La liberté de la presse n’est pas un privilège des journalistes mais un droit des citoyens, martèle inlassablement notre illustre confrère Mediapart. Un slogan simple et clair, auquel Déontofi s’associe, comme les millions d’individus descendus dans la rue, pour manifester leur attachement à la liberté d’expression après le massacre de Charlie Hebdo, en janvier 2015. Et puis rapidement, les affaires ont repris le dessus, avec leur lot de mensonges et procès abusifs pour tromper l’information du public.(…)
Deontofi.com a évoqué bien d’autres exemples de procès aussi infâmes qu’abusifs, lancés par des dirigeants méprisant la justice, pour cacher leurs secrets honteux. (…)
D’une manière générale, Deontofi.com dénonce depuis des années cette dérive pernicieuse des sources contre la liberté de l’information, comme je l’ai fait dès 2009 en tant que secrétaire général du Syndicat des journalistes CFTC, à la suite des États généraux de la presse. Puis en 2010, aux Assises internationales du journalisme, réunies au Conseil de l’Europe à Strasbourg, en présence de nombreux responsables politiques, pour réclamer «que le mensonge délibéré à la presse soit reconnu comme un délit pénal» (et non la révélation de ces mensonges, comme s’en inquiète à juste titre le Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil), face aux menaces de législations liberticides en préparation ou déjà votées).
Face à la banalisation des poursuites en diffamation abusives pour étrangler la liberté de la presse, nous avons réitéré notre inquiétude dans une contribution à la revue internationale d’éthique sociétale et gouvernementale Éthique publique (n°2013-vol. 15, n°1), sous la direction de la Chaire d’éthique appliquée de l’Université de Sherbrooke (Québec, Canada). (…)
Deontofi.com dénonce aussi la manipulation de la justice par les sources comme je le fais au sein de l’Observatoire de la déontologie de l’information, dont j’ai soutenu la création dès 2011. Le rapport annuel 2013 de l’ODI consacre ainsi un passage aux mensonges délibérés à la presse (p.24) tandis que le rapport annuel 2014 de l’ODI (p.27) se penche sur l’instrumentalisation de la justice pour empêcher la liberté d’information et tromper le public.
Dans le cadre de sa ligne éditoriale pour améliorer la déontologie financière, la mission de Deontofi.com est aussi de vous informer sur les pratiques des empêcheurs d’informer. [les extraits ci-dessus proviennent intégralement de cet article]
Nouveau, Carmat n’est pas ce qu’il voudrait faire croire !
A ce titre, il est important de comprendre que l’indignation de Philippe Pouletty, le cerveau de Carmat et gérant de Truffle Capital, pour discréditer l’information pertinente et de qualité sur ses méthodes douteuses, est une posture pour mieux jeter de la poudre aux yeux des investisseurs.
Le revers judiciaire qu’il vient de subir est l’occasion de rappeler que les informations et analyses de l’émission Envoyé Spécial du 11/09/2014 apportaient des informations aussi légitimes que pertinentes sur Carmat, Philippe Pouletty et Truffle Capital en expliquant très clairement pourquoi « Quand le temps de la finance n’est plus celui de la science, c’est l’éthique qui en paie le prix ».
En attendant la publication d’articles plus détaillés sur ce sujet par Deontofi.com, retrouvez l’essentiel de cette information révélée par notre confrère La Lettre A : http://www.lalettrea.fr/strategies-d-entreprise/2016/05/12/le-cerveau-de-carmat-deboute-de-sa-plainte-par-la-justice,108148536-BRL
Deontofi.com publie ci-dessous le jugement déboutant Philippe Pouletty de sa plainte en diffamation infondée contre France Télévision pour tenter de discréditer les révélations de l’émission Envoyé Spécial sur la communication outrancière de Carmat (avant son dégonflement annoncé)
Au procès, Philippe Pouletty n’a pas nié avoir profité du cours élevé de Carmat dopé par les nouvelles qu’il annonçait
Pour faciliter la compréhension du contexte, Deontofi.com a rédigé ci-dessous un script de l’émission Envoyé Spécial concernant les pérégrinations de Carmat et son bateleur:
Envoyé spécial du 11/9/2014 (à revoir ici: https://www.francetvinfo.fr/replay-magazine/france-2/envoye-special/envoye-special-du-jeudi-11-septembre-2014_685889.html )
« Le business de l’homme réparé »
Reportage sur les dessous de Carmat et Philippe Pouletty, à partir de la 47ème minute : 47’
ES : « Maintenant, les dessous d’une autre société, cotée en Bourse, qui a beaucoup fait parlé d’elle ces derniers mois, l’entreprise du cœur artificiel, Carmat» « Souvenez-vous, c’était le Vendredi 21 décembre 2013 » Le reportage d’Envoyé Spécial reprend des extraits de l’annonce relayée par de nombreuses télévisions avec des commentaires comme « C’est une première mondiale » ou « Un homme de 75 ans vit grâce à un cœur totalement artificiel, ce qui n’avait jamais été fait auparavant. »
ES : « La ministre de la santé, Marisol Touraine, donne une conférence de presse le jour même à l’hôpital Georges Pompidou ». La ministre dit « C’est évidemment un saut qualitatif majeur ». Le professeur Carpentier intervient : « Il a dit merci figurez-vous…vous allez apprendre à le connaître ».
