Jusqu’à ce que Charlie Hebdo révèle l’enquête judiciaire en cours sur Aristophil, à l’automne 2014, il était très difficile de trouver des articles mettant en garde les épargnants contre l’illusion de rentabilité de ses pseudo-placements en lettres et manuscrits. A travers cette anecdote, Deontofi.com revient sur la difficulté d’informer le public face au monde des affaires, prêt à tout pour occulter ses errements.

Si des présentations trompeuses ont pu induire des épargnants en erreur, quant à la rentabilité illusoire des pseudo-placements en lettres et manuscrits, Aristophil a toujours admis officiellement qu'ils n'offraient "aucune garantie de rendement", ni aucune assurance de remboursement. (photo © GPouzin)

Si des présentations trompeuses ont pu induire des épargnants en erreur, quant à la rentabilité illusoire des pseudo-placements en lettres et manuscrits, la société Aristophil n’a officiellement jamais proposé à ses clients « aucune garantie de rendement », ni aucune assurance de revoir un jour leur argent. (photo © GPouzin)

Pendant des années, il était quasiment impossible de trouver sur Internet une seule ligne critique vis-à-vis des pseudo-placements en lettres et manuscrits d’Aristophil. Gérard Lhéritier, l’habile promoteur de ces vieux papiers, savait à quel point il était vital pour son système de neutraliser toute critique. Il s’y prenait assez bien.

Jusqu’à l’automne 2014, la pénurie d’information pluraliste sur Aristophil s’expliquait principalement par l’omerta organisée par ses acolytes, pour museler les avis susceptibles de compromettre leur fragile édifice. Cette omerta s’exprimait notamment par des menaces contre les journalistes osant mettre en doute les pseudo-promesses de rendement rapportées par les épargnants crédules, ou critiquant les élucubrations astucieuses de leurs promoteurs. L’anecdote suivante aide à mieux comprendre comment, concrètement, Aristophil entretenait l’omerta sur les méthodes de vente trompeuses de ses pseudo-placements sans aucune garantie.

Depuis quelques temps, en 2009, des épargnants sollicitaient mon avis sur un placement qui leur était soi-disant proposé, avec une rentabilité de 8,5% par an, en investissant au minimum 10 000 euros dans un fonds de collection d’autographes et d’écrits anciens. «Bonjour, La société ARISTOPHIL propose aux particuliers la vente de manuscrits anciens en indivision par le biais de conseillers financiers. La société s’occupe de la gérance, le louer à des musées, etc… Que pensez-vous de ce genre de placements ?», m’écrivait l’un d’eux.

Je répondais rapidement qu’à mes yeux, une telle proposition ne tenait pas la route, à moins que l’intermédiaire présente toutes les garanties prévues pour proposer de telles promesses, en tant qu’intermédiaire en «biens divers» agréé par l’Autorité des marchés financiers (AMF) dans le cadre des obligations prévues à l’article L550-1 du Code monétaire et financier.

Je ne prêtais guère plus d’attention à cette fadaise de placements en lettres et manuscrits, noyée dans le flot des propositions incongrues sur lesquelles des épargnants m’interrogent régulièrement, qui sont monnaie courante dans le monde merveilleux des vendeurs de biens divers et d’entreprises extraordinaires, comme les promesses de gains farfelues liées à l’art ou au vin, aux éoliennes ou panneaux solaires, chevaux de courses ou mobile-homes, parmi tant d’autres.

Quatre jours plus tard, vendredi 13 novembre 2009, je reçus pourtant un coup de fil d’un cabinet de communication financière réputé, plus souvent missionné par des patrons du CAC40 que par des collectionneurs de parchemins. Le consultant, jeune homme brillant lui-même un peu égaré dans cette affaire de vieux papiers, m’expliqua que ma réponse aux lecteurs, publiée sur le site web du Revenu, gênait beaucoup Aristophil dont l’avocat s’apprêterait à nous poursuivre en justice, mais qu’on pouvait éviter un procès en retirant nos propos litigieux. J’en pris acte et lui promis d’étudier sa requête.

Après avoir raccroché, je fus d’abord surpris par cette démarche inhabituelle. Premièrement, parce que ma réponse au sujet d’Aristophil était comparable aux mises en garde que j’adressais aux épargnants pour les préserver de toutes sortes de promesses fantaisistes. Deuxièmement, parce que j’avais déjà fait ce type de réponse à d’autres lecteurs sans que cela suscite la moindre réaction d’Aristophil. La nouveauté était que cette dernière réponse semblait en libre consultation sur Internet, contrairement aux précédentes qui n’étaient accessibles que dans l’espace personnel des abonnés concernés. Mais ce n’était pas non plus un article à la Une, et Aristophil ne l’avait sans doute pas déniché par hasard, sans l’aide d’un «nettoyeur». Dans le jargon de l’intelligence médiatique, les «nettoyeur» sont des prestataires chargés de traquer les propos écornant l’image de leurs clients, et de les faire disparaître un par un, sur le Net ou ailleurs.

