Avec le décrochage du 24 août et les soubresauts de la rentrée, les turbulences financières ont fait basculer les marchés dans l’incertitude. Du coup les investisseurs s’inquiètent d’une éventuelle poursuite de la correction et se demandent comment protéger leurs placements face à une nouvelle dégringolade. C’est possible, mais est-ce intéressant ? Avec quels instruments financiers peut-on couvrir son portefeuille ? Quels sont leurs atouts et leurs faiblesses ? Comment les utiliser ? Les explications et réponses de Deontofi.com, avec l’interview de Gilles Pouzin dans l’émission TV Ecorama, animée par David Jacquot sur Boursorama.
Cinq minutes pour comprendre :
Retrouvez ici l’interview TV sur ce thème dans l’émission Ecorama du 28/09/2015
1/ Comment protéger son portefeuille face à la baisse de la Bourse ?
Il existe plusieurs méthodes pour protéger son portefeuille contre la baisse des marchés. La première, la plus simple et la moins coûteuse, est tout simplement de réduire le poids des investissements en actions dans son patrimoine, comme on l’a vu dans une précédente émission à propos de la bonne proportion d’actions à avoir selon son profil et ses besoins. Evidemment, il vaut mieux vendre quand la Bourse se tient bien qu’en période de repli, où il est souvent plus intéressant d’acheter, mais cela dépend aussi des objectifs et anticipations de chacun.
Si l’on n’a pas envie ou que l’on ne peut pas vendre ses titres rapidement alors que l’on anticipe une nouvelle rechute de la Bourse, une seconde méthode consiste à conserver les titres et placements boursiers que l’on a en portefeuille, tout en s’achetant une sorte d’assurance avec des instruments financiers dont la valeur augmente quand la Bourse baisse, afin que les gains de cette assurance compensent au moins une partie de la perte de valeur des placements boursiers.
2/ Les techniques d’assurance de portefeuille n’ont pas de secret pour les professionnels des marchés, mais pour les particuliers c’est un peu mystérieux de pouvoir gagner quad la Bourse baisse, alors comment ça marche ?
C’est une très bonne question, d’abord parce que l’assurance de portefeuille ne fonctionne pas comme une assurance à proprement parler. Contrairement aux assurances classiques pour les biens et les personnes, il ne s’agit pas de mutualiser l’indemnisation d’un risque calculable, mais d’outils financiers qui fonctionnent quasiment à l’envers des investissements classiques grâce aux marchés à terme, c’est-à-dire tous les paris sur la valeur future d’un investissement. Concrètement, les marchés à terme ont été inventés à l’origine pour permettre aux agriculteurs de vendre leur production à l’avance, pour réduire l’incertitude en s’assurant du prix qu’ils pourraient en obtenir, avant de l’avoir récoltée. C’est ce qu’on appelle la vente à terme. Hé bien c’est pareil en Bourse, puisqu’on peut vendre à terme des titres pour geler le prix qu’on en tirera, qu’on les ait ou non. Dans le second cas, quand on vend des titres que l’on ne possède pas, on parle de vente à découvert.
3/ C’est un peu compliqué tout de même, les marchés à terme. Est-ce qu’il n’y a pas des instruments financiers plus simples pour protéger son portefeuille d’un repli boursier ?
Si, plein, en particulier les warrants, certificats et certains trackers, c’est-à-dire des fonds d’investissements cotés en Bourse. Parmi tous ces instruments, le plus simple à utiliser et le moins risqué est un fonds tracker, appelé Lyxor Short CAC 40, code SHC à la Bourse de Paris, dont la performance est l’inverse de celle du CAC 40. Par exemple, mardi dernier le 22 septembre, quand l’indice CAC 40 perdait 3,4% dans la séance, le tracker Short CAC 40 gagnait 3,4%.
Il existe une autre version de ce tracker deux fois plus dynamique, qui s’appelle Lyxor CAC40 Daily Double Short, code BX4, et qui comme son nom l’indique dans le jargon financier anglo-saxon, vise une performance équivalent à deux fois l’inverse de l’évolution du CAC 40. Il gagnait par exemple 6,8% le 22 septembre, soit deux fois l’inverse de l’indice CAC 40 qui perdait 3,4% dans la séance. Ensuite il y a un éventail infini d’instruments financiers pour couvrir son portefeuille ou parier sur la baisse de la Bourse, en particulier les certificats « turbo » à effet de levier et les warrants « put », c’est-à-dire des options de vente émises par des banques à destination des boursicoteurs les plus joueurs, et qu’il vaut mieux laisser de côté si l’on est dans une démarche de couverture de son portefeuille.