47’50
ES : « Cela ne sera pourtant pas le cas, deux mois et demi plus tard, un communiqué de presse de l’hôpital Pompidou informe du décès du patient, depuis silence radio. Aucune explication n’a été fournie. Que s’est-il réellement passé ? Le cœur Carmat est-il vraiment au point ? Pour mieux comprendre nous avons réussi à joindre le professeur Carpentier par téléphone mais celui-ci a refusé toute interview.»
48’17
Pr Carpentier : «Moi, j’essaie de rester assez à distance de la médiatisation, parce qu’elle a des effets non souhaitables » «C’est pour des raisons personnelles. Je ne veux pas rentrer dans les détails car je vais me faire piéger ! »
ES : « En revanche il nous a autorisé à interviewer son bras droit, le professeur Cholet. C’est l’anesthésiste qui a opéré le premier malade. Il s’est aussi occupé des suites post opératoires du malade, pendant 74 jours ».
Pr Cholet : « Il y a eu toute une phase ou le patient a très, très bien progressé, on était extrêmement optimiste et puis éventuellement y il a eu des complications qui font que les choses n’ont pas marché aussi bien qu’on l’aurait souhaité. »
49’05
ES : « Quand est-ce que l’état du patient s’est réellement dégradé ? » « Voici un communiqué de presse de l’AP HP, qui date du 18 février, trois semaines avant son décès. On peut y lire que « l’état du malade est jugé satisfaisant », « qu’il s’alimente » et « se soumet volontiers aux exercices de rééducation physique. » »
Mort caché ? Lire aussi: https://deontofi.com/des-espoirs-de-carmat-au-coeur-des-pigeons/
49’24
ES : « Ce n’est pourtant pas ce que dit la famille. Peu après le décès, dans le Journal du Dimanche, ses proches racontent qu’à partir du 10 janvier ça a été la dégringolade »
Une proche dans le Journal : « Il n’est jamais sorti de réanimation. Il n’a plus pu manger de viande et de légumes. »
« Sandrine Cabut est journaliste scientifique pour le journal Le Monde. Elle s’est étonnée à plusieurs reprises du décalage entre la communication et les échos qu’elle en avait »
S Cabut : « Des sources internes, à l’hôpital nous déclaraient que finalement le patient n’allait pas si bien que ça. On le présentait comme conversant avec sa famille, faisant sa rééducation etc. En réalité il n’est jamais sorti de réanimation et comme l’a raconté sa famille après son décès, à partir du mois de janvier çà a été la dégringolade. C’est pas du tout ce qu’on lit dans les communiqués successifs de l’hôpital Georges Pompidou »
50’18
ES : « Nous avons posé la question au docteur Cholet. Et là, malaise ! »
« Pourquoi est-ce que le 18 février on dit qu’il va bien, qu’il s’alimente, alors que la famille dit qu’à partir du 10 janvier, c’était la chute ? »
Pr Cholet : « Il a été super bien jusqu’au 10 janvier. Après il y a eu plusieurs évènements, une infection sur un cathéter comme quelqu’un qui est en réanimation depuis des mois. »
ES : « Oui mais pourquoi est-ce qu’on dit le 18 février qu’il va bien ? »
Pr Cholet : « Ecoutez, je suis mal à l’aise, vous essayez de… »
ES : « Vous comprenez qu’on se pose la question, monsieur. »
Pr Cholet : « Je ne me souviens pas de la date du communiqué de presse. C’est pas moi qui l’ai fait » « C’est l’Assistance Publique qui a fait les communiqués de presse et c’est le professeur Carpentier.»
