Avec l’assurance-vie multisupports, les clients ont parfois de bien mauvaises surprises, comme ce couple en a fait l’expérience. Monsieur et madame B avaient un capital à placer, reçu en héritage au décès du père de madame B. Ayant des revenus modestes et une fin de carrière difficile, ils espéraient pouvoir compter sur cet héritage pour compléter leurs revenus. Mais leur assureur, AXA, ne les avait pas mis en garde contre les risques de perte des placements en unités de compte dont sont truffés leurs contrats.
L’histoire remonte au début des années 2000, il y a vingt ans. Fin janvier et début février 2000, alors que l’indice CAC 40 flirtait avec les 6000 points, Monsieur et madame B souscrivent des contrats d’assurance-vie Valoriges et Expantiel auprès d’AXA, suivis par une souscription supplémentaire d’un second contrat Valoriges par Madame B mi-juin 2000, alors que le CAC 40 atteignait 6600 points.
En 2003 et 2008, deux krachs laminent leurs économies sans qu’ils comprennent comment ils ont pu être incités à prendre autant de risque au regard de leur situation personnelle. Il faut dire que l’assureur ne les a pas correctement informé des aléas auxquels les exposaient les placements sélectionnés pour eux. Avec l’aide leurs avocats, du cabinet Lecoq-Vallon & Feron-Poloni, les époux B se lancent dans un marathon judiciaire pour obtenir réparation. Le dénouement de cette affaire vient d’être tranché par la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt définitif du 26 novembre 2019, qui mérite un coup de projecteur.
En effet, cet arrêt marque l’aboutissement de presque dix ans d’effort et de procédures, allant jusqu’à un arrêt de la Cour de cassation, dont cet arrêt d’appel est le couronnement final.
Dans un premier temps, le 10 février 2010, les époux B font valoir leur droit de renonciation et réclament le remboursement des capitaux investis, en raison du non respect par l’assureur de ses obligations d’information, en application de l’article L132-5-1 du Code des assurances. Note 1
21 mois plus tard, en novembre 2011, AXA accepte les renonciations et rembourse les primes versées sur les contrats, « augmentées des intérêts de retard au taux légal majoré pour la période allant du 14 mars au 30 novembre 2011 ». Note 2
Ce remboursement efface les pertes liées aux krachs, mais n’indemnise pas les épargnants des intérêts qu’ils auraient perçus s’ils avaient pu investir sur les fonds en euros sans risque de l’assureur, plutôt que dans ses unités de compte. Le 6 février 2012, les époux B assignent AXA devant le tribunal de Nanterre, qui leur donne en partie raison et condamne AXA à leur verser 57 260 euros de dommages et intérêts.
Axa fait appel et la Cour d’appel de Versailles lui donne cette fois raison dans un arrêt du 2 juin 2016, annulant l’indemnisation des clients. Ces derniers saisissent la Cour de cassation, qui dit le droit en leur faveur, dans un arrêt du 23 novembre 2017. Cette jurisprudence précise très clairement que « la Cour d’appel a violé les textes en retenant ce que suit :
-“que la sanction du défaut d’information pré-contractuelle prévue par l’article L132-5-1 du Code des assurances est exclusive de toute autre et en a déduit que Monsieur et Madame B, ayant fait le choix de renoncer aux contrats litigieux en se fondant sur un défaut d’information pré-contractuelle et ayant obtenu en conséquence de l’assureur la restitution intégrale des primes augmentées des intérêts au taux légal majoré, ne peuvent pas solliciter des dommages-intérêts au titre de ce même manquement”. » Note 3
Considérant que monsieur et madame B soutiennent les moyens suivants:
– que les contrats conclus en l’espèce réunissaient l’intégralité du patrimoine financier des époux B et que celui-ci ne pouvait provenir que de la donation partage de monsieur L à sa fille, dés lors que les intéressés n’avaient aucune source de revenu professionnel,
– que la société AXA France Vie a fait signer à monsieur et madame B des contrats totalement inadaptés à leurs objectifs sans les informer du caractère spéculatif de ceux proposés et sur les risques subséquents d’absence de rémunération du capital investi voire de perte, alors qu’il y a eu une absence de remise de notes d’information le 18 décembre 2006 et que la preuve contraire n’est pas rapportée ;
– qu’il n’y a pas eu de remise de la note d’information prévue à l’article L-132-5 du Code des assurances ;
-que toute l’information exigée par les articles L-132-5 et A.132-4 du code des assurances n’a pas été délivrée comme cela est démontré poste par poste ;
– qu’il est amplement expliqué les motifs pour lesquels monsieur et madame B peuvent à ce stade de la procédure démontrer que la société AXA FRANCE VIE a de plus manqué à l’exécution de son obligation de conseil ;
– que la preuve est rapportée sur les préjudices subis, par monsieur et madame B en raison des manquements de la société AXA France Vie à ses obligations de conseil et d’information ;
L’affaire est donc renvoyée devant la Cour d’appel de Paris pour rejuger cette affaire et son indemnisation sur le fond. Pour obtenir une plus juste indemnisation de ses clients, Maître Nicolas Lecoq-Vallon plaide cette fois-ci sur le terrain du défaut de conseil et de la perte de chance, deux motifs souvent légitimes et pourtant trop rarement suivis par les tribunaux. Note 4
Au passage, la Cour d’appel dresse la liste des informations manquantes lors de la signature du contrat, qui justifient la prorogation du droit de renonciation des clients.
