Le fisc réclame parfois aux bénéficiaires d’une assurance vie des droits de succession sur des capitaux qu’ils n’ont jamais reçus. Deontofi.com revient sur ce piège fiscal entériné par la justice ! (photo © GPouzin)

Attention aux versements en assurance vie après 70 ans ! En théorie, les capitaux versés après 70 ans sur une assurance vie, jusqu’à 30 500 euros, sont exonérés de droit de succession, sauf quand Bercy décide de taxer les bénéficiaires sur des capitaux qu’ils n’ont jamais reçus, car retirés par le souscripteur avant son décès. Deontofi.com avait informé ses lecteurs de cette aberration, objet d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par le courtier en assurance vie François Nocaudie, sur l’injustice de cette interprétation surréaliste du fisc.

Nous publions ci-dessous la réaction de François Nocaudie à la «décision bien critiquable rendue  par le Conseil Constitutionnel le 3 octobre».

Vous aurez tout de suite remarqué le caractère paradoxal de l’argument de fond qu’a osé invoquer le Conseil Constitutionnel.

En effet, on voit mal comment retirer de l’argent d’un  contrat en fin de vie pourrait avoir pour objectif de permettre à ses bénéficiaires de profiter du régime successoral dérogatoire de l’assurance-vie. En effet, ces retraits  ont justement pour conséquence de replacer  les sommes correspondantes  dans le périmètre du droit commun en matière successorale.

Ce que mon client a critiqué sur mon conseil, et que la décision se garde de préciser,  ce n’est pas l’article 757 B lui-même, ce sont ses  textes d’application et la désinformation des personnes concernées qu’ils ont délibérément organisée avec succès. Mon client demandait, comme n’a pas hésité à le proposer  l’avocat général de la Cour de cassation en juillet dernier,  que ces textes fassent l’objet « d’une réserve d’interprétation » précisant  en substance que cela  permettrait notamment à ne pas inciter les contribuables à se braquer et à frauder !!

Leurs  effets abusifs  sont  les suivants selon les cas :

Soit cet argent est consommé avant le décès, et sa taxation aux droits de mutation par décès  n’a alors plus lieu d’être. Le résultat est donc une taxation à leur place, dans la limite du capital décès dû,  de la  fraction produits officiellement exonérée qui y subsiste, ceci après qu’elle ait  subi régulièrement ( cette fois)  des prélèvements sociaux en cette qualité de produits  (Depuis le 1er janvier 2010, le décès en est un fait générateur).

Soit il ne l’est pas parce qu’il a été réinvesti dans une autre forme de placement ( financier ou immobilier). Il  servira alors  deux fois d’assiette aux droits de succession,  une première  fois régulièrement dans le cadre du droit commun  pour les montants réinvestis sans prélèvements sociaux, une seconde fois  fictivement, et donc indûment, à hauteur des primes remboursées non déduites  du capital décès dû.

Bref, en affirmant que l’article 757 B est constitutionnel, le Conseil éponyme ne répond pas à la question posée par mon client. Il l’élude.

Le message subliminal envoyé par nos prétendus sages marque donc un tournant dans une jurisprudence dudit Conseil qui avait évolué très favorablement en matière fiscale ces dernières années sous la présidence de Jean-Louis Debré. ( je vous recommande de lire le passage qu’il consacre à la fiscalité dans « Ce que je ne pouvais pas dire »)

Dans le domaine que j’ai étudié, cela a été le cas notamment lorsqu’il a censuré la taxation à l’IRPP des plus values latentes de l’assurance–vie dont un contribuable ne dispose pas ( Décisions 2012- 662 DC du 29 décembre 2012 et 2013-684 DC du 29 décembre 2013). D’une manière plus générale, pour les sommes faisant l’objet d’une contestation, cela a aussi été le cas lorsqu’il a décidé de faire obligation au juge de l’impôt d’en rechercher la qualification juridique (Décision 2013-340 QPC du 23 septembre 2013. Considérant N°6).

Comme vous le voyez, sur ces deux points, les membres du conseil constitutionnel ont perdu la mémoire de leur décisions précitées. Ce message est le suivant : Bercy est à nouveau largement au-dessus de la loi lorsqu’il sait compliquer les choses.

Bien cordialement,
François Nocaudie

PS : En fait l’argument invoqué par le cabinet du Premier Ministre pour le compte de Bercy devant le Conseil constitutionnel, est celui qui avait était avancé dans les travaux préparatoires de la loi de finances pour 1992. Il n’aurait rien de paradoxal si l’article 757 B était interprété correctement par ses textes d’application.

Le comble dans l’histoire, est que les seuls bénéficiaires qui profitent de l’article 757 B sont ceux des assurés qui n’ont pas eu besoin de retirer de l’argent de leur contrat en fin de vie, donc des plus aisés !

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