ES : « C’est le professeur Alain Carpentier, celui qui avait refusé notre interview, qui a en partie rédigé les communiqués de presse».
51’
ES : « Il n’est pas seulement médecin, il est aussi actionnaire. Derrière le cœur artificiel, il y a une entreprise, la société Carmat, cotée en Bourse »
ES : « La communication d’entreprise a t’elle pris le pas sur la sciences ? » « Qui est vraiment à la tête de Carmat ? » « Au coté d’Alain Carpentier, actionnaire à 15%, se trouve un financier ».
51’35
Des images sur la communication de Philippe Pouletty, sur tous les plateaux d’Europe 1, RTL, BFM, reçu avec des « Vous recevez, tout de suite, Philippe Pouletty, le cofondateur de la société Carmat….» « C’est donc le cœur, votre cœur artificiel », « Philippe Pouletty, vous êtes en l’occurrence, l’un des principaux financiers autour de Carmat, l’un des principaux actionnaires » « Philippe Pouletty, merci pour l’humanité ».
ES reprend sur fonds de plateaux TV et radio: « Philippe Pouletty est à la tête d’un fond d’investissement qui a mis beaucoup d’argent dans Carmat. Depuis quatre ans, c’est lui et non les scientifiques qui s’exprime dans les media »
52’15
ES : « Il en vante surtout la taille du marché »
Philippe Pouletty, reçu sur le plateau de Good morning business (BFM) : « C’est une histoire d’hommes et de femmes, donc 95% des malades, 100 000 par an à peu près, entre l’Europe et les Etats-Unis, qui n’ont pas de solution. Donc ce cœur, qui deviendra très banal d’ici 10 à 15 ans, c’est une solution, un espoir. »
52’30
ES : « Un discours qui agace un bon nombre de chirurgiens cardiaque » dit la journaliste « aucun n’a voulu le dire face à la caméra. Mais nous avons rendez-vous avec un spécialiste qui va très largement relativiser l’avancée médicale de ce cœur artificiel. »
52’47
L’anonyme spécialiste « Ils disent que c’est le premier cœur artificiel, mais c’est pas le premier. Il y en a eu beaucoup avant vous savez »
ES : « Mais il dit que c’est le premier autonome »
L’anonyme spécialiste « Mais il n’est pas plus autonome que les autres. Carmat, il y a un câble qui sort »
ES : « ah ! Il y a un câble qui sort ? »
L’anonyme spécialiste « Bien sûr. Que des gens travaillent sur un cœur artificiel, c’est très bien ! Mais qu’on raconte n’importe quoi et qu’on prenne les gens pour des gogos. C’est un peu énervant. »
ES : « En fait pour vous c’est avant tout une histoire de comm. »
L’anonyme spécialiste « Non, ce n’est pas qu’une histoire de comm, c’est une histoire de comm et c’est une histoire de fric »
53’25
ES : « Pour vérifier les dires de cet homme, nous nous rendons dans la banlieue de Caen. Le docteur Thuaudet est médecin réanimateur mais il est également à la tête d’une entreprise qui distribue en France des cœurs artificiels américains. »
53’40
Le docteur Thuaudet présente une caisse « Voilà, c’est le premier cœur artificiel total puisque la première implantation du cœur, que j’ai dans la main, a eu lieu en 1982, c’est-à-dire il y a 32 ans. »
ES : « Est-ce que vous ça vous a surpris quand vous avez entendu en début d’année… »
Dr Thuaudet : « Certainement, c’était un peu choquant d’entendre dire que nous avions développé en France le premier cœur artificiel total. »
ES : « En France, plus de 300 personnes ont déjà été implantées avec ce cœur pneumatique. Depuis le mois d’avril il est remboursé par la Sécurité sociale. La demande risque donc d’augmenter. »
54’20
ES : « Mais pour le docteur Thuaudet, le nombre de patient concernés restera de toutes façons très limité. »
Dr Thuaudet : « Je pense que ça pourra concerner environ 1 patient par million d’habitants en France par an. C’est-à-dire aux alentours de 70 patients en France. »
ES : « Et quand vous entendez d’autres entreprises dire 100 000 patients entre l’Europe et les Etats-Unis, par an ? ça vous fait sourire ? »
Dr Thuaudet : « Je pense que c’est tout a fait déraisonnable d’annoncer ce chiffre »
54’45’’
ES : « Pourquoi ? Parce que l’immense majorité des malades n’ont pas besoin d’un cœur artificiel total. Il leur suffit d’une petite pompe sur la partie gauche du cœur abîmé.