« – les Conditions générales qui ont été remises, souffrent d’un manque important d’éléments essentiels, comme la valeur de rachat au sens des articles L-132-5-1 et A.132- 4 3°b, la mention conforme sur le risque au sens de l’article A 132-5 du code des assurances, la définition contractuelle des garanties offertes, la modalité de versement des primes, l’information sur le sort de la garantie décès en cas de renonciation, le taux d’intérêt garanti, les indications relatives au régime fiscal et l’énumération des valeurs de référence, avec l’indication de la valeur des actifs ; » Note 5
Surtout, « les propositions de souscription ne contiennent pas d’information sur la valeur des unités de compte inscrites au contrat, pas plus que sur la valeur de rachat », note la Cour.
Les magistrats épinglent à cette occasion l’usage du jargon financier en pointant sa vacuité, son absence d’information claire pour les souscripteurs : « la cour doit constater comme les premiers juges l’ont parfaitement apprécié, que les Conditions générales mentionnent uniquement que l’assuré peut choisir plusieurs supports d’investissement proposés tels que décrits en annexe aux Conditions générales, quand cette annexe n’est pas jointe au document produit à ce titre, et que les propositions de souscription ne contiennent pas d’information sur la valeur des unités de comptes inscrites au contrat et sur le risque de fluctuation et en ce que les supports d’investissements ne sont pas renseignés, que ceux-ci sont simplement désignés sous des intitulés comme : -“COMPT- ACTION COMPT- EUROPE COMPT- AMERIQUE et COMPT PACIFIQUE” ; Qu’il n’est ainsi pas précisé ni expliqué les marchés sur lesquels les actions sont choisies » Note 6
La liste des ingrédients composant le fonds ne permet pas d’en comprendre le niveau de risque tant qu’il n’est pas explicité clairement. Note 7
Au-delà des polémiques toujours actuelles sur la possibilité de renonciation, l’intérêt majeur de cet arrêt est que la Cour se penche sur les questions de devoir de conseil et de perte de chance.
Or, dans le cadre de son devoir de conseil « il appartenait à l’assureur de rechercher si le produit financier était adapté aux capacités financières et aux objectifs du souscripteur », rappelle l’arrêt.
Mais les magistrats distinguent le devoir de conseil de l’obligation d’information, plus précisément sur les fonds, car ils ne disqualifient par les investissements en action en eux-mêmes : « si la cour a retenu des défaillances s’agissant du manque d’information sur la nature des supports choisis, leurs risques et leur évolution possible, notamment vers une perte éventuelle du montant du capital investi, la cour considère qu’il ne peut pas être affirmé que les produits proposés, soit des actions, étaient inadaptés à la situation personnelle de monsieur et madame B et à la connaissance que ces derniers avaient pour choisir des placements de cette nature, le défaut d’information en l’espèce portant sur les seuls supports retenus, mais pas sur la nature en actions des investissements ». Note 8
Le devoir de conseil consiste à contrôler que « la situation doit être appréciée au regard de l’expérience en la matière de monsieur et madame B et de leur situation personnelle, patrimoniale et financière et de leurs objectifs, que tel doit être le contrôle que doit réaliser l’assureur, ce qui ne constitue pas une obligation de mise en garde ».