4/ Et les trackers, les fonds cotés évoluant dans le sens inverse du CAC 40, ce n’est pas trop risqué ?
Les trackers évoluant dans le sens inverse des marchés, communément appelés trackers « inversés », présentent aussi des risques qu’il faut connaître pour les utiliser à bon escient quand on veut couvrir son portefeuille.
D’abord, il faut bien calibrer la couverture que l’on souhaite avoir, en fonction du montant de son portefeuille. Prenons un exemple simple. Si vous avez un portefeuille de 100 000 euros en actions françaises qui suit l’évolution du CAC 40, quel montant faut-il pour le couvrir contre la baisse avec des trackers inversés ? Hé bien cela dépend du modèle choisi. Pour couvrir votre portefeuille avec le tracker Short CAC 40, il faut placer dessus la même somme, ce qui pose un problème car on ne peut pas forcément mobiliser toutes ses réserves de liquidités sans risque pour s’acheter une assurance boursière. Si vous prenez le tracker CAC40 Daily Double Short, il suffit d’y placer un montant équivalent à la moitié du portefeuille que vous voulez couvrir, puisque son évolution sera deux fois plus forte que celle du CAC40, dans un sens comme dans l’autre. Enfin l’avantage de ces trackers est qu’ils sont éligibles au PEA, ce qui est très pratique si l’on veut couvrir des positions de façon très momentanée dans ce type de plan.
5/ Alors justement, est-ce que ces instruments de couverture vont toujours dans le sens inverse de la Bourse et dans les mêmes proportions ?
Non, et c’est bien pour ça qu’il est difficile et coûteux de protéger son portefeuille en achetant des outils de couverture. Dans le cas des warrants ou des options de vente, appelées « put » dans le jargon anglo-saxon, comme on en a parlé à propos des marchés à terme, ces produits ont une durée de vie limitée, avec une échéance après laquelle ils valent zéro, quoi qu’il arrive. Du coup, leur cours se déprécie au fil du temps et beaucoup d’épargnants se font piéger par ces produits dont le nom ressemble à celui de gros lézards carnivores, sauf qu’ils dévorent surtout l’argent des épargnants.
Plus sérieusement, l’érosion de valeur au fil du temps touche aussi les trackers inversés, pour plusieurs raisons, dont l’utilisation des marchés à terme et le poids des frais, mais aussi simplement parce que la performance à long terme de l’indice CAC 40 n’est pas la somme de ses performances quotidiennes. Si l’on regarde à la date du 22 septembre, par exemple, quand le CAC 40 ne gagnait plus que 3,6% depuis le début de l’année, hé bien le tracker Short CAC 40 perdait, lui, 10,7% sur la même période, soit près de trois fois l’inverse, tandis que le tracker CAC 40 Daily Double Short perdait 22,8%, soit plus de six fois l’inverse du CAC 40. Ce tracker, qui portait une autre nom à ses débuts, a d’ailleurs été rebaptisé CAC40 Daily Double Short, ce qui veut dire « le double inverse quotidien » du CAC40 pour éviter les déceptions sur son évolution à long terme.
6/ Mais s’il réalise des gains à long terme aussi démultipliés en cas de baisse de la Bourse cela peut être intéressant.
Justement, ça ne marche pas non plus dans ce sens là. Les outils de couverture se dévalorisent avec le temps quoi qu’il arrive. Si l’on prend une période de baisse un peu plus longue, par exemple entre le pic du CAC 40 le 27 avril 2015, à 5283,71 points, et son creux du 24 août, à 4383,26 points, on a un recul de 17% sur quatre mois. Hé bien sur ces quatre mois, le tracker Short CAC 40 ne gagne que 14,4% et le CAC 40 Daily Double Short ne gagne que 29,6%. Cela amortit la baisse, bien sûr, mais on voit bien que cela a un coût puisque cela ne compense pas aussi bien le repli du CAC 40 que sur quelques jours, sans compter le risque de perte à long terme quand la Bourse se tient, comme depuis le début de l’année.