ES : « Le produit a-t-il était survendu ? Cet expert au ministère de la santé va nous l’affirmer, lui aussi »
Expert : « Je vous dis simplement que sur 100 cas d’insuffisance cardiaque dans 90 cas on a besoin que d’une substitution du cœur gauche et ça marche très bien comme ça »
ES : « Ce que vous êtes en train de me dire c’est que, du coup, le cœur Carmat n’est pas une solution pour une insuffisance cardiaque ? »
Expert : « Mais tout le monde sait ça »
ES : « Donc ça vous fait sourire quand vous entendez « enfin le premier cœur artificiel » »
Expert : « Oui exactement et d’ailleurs ça a fait sourire, enfin ça a fait éclater de rire toute cette corporation »
55’50’’
ES: « Qu’en pensent les médecins impliqués dans le cœur Carmat. Nous avons décidé d’aller au Touquet à la rencontre d’un des chirurgiens cardiaque qui a opéré le premier patient, le professeur Duveau.
C’était en mai dernier, lors d’une réunion du Lyons Club. Depuis, le professeur Duveau vient d’implanter un cœur Carmat chez un second patient. Il reconnaît volontiers que le principe du cœur artificiel n’est pas nouveau. »
Pr Duveau : « Est-ce que c’est une nouveauté du 21ème siècle ? Soit disant une première mondiale ? On va relativiser les choses. »
ES : « Et lorsqu’à la fin de sa conférence nous lui demandons s’il est d’accord avec la communication faite autour du coeur Carmat, sa gêne est palpable. »
56’30’’
ES : « Est-ce que vous trouvez qu’il y a conflit d’intérêt entre et le triptyque médical et la communication d’entreprise qui est faite. »
Pr Duveau : « Non, non, je ne vous répondrai pas, là. Je suis désolé, je ne peux pas. J’ai mon idée mais je ne peux pas. Comprenez-moi »
ES : « Après quelques minutes, le professeur Duveau va rapidement se distancier du discours des actionnaires. »
57’
Pr Duveau : « Ce qu’ils disent ça les engagent eux. Moi, vous ne m’avez jamais entendu à la télévision dire ni vendre le produit. On le sait aujourd’hui il est trop gros. J’en n’ai pas parlé mais on le sait qu’il est gros, ils le savent chez Carmat. Je leur ai dit. Une des premières remarques que j’ai faite et j’ai failli être viré illico »
ES : « Vous avez failli être viré pour çà »
Pr Duveau : « Non j’exagère, je caricature, mais ça ne leur a pas plu. Mais heureusement que l’autre confrère, d’autres collègues avec qui je continue de travailler ont dit la même chose donc ils ont fini par l’entendre. Mais c’est vrai, il y a une atmosphère où dès qu’on dit quelque chose qui ne va pas dans le sens que la fleur donne un tas de roses ou un tas de bouquets, ils n’aiment pas. Mais c’est leur problème, Moi je ne suis pas là pour ça. Moi, mon objectif c’est le malade. Donc si ça fait pshittt, ça fera pshittt. Ils n’auront qu’à s’en prendre à eux-mêmes. »
ES : « A votre avis, le professeur Carpentier doit être un peu entre deux chaises »
Pr Duveau : « Je pense qu’il doit être malheureux de voir qu’il a travaillé pendant 25 ans sur un tel projet et qu’il est aujourd’hui pieds et poings liés avec des financiers. »
58’
ES : « Christian Delahaye travaille à la rédaction du Quotidien des médecins. Il est un des seuls journalistes à s’être penché sur les liens entre science et finance qui sous-tendent l’affaire Carmat. »
« On a le sentiment que la science n’a pas voix au chapitre, n’a pas le droit à la parole…et les médecins qui sont les auteurs, qui sont les inventeurs, qui font marcher la machine en l’occurrence, ils sont sous contrôle de ces financiers sans lesquels les médecins ne sont plus rien…c’est la première fois qu’on voit çà dans l’histoire de la médecine. »
58’25
CD : « Le fin du fin de cette communication c’est que tout soit dit et fait pour favoriser le cours de l’action Carmat à la Bourse. »
ES : « Le cours de l’action de Carmat a connu des débuts florissants, jusqu’à 10 fois sa valeur d’origine. »
« Ce sont surtout de petits actionnaires qui ont été attirés par le projet. Les fonds d’investissement spécialisés, eux, se méfient. »
59’
Alice Lhabouz, présidente fondatrice de Trecento Asset Management, « est gérante d’un fonds Santé et elle n’a pas eu envie d’investir dans Carmat. »