L’assureur conteste, avec des arguments de mauvaise foi auxquels la Cour répond. En réalité, la Cour distingue la situation « personnelle » des clients, de leur situation « patrimoniale », qui est liée à leur héritage. Ils ne sont pas fortunés et expérimentés en Bourse comme l’assureur le prétend.
« – pour madame B, aucun document produit aux débats ne démontrent que celle-ci disposait d’une connaissance particulière des marchés financiers et qu’elle était aguerrie à des opérations de placements, puisqu’il apparaît que l’intéressée a été placée sous le statut de personne handicapée le 16 mai 2007, et qu’elle exerçait auparavant ce qui n’est pas contesté l’activité de sage-femme, que son parcours professionnel semble avoir été plutôt chaotique et que ses revenus ne peuvent pas être qualifiés d’importants ; – pour monsieur B, que ce dernier par son activité professionnelle n’a acquis aucune expérience financière particulière et spécifique, qu’il a connu une longue période de chômage en fin de carrière, situation dans laquelle il se trouvait au moment des souscriptions litigieuses ». Note 9
Sur le fond, le tribunal ne remet cependant pas en cause les conclusions du bilan patrimonial effectué par le conseiller des époux B. Ce dernier était même plus prudent que la manière dont l’assureur l’a mis en œuvre, en mentionnant notamment que « le très bon comportement du marché des actions sur les trois dernières années peut appeler une consolidation marquée dans les prochains mois pour les comptes actions ».
Au final, « la cour ne retient pas une méconnaissance de l’obligation de conseil, mais uniquement de celle d’information pré-contractuelle, étant rappelé que les Conditions générales attachées aux bulletins de souscriptions ne permettent pas l’exécution conforme de cette mesure ». Note 10
En revanche, ce défaut d’information a privé les clients d’un choix plus judicieux, qui aurait été de placer leur capital sur le fonds en euros sans risque. La Cour en conclut que « le préjudice supporté par monsieur et madame B consiste en la perte de chance de ne pas avoir souscrit les contrats de capitalisation ou d’assurance sur la vie Valoriges et Expantiel avec les supports d’investissements que ceux-ci comprenaient et de n’avoir pas pu opter pour d’autres options ». Note 11
En conséquence, la Cour d’appel confirme la condamnation d’AXA à indemniser les époux B à 57 260 euros, plus une condamnation à 45 000 euros avec les intérêts au taux légal, ainsi que 5000 euros pour leurs frais de justice (Article 700 du Code de procédure civile), soit 107 260 euros de préjudice indemnisé, en plus du remboursement des primes versées. La perte de chance est en partie réparée. Note 12
Bonjour, Les mêmes faits ne cessent de se reproduire depuis les années 2000. Défaut de conseil, défaut d’information, mensonges.
J’étais le tuteur légal de ma sœur. Un an avant son décès, un montant de 327 500 euros provenant de la vente de son appartement ont été investi sur un ancien contrat d’assurance vie qu’elle possédait déjà chez Axa (Odyssiel). Le nouveau conseiller Axa, à qui j’avais bien précisé l’âge (79 ans) et l’espérance de vie estimée à qqs mois seulement (fin d’évolution de dix ans d’une maladie d’Alzheimer) a modifié son ancien contrat soit disant obsolète pour une gestion pilotée, dite à tort sans risques, et sans me présenter à moi même, comme d’ailleurs au Juge des tutelles, les documents DICI des UC qu’il présentait comme étant des fonds obligataires. En fait il s’agissait pour la majorité de fonds d’actions luxembourgeois à risques de 6 sur 7. Ma réclamation auprès d’AXA seulement un mois et demi après la signature du contrat lors que je me suis aperçu de la supercherie en prenant connaissance des 16 ou 17 lignes d’UC, n’a pu aboutir. J’ai contacté alors la Médiation de l’assurance qui après plus de huit mois à donner ses aberrantes conclusions de non lieu. Pourtant dans son développement le médiateur reconnaissait l’inadaptation de ce contrat au profil de ma sœur …. Au final c’est une perte de plus de 25 000 euros qui existe au moment de la succession auquel il faudra ajouter la perte de chance…