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Le paradoxe avec les escroqueries est qu’il ne suffit pas de les interdire pour les faire disparaître. Tout au plus, les arnaques changent de visage quand elles ne peuvent plus bénéficier d’un emballage légal. C’est le cas des placements bidon. La décennie 2010 avait vu exploser l’industrie des escroqueries au trading forex. L’arnaque bénéficiait notamment d’un semblant de cadre légal, dans le cas des nombreux courtiers véreux revendiquant un agrément de l’autorité financière de Chypre.

Des mesures ont été prises pour endiguer ce fléau, ou tout au moins le rendre vraiment illégal. Depuis janvier 2017, la publicité pour le trading est en principe interdite grâce à l’entrée en vigueur de la loi Sapin II. Et depuis juillet 2018, les CFD (contrats sur différence) et les options binaires sont bannis dans toute l’Union européenne par une décision de l’autorité européenne des marchés financiers (AEMF, ou ESMA en anglais).

Grâce à ces interdictions, l’Autorité des marchés financiers a vu fondre le nombre de réclamations pour l’indemnisation amiable de ces arnaques, comme l’indique la médiatrice de l’AMF dans son dernier rapport annuel : « Pour la 4e année consécutive, le médiateur se réjouit de la forte diminution du nombre de dossiers reçus relevant de la thématique Forex et qui concernent les options binaires et les contrats sur différence (CFD) y compris les contrats financiers sur devises (Forex). Le nombre de dossiers reçus est passé de 51 à 14 soit une diminution de plus de 72 %. »

Pour ce qui concerne le trading, l’AMF compte encore moins de résolutions amiables des litiges. « S’agissant des sociétés agréées au sein de l’Union européenne, une médiation peut se mettre en place. Le médiateur a reçu 10 dossiers en 2019 (contre 40 en 2018), soit une baisse de 75%. Cette diminution amorcée en 2016 est principalement due aux mesures qui ont été prises au fil des années par l’AMF puis par l’ESMA », confirme la médiatrice.

En revanche, le gendarme boursier reçoit encore des réclamations d’épargnants victimes de certains sites de trading officiellement interdits. Problème, aucun espoir de récupération de pertes n’est possible, comme l’indique la médiatrice de l’AMF : « S’agissant des sociétés non agréées par un des régulateurs de l’Union européenne, le médiateur doit se déclarer incompétent. Le dossier doit alors être transmis au procureur (infraction pénale). Lorsqu’il est saisi d’un dossier de ce type, le médiateur, conformément à l’article 621-20-1 du code monétaire et financier, transmet le dossier directement aux services spécialisés de l’AMF qui, dans le cadre de la coopération avec les autorités judiciaires, en alertent le procureur de la République. »

Dès lors que les arnaques au trading sont illégales, les sites Internet et autres faux courtiers faisant disparaître l’argent des épargnants relèvent de fraudes pénales, et aucun espoir de médiation n’est possible pour espérer récupérer les pertes subies. L’argent est envolé et ne reviendra jamais.

La baisse des médiations dans ce domaine n’est donc pas forcément un signe qu’il y a moins d’arnaques à l’épargne à distance. Au contraire « le médiateur a observé une reconversion des escrocs vers des placements dans d’autres produits : les diamants en 2017 puis les crypto-actifs en 2018, les plateformes multi-produits ainsi que les usurpations de sociétés existantes en 2019 », explique son rapport annuel.

D’autre part, il est illusoire d’espérer récupérer son argent. L’indemnisation amiable n’a aucune chance d’aboutir, car il n’y a aucun moyen de pression sur les escrocs qui agissent de toute façon dans l’illégalité et la clandestinité. « Uune médiation ne peut être envisagée, insiste la médiatrice de l’AMF, puisque la société encourt des sanctions pénales relatives à l’exercice illégal de l’activité de prestataire de service d’investissement. Les épargnants contactant le service de l’AMF, Épargne Info Service, ne sont donc logiquement pas orientés vers la médiation. »

Quant à récupérer l’argent en faisant des procès aux escrocs, c’est une autre histoire. Il faudrait pour cela d’abord les coincer, et surtout mettre la main sur l’argent volé, qui s’est évaporé dans le labyrinthes des paradis bancaires et fiscaux aux quatre coins du monde.

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