AL : « C’est ce qu’on peut appeler de la sauce boursière, c’est-à-dire que l’on va faire vraiment un plan de communication, un plan média pour séduire les investisseurs à la fois les investisseurs professionnels mais aussi évidemment les particuliers » « Là il y a zéro euro de chiffres d’affaire et la société est montée jusqu’à 500 million de valeur boursière, de capitalisation. C’est absolument gigantesque. Imaginez une société qui ne gagne pas d’argent, qui fait du développement qui potentiellement peut avoir un marché énorme mais qui en même temps vaut déjà 500 millions d’euros. »
59’30
ES : « Alice Lhabouz est entourée de professionnels et d’après leurs retours, il reste encore beaucoup de travail en recherche et développement, contrairement à ce qu’affirme ici Philippe Pouletty, le patron de Truffle Capital »
Extrait RTL le 24/01/2014. L’interviewer « Au moment où nous parlons est-ce que vous avez un carnet de commande ? Est-ce qu’il y a des cœurs Carmat fabriqués, je crois qu’il fait 900 grammes, qui attendent dans une boite »
59’55’’
Philippe Pouletty : « Alors bien sûr, c’est un cœur qui est déjà industrialisé ».
La gérante du fonds Santé : « C’est sûr, quand on l’écoute on a l’impression que ça y est, c’est parti. Il dit que c’est déjà « industrialisé » alors que ce n’est pas vraiment le cas. Industrialisé, c’est-à-dire du début à la fin une production qui fonctionne avec un produit qui fonctionne. Donc oui, en fait c’est un peu la charrue avant les bœufs. Et c’est sûr que ça reste dans l’esprit de ceux qui écoutent »
1h00
ES : « Quand on regarde les mouvements du titre sur la Bourse, depuis quatre ans, surprise Truffle Capital dont le patron n’est autre que Philippe Pouletty revend un grand nombre d’actions »
La gérante montre son écran PC « Tout ça, c’est des cessions de titres ! c’est le nombre des actions vendues ! Vous avez tout ça ! Truffle, Truffle, Truffle. »
ES : « Il y en a une quantité incroyable »
La gérante : « A la fois il est cofondateur de la société et à la fois il a investi et il se désinvesti dans un moment où il dit que l’avenir est extrêmement radieux pour la société. Donc, je laisse juger les gens mais c’est vrai que entre le discours qui consiste à dire c’est extraordinaire, ça va être industrialisé et ça va se vendre comme des petits pains et il y a un marché pour cela. Et à coté de cela vendre la moitié de sa participation. On peut se demander effectivement quelle est la vraie vision de monsieur Pouletty au moment où il en parle. »
1h01
ES « Quel est vraiment l’intention de Philippe Pouletty ? Nous sommes allés à sa rencontre pour lui poser la question. »
ES : « Qu’est-ce que vous répondez à ceux qui disent que vous avez survendu les choses ? »
Philippe Pouletty : « B’in, je réponds pas du tout »
ES : « Quand vous dites que la Recherche et Développement est terminée et que ce n’est plus un prototype et que ça va être industrialisé, vous n’avez pas l’impression de survendre »
Philippe Pouletty : « Pas du tout, industrialisé ça veut dire quoi ? ça veut dire que ça n’est pas un prototype fabriqué comme un prototype ; ça veut dire que toute la chaîne de production est en place et que les normes de production sont celles d’un produit industriel »
ES : « Même les médecins disent que la recherche et développement n’est pas terminé, vous êtes le seul à dire qu’elle est terminée. »
Philippe Pouletty : « Ah non, je n’ai jamais dit que la recherche et développement était terminée. La recherche et développement, quand vous faites des essais cliniques, ça fait partie de la recherche et développement. »
1h02
ES : « Vous avez dit que l’industrialisation commençait et vous vendez des actions à chaque fois que vous faites des effets d’annonce, monsieur Pouletty »
Philippe Pouletty disparaît.
ES : « Au cours du dernier semestre 2013, Truffle Capital a vendu pour plus de 11 millions d’euros d’actions. En quatre ans, le fonds d’investissement a cédé 25% de ses parts. A la suite de notre tournage nous les avons contactés. La société nous a expliqué que les placements étaient arrivés à échéance et que c’était la vocation de ses fonds de ne pas rester trop longtemps dans le capital »
« Quand le temps de la finance n’est plus celui de la science, c’est l’éthique qui en paie le prix »
L’équipe Elise Le Guevel, Philippe Maire, Matthieu Regnier, Caroline Robillard, Fabien Tormos, Delphine Arzur, Emmanuel Lejeune, Myriam Milent.
