on a parlé des plateformes participatives qui permettent de financer et soutenir localement des projets durables… (29’26)
– DJF Audebert : Désolé de vous interrompre mais j’ai une dernière question à Philippe Douste-Blazy : Wall Street et ses loups, c’est bien fini ?
– Philippe Douste-Blazy : Je crois que là, vous avez dans cette émission prouvé, avec vos invités, qu’il y a des financiers qui pensent à l’être humain. Il y a cinq biens publics mondiaux qui sont l’eau potable, la nourriture, la santé, l’éducation et l’assainissement. C’est extraordinaire de voir qu’il y a des gens qui mettent leur professionnalisme à ce service, à condition d’avoir bien défini l’impact de tout ce qu’ils font sur le terrain. N’oubliez pas qu’Esther Duflo a reçu le Prix Nobel d’économie parce qu’elle a montré que c’est le micro-impact qu’il faut calculer.
Retrouvez la vidéo de l’émission du 5 janvier 2022, ici sur YouTube :