Aristophil menace Le Revenu de procès imminent si les propos critiquant ses pseudo-placements en lettres et manuscrits ne sont pas immédiatement effacés d'Internet, dans ce courriel du vendredi 13 novembre 2009.

Aristophil menaça Le Revenu de procès imminent si mes propos critiquant ses pseudo-placements en lettres et manuscrits n’étaient pas immédiatement effacés d’Internet, dans ce courriel du vendredi 13 novembre 2009 que j’ai patiemment gardé « en souvenir », conscient que cette affaire finirait fatalement par éclater au grand jour.

Alors que je dézinguais régulièrement, auprès des lecteurs, des propositions d’investissements farfelues en biens divers et entreprises extraordinaires, aucun d’eux n’avait jamais souhaité polémiquer publiquement sur les caractéristiques approfondies de leur affaire. Mais le patron d’Aristophil n’était sans doute pas de cette espèce de camelots. Dans la foulée, Fabrice Molinaro de la société Aristophil, menaçait Le Revenu de procès imminent pour dénigrement de ses produits. Si le maître des parchemins pouvait recourir à des effaceurs et autres agents de propagande des divas du CAC40, sans jamais se départir de son avocat, Maître Jean-Marc Szepetowski, il valait mieux le prendre avec des pincettes.

J’en avisais donc le directeur de la publication. En dépit de sa grande expérience de la presse patrimoniale, il n’avait jamais entendu parler d’Aristophil. «C’est qui ?», s’enquit-il. À l’évocation du nom de Gérard Lhéritier, il me brossa en revanche un portrait du bonhomme puisé dans ses souvenirs, qui dissuadait de critiquer le phénomène. Résignés, mais d’un commun accord, nous décidâmes d’atténuer notre mise en garde, avec des termes plus lisses, et surtout en enlevant toute référence susceptible de donner prise à des poursuites en diffamation. En clair, aucun nom propre. Je pourrais dès lors répondre aux questions des lecteurs en leur déconseillant catégoriquement de croire aux promesses bidon des pseudo-placements en lettres et manuscrits, en général.

Lire la suite : L’embrouille d’Aristophil dévoilée par Bakchich et QueChoisir dès 2010 !

Toute la saga d’Aristophil sur Deontofi.com
4 minutes pour comprendre :
Voir l’interview vidéo de Deontofi.com sur Boursorama dans l’émission Écorama du 2/2/2015.

Nos articles sur les pseudo-placements en biens divers en général, dont les lettres et manuscrits :

10 commentaires

  1. Olivier, le

    Bonjour Gilles

    J’ai découvert votre article par le biais de la discussion suivante
    http://forum.actufinance.fr/des-nouvelles-d-aristophil-P228009/

    Je voulais vous dire que moi même en tant qu’éditeur du site actufinance.fr , tout comme vous et le revenu, j’avais reçu de la part d’Aristophil (par le biais de monsieur M.) des menaces de poursuites judiciaires si je ne retirais pas certains propos de mon forum… Malgré le je pense le bien fondé de ces propos, j’avais obtempéré vu la puissance financière d’Aristophil et la « peur » de m’engager dans processus long et coûteux.

    J’en avais discuté longuement avec un journaliste d’UFC Que Choisir qui lui aussi avait reçu des menaces de poursuites suite à un de ses articles… il avait tenu bon et son article était resté en ligne…

  2. evagoulou, le

    On parle beaucoup d’Aristophil et des têtes connues, cependant que deviennent les plus petits, ceux qui ont travaillé dur tout une vie en pensant faire un placement qui pourrait être un plus pour les fins ce vie ? On ne sait plus vers qui se tourner, personne ne nous aide a y voir clair, comment faire pour reprendre un petit contrat qui arrive a terme ….

    • besnier, le

      Moi de méme je ne sais comment cela va se passer !! j’ai un contrat qui est à terme depuis fin novembre pour l’instant peu de nouvelles !!! Comme toujours, les petits épargnants paient pour les gros ? Eux ils arrivent toujours à se sortir d’affaire !! Cela fait 12 ans que je travaille avec aristophil aucun souci !! pour moi cela me faisait un complément de retraite. Petit commerçant ! petite retraite! J’espére que tout cela va s’arranger !!! 8 jours d’hôpital ! dépression ! cela représente pour moi ( 35 ) ans de travail !! À mon âge je ne supporte pas cela ! j’ai une fille ! qui ne laissera pas tomber l’affaire !!

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