Retour sur la sanction record de 14 millions d’euros infligée à deux golden boys coupables d’un délit d’initié à 6 millions d’euros réalisé sur l’action Géodis en exploitant une information privilégiée de la banque UBS.
Deontofi.com avait relaté l’audience de la Commission des sanctions de l’AMF du 20 septembre 2013 examinant l’affaire de deux cousins golden boys, Charles Rosier et Joseph Raad, accusés de recel d’information privilégiée pour l’un et de délit d’initié pour l’autre.
L’affaire était particulièrement pathétique. D’abord les deux golden boys avaient fait preuve du plus grand mépris pour l’intégrité des marchés financiers dans leurs agissements. Le premier, travaillant pour la banque d’affaires UBS, avait communiqué à son cousin, trader dans une banque libanaise, un bon tuyau pour spéculer sans risque et gagner des millions d’euros sur le dos des autres investisseurs ignorants de la valeur des actions qu’il vendaient dans l’attente d’une offre publique d’achat. Ces comportements sont toujours affligeants de la part de professionnels de la finance car ils montrent à quel point ils n’ont eux-mêmes aucune confiance dans les conseils avisés et prévisions savantes qu’ils distillent à leurs clients. Comment faire confiance à des professionnels de la finance qui estiment eux-mêmes que pour gagner, il faut simplement tricher ?
Ensuite, les accusés avaient aussi donné du fil à retordre aux enquêteurs et à la Commission des sanctions elle-même, donnant des explications confuses, changeant parfois de version, s’inventant de derniers alibis complètement bidons en dernière minute pour retarder la procédure, bref en multipliant les mensonges éhontés pour tenter d’échapper à la sanction d’une infraction qu’ils avaient voulu cacher par l’utilisation de produits financiers dérivés complexes, les CFD (contract for difference).
Le collège de l’AMF réclamait 20 millions d’euros d’amende pour le délit d’initié de Joseph Raad et 1,5 million d’euros d’amende pour le recel d’information privilégiée de son cousin Charles Rosier.
Dans sa décision du 18 octobre 2013, la Commission des sanctions s’est montrée plus mesurée, infligeant néanmoins une amende de 14 millions d’euros au coupable du délit d’initié, un montant encore jamais vu en France pour ce type d’infraction, et 400 000 euros d’amende pour punir le banquier de l’UBS de s’être rendu complice de ce délit en transmettant à son cousin l’information privilégiée obtenue par son travail. L’Autorité des marchés financiers a publié un communiqué le 24 octobre 2013 pour donner plus de visibilité à cette décision qui va dans le sens des pistes présentées lors du colloque de la Commission des sanctions du 3 octobre 2013, en vue de renforcer l’efficacité des sanctions financières. Lire notre article « La commission des sanctions s’attaque à la récidive« .
En dix ans d’existence, de 2003 à 2013, la Commission des sanctions avait jusqu’alors infligé 460 sanctions pécuniaires, allant de 1 euro à 8 millions d’euros. Le plafond des sanctions de l’AMF avait été relevé récemment par la Loi de régulation bancaire et financière (LRBF) du 22 octobre 2010. Par rapport aux plafonds précédents, les amendes maximum ont été multipliées par dix, avec un décuplement de 10 à 100 millions d’euros pour les sociétés relevant du contrôle de l’AMF, et de 1,5 à 15 millions d’euros pour les personnes physiques. Au regard de cet historique, l’amende record de l’AMF pour ce délit d’initié montre une volonté d’améliorer la crédibilité du gendarme de la Bourse face aux tricheurs des marchés.