1h03
Sur le plateau, Elise Le Guevel, la journaliste qui a fait le reportage.
« Elise, nous avons appris il y a quelques jours qu’un cœur artificiel Carmat vient juste d’être implanté chez un deuxième patient. Alors, autant la première opération avait été très médiatisée, celle-là s’est faite en toute discrétion. Qu’est-ce qu’on sait vraiment du patient ? Est-ce qu’on connaît son âge, qui il est ? Et pourquoi un tel silence ? »
ELG « Alors on ne sait pas grand-chose effectivement. On a appris la semaine dernière, par une fuite; c’est bien par une fuite, qu’on a appris qu’un deuxième patient avait été implanté au CHU de Nantes. Alors la rumeur a enflé. La société Carmat n’a rien confirmé et puis ce lundi la société s’est fendue d’un communiqué laconique. On sait que le patient a été opéré le 5 août mais rien de plus, ni son âge ni finalement comment il se porte aujourd’hui. »
« On n’a pas de bulletin de santé ? »
ELG « On n’a pas de bulletin de santé. On a rien. Alors la société le justifie pour des raisons déontologiques. Elle nous explique, à qui veut l’entendre, qu’un essai clinique c’est quatre patients et qu’ils ne pourront communiquer qu’au bout de quatre implantations. Mais la déontologie n’explique pas tout. Les enjeux financiers et économiques sont tels que chaque information peut impacter le cours de la Bourse. D’ailleurs le jour de la fuite, l’action Carmat a pris 10%, et ensuite l’engouement s’est un peu tassé. »
1h04
« Très concrètement Elise, quelle est vraiment l’avancée technologique que représente le cœur Carmat. Parce qu’on comprend dans votre reportage qu’il y a déjà eu des implantations de cœurs artificiels. »
ELG : « Le cœur américain qu’on voit dans le reportage est un cœur assez rudimentaire, c’est un cœur pneumatique, une pompe si vous préférez, alors que le cœur Carmat, lui, a des valves biologiques et sera capable de s’autoréguler. Le professeur Duveau a une formule et il dit que le cœur américain est une 4L tandis que le cœur Carmat est une Rolls Royce. Sauf que la 4L aujourd’hui elle marche, elle. Le cœur américain, est implanté depuis 1982 sur 1 300 patients en Europe et aux Etats-Unis alors que le cœur Carmat, pour l’instant c’est un point d’interrogation. Nous-mêmes on a rencontré un patient français qui porte un cœur américain depuis plus de 2 ans. Et les autorités américaines sont sur le point de donner à ce cœur américain le statut de cœur de remplacement. »
1h04’45
« Alors pourquoi une telle gêne du coté des médecins, on les entend dans votre reportage émettre des critiques mais ils ne parlent pas à visage découvert. Pourquoi ? »
ELG « C’est très compliqué pour le corps médical. Tous les médecins quasiment qu’on a rencontrés vouent une admiration très forte pour le professeur Carpentier, pour son équipe médicale et pour l’aventure scientifique. C’est-à-dire, ils nous disent tous, si Carmat fonctionne un jour ça sera merveilleux; ça sera une réelle avancée, une innovation de rupture. Et en même temps ils sont très dubitatifs par rapport au discours des actionnaires. Il y a un chirurgien assez connu de l’AP-HP qui nous a dit, anonymement bien sûr, « quand je les entends parler de 100 000 patients par an, je me dis soit ils se trompent, soit ils sont profondément malhonnêtes. » »
« Donc voilà il y a cette ambiguïté et le corps médicale finalement préfère se taire pour ne pas desservir le projet scientifique »
1h05’30 : La journaliste finit en parlant d’un mail du professeur Carpentier, qui s’excuse des maladresses de sa communication et transmet ses remerciements aux équipes médicales.
Pendant ce temps, ni Carmat ni Truffle n’ont jamais été mis en cause jusqu’à ce jour par le gendarme boursier, parfaitement informé de leurs pratiques, notamment à propos des « morts cachés » et des ventes de titres, sur fond d’annonces trompeuses ou omissions d’informations clé, susceptibles d’influencer le cours de l’action, par le fonds actionnaire dirigeant de fait, Truffle Capital :