Finalement poussée à sortir de son silence après les révélations de Deontofi.com sur l’absence d’une déclaration de cession d’actions BNP Paribas par son PDG, l’AMF nous a communiqué, lundi 24 novembre, sa nouvelle position en réaction à la version de la banque, qu’elle refusait de commenter le 19 novembre.
Comme indiqué par Deontofi.com mercredi 19 novembre 2014, BNP Paribas affirmait que toutes les déclarations et formalités avaient été respectées, rejetant à mots couverts la responsabilité de leur absence sur l’Autorité des marchés financiers. Jusqu’à présent, l’AMF, interrogée avant et après la parution de notre information, se refusait à tout commentaire.
Mais la nuit porte conseil, et il y en a eu cinq depuis mercredi, sans compter les journées pour se concerter, ce qui a pu aider les hauts gradés de l’autorité boursière à mieux peser l’importance d’une communication appropriée sur cette enquête. Dès ce lundi matin, nous avons contacté de nouveau l’AMF pour tenter de lever le suspense entourant la mystérieuse absence de déclaration de vente de 3,15 millions d’euros d’actions BNP Paribas par son PDG.
« On regarde ce qu’il s’est passé », nous a confié par téléphone une porte-parole de l’AMF, avant d’ajouter en substance : « il y a de fortes probabilités qu’il se soit passé quelque chose chez nous. Nous avons une traçabilité des déclarations et on vérifie ce point là ». Tant mieux. La porte parole de l’AMF nous indiquait par ailleurs que l’information globale de BNP Paribas étant correcte dans son document de référence, il n’y avait pas lieu de douter de sa bonne foi. En somme, que leurs déclarations individuelles soient ou non enregistrées et consultables dans la base de données de l’AMF ne serait pas si important, puisque la banque aurait respecté les formalités et que son récapitulatif serait bon.
La confiance de l’AMF dans l’innocence des dirigeants
Que BNP Paribas ait bien déclaré toutes les ventes d’actions de ses dirigeants pour l’année 2013 serait rassurant sur la conformité de ses formalités. Mais le récapitulatif annuel publié par le groupe ne donne aucune indication précise sur chaque opération. Or, sans les dates et détails des transactions faites par les dirigeants, l’AMF ne peut absolument pas déterminer si leurs opérations pourraient relever ou non d’un délit d’initié. Il semble donc essentiel de vérifier non seulement la cohérence des déclarations individuelles des dirigeants avec le récapitulatif publié par la société, comme Deontofi.com semble avoir été le premier à le faire, mais aussi le détail des transactions déclarées par chaque dirigeant, pour déterminer si elles constituent un indice de leur culpabilité ou de leur innocence. C’est bien à cela que servent les déclarations spontanées.
Une grande confusion semble entourer cette enquête
En observant la chronologie de cette enquête pour éventuel délit d’initié chez BNP Paribas, on est intrigué par le cafouillage autour de ce document manquant. Que s’est-il passé réellement ? Plusieurs hypothèses existent, comme nous l’écrivions après que BNP Paribas nous ait contacté pour faire valoir sa version, selon laquelle toutes les déclarations auraient bien été faites et que la responsabilité de leur absence incomberait l’AMF. Aujourd’hui, 24 novembre, l’AMF semble prête à soutenir ce scénario. Pourquoi pas ? Mais, il s’est passé plus de deux semaines depuis que le parquet a ouvert son enquête pour éventuel délit d’initié des dirigeants de BNP, le 7 novembre, en saisissant l’AMF pour « déterminer de quelles informations ils ont disposé », selon Le Canard.
BNP Paribas est l’une des banques les plus puissantes du monde, rivale de Goldman Sachs sur les marchés. De son côté l’Autorité des marchés financiers a prouvé sa capacité à mener des vérifications très fines dans de nombreuses affaires de délits d’initiés, même si certaines passent plus ou moins entre les mailles de ses filets. Dans ce contexte, on comprend mal comment BNP Paribas et l’AMF ont pu ne pas détecter, avant Deontofi.com, l’incohérence entre les déclarations figurant sur le site du gendarme boursier et leur récapitulatif par la banque, alors qu’il s’agissait d’informations essentielles dans l’enquête judiciaire confiée à l’une sur les faits de l’autre.
Pourquoi BNP Paribas aurait-elle attendu la publication de l’article de Deontofi.com, le 19 novembre, pour affirmer que toutes les déclarations de transactions avaient été faites ? La banque aurait pu faire un communiqué en ce sens dès l’ouverture de l’enquête, ou au moins dès sa révélation par Le Canard Enchaîné le 18 novembre.
Pourquoi l’AMF a-t-elle encore attendu jusqu’au 24 novembre pour donner l’impression de soutenir ce scénario de déclaration perdue ? Si elle avait sérieusement contrôlé cette anomalie dès le début de son enquête, avec ou sans l’aide de BNP, comme Deontofi l’a fait, elle aurait pu au moins nous faire part de ses états d’âme vis-à-vis du scénario de la déclaration perdue, dès que nous l’avons interrogée à ce sujet le 19 novembre.
Sans même attendre que Deontofi.com détecte l’absence, sur le site de l’AMF, de déclaration d’une vente d’actions BNP Paribas par son PDG, l’autorité boursière aurait pu émettre des réserves sur les données provenant de son site, soit en affichant un avertissement du type « donnée provisoires en cours de vérification », soit en le précisant de vive voix aux journalistes l’interrogeant sur cette déclaration manquante.
Et si tout cela est aussi limpide qu’on nous le dit, pourquoi ne jamais laisser de trace écrite en réponse aux interrogations des journalistes sur ces zones d’ombre ? Comme nous l’avons écrit, tous les scénarios sont possibles, et Deontofi.com respecte la présomption d’innocence en se contentant d’examiner la chronologie et la cohérence des faits susceptibles d’accréditer certaines hypothèses. Mais pour l’instant, force est de constater que les réponses à nos questions entretiennent plus le mystère qu’elle ne le résolvent.