Après l’assurance-vie, l’ampleur des contrats d’épargne retraite non réclamés suscite une proposition de loi. (photo © GPouzin)

Après le scandale de l’assurance-vie en déshérence, celui de l’épargne retraite en déshérence a fait moins de bruit. Pourtant, le phénomène est le même, et il est tout aussi crucial pour les épargnants concernés.

Daniel Labaronne, député En marche d’Indre-et-Loire et membre du Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF), a présenté une proposition de loi pour lutter contre la déshérence des contrats épargne-retraite supplémentaire, le 17 juin à la commission des finances de l’Assemblée

« Je me réjouis de l’accueil de la commission sur cette proposition de loi. Nous devons mieux informer les actifs et les retraités sur ces contrats pour redonner du pouvoir d’achat aux bénéficiaires. L’enjeu est de taille puisque la Cour des Comptes a estimé à plus de 13 milliards d’euros de contrats d’épargne retraite supplémentaire non réclamés par leur bénéficiaire ayant passé l’âge de 62 ans », explique Daniel Labaronne, par ailleurs docteur en économie et maître de conférence à l’Université de Bordeaux.

Le problème n’est pas nouveau. Après un long débat autour du scandale des contrats d’assurance-vie en déshérence, on estimait encore le montant des capitaux non distribués aux assurés à 5,7 milliards d’euros fin 2015, selon une étude de l’ACPR.

Attention à la prescription trentenaire !

Rappelons qu’il y a depuis toujours (article 2262 du Code civil de 1804) une prescription trentenaire. Si on oublie un compte sans rien faire pendant trente ans il est transféré à l’Etat. « Après 30 ans d’inactivité et sans manifestation du bénéficiaire, l’argent est définitivement reversé à l’État. Il n’est alors plus possible d’en demander la restitution », insiste la CDC sur son site.

Avec la loi du 13 juin 2014 sur les comptes bancaires inactifs et les contrats d’assurance vie en déshérence, dite Loi Eckert, entrée en vigueur depuis janvier 2016, les banques ont l’obligation de prévenir les clients de comptes inactifs depuis un an qu’ils seront transférés à la CDC au bout de 10 ans, où ils resteront disponible encore 20 ans.

Avant cette loi, sur un échantillon de sept banques, la Cour des comptes avait identifié près de deux millions de comptes inactifs (1,8 million pour être exact), représentant au minimum 1,6 milliard d’euros. Tandis que les capitaux sur des contrats d’assurance vie non versés aux bénéficiaires, dits « en déshérence » dépassait 1,5 milliard.

Au lieu de les garder, les banques et assureurs ont désormais l’obligation de confier cet argent à la CDC s’ils n’ont pas de nouvelles de leurs clients. Fin janvier 2017, Bercy annonçait que le dispositif mis en place a permis à la Caisse des dépôts (CDC) de faire rendre par les banques et les assureurs 3,7 milliards d’euros pour accélérer leur restitution aux clients.

Ces 3,7 milliards dormaient sur des comptes et livrets (1,9 milliard d’euros), sur des plans d’épargne entreprise (938 millions) ou sur des assurances-vie non versées à leurs bénéficiaires (843 millions), la Caisse des dépôts a créé un guichet de réclamation unique, sous forme d’un site web dédié à la récupération de comptes et contrats d’assurance vie dormants ou non réclamés, baptisé Ciclade.

L’épargne retraite aussi en déshérence

La nouvelle proposition de loi veut étendre le dispositif de recherche des bénéficiaires aux contrats d’épargne-retraite d’entreprise.

 » La problématique des contrats en déshérence actuellement en stock reste intacte », rappelle l’exposé des motifs de cette proposition de loi. Le rapport de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) remis au Parlement le 24 mai 2018 et le rapport annuel de la Cour des comptes de 2019 mettent en lumière un stock de contrats de retraite supplémentaire à adhésion obligatoire ou facultative non liquidés passé l’âge de 62 ans de 13,3 milliards d’euros. Le rapport de l’ACPR alerte sur un phénomène de déshérence qui s’accélère avec une augmentation du stock des contrats non liquidés s’accentuant avec l’ancienneté des contrats.

Jusqu’à 90% de NPAI chez les plus de 70 ans !

L’une des causes principales vient de l’identification des assurés et de leurs ayants droits : le chiffre de plis non distribués (mention « N’habite pas à l’adresse indiquée », ou NPAI) peut atteindre 90 % pour certains organismes pour les assurés de plus de 70 ans. Le problème est particulièrement important sur les contrats collectifs à adhésion obligatoire de type article 43, qui sont souscrits non pas par les particuliers mais directement par les entreprises et dont les bénéficiaires ne connaissent pas toujours l’existence.

Mise à jour 23 juin 2020: La proposition de loi pour lutter contre la déshérence des contrats épargne-retraite supplémentaire déposée par Daniel Labaronne, député En marche d’Indre-et-Loire, a été adoptée ce lundi 22 juin.

Pour Daniel Labaronne : « Je me réjouis du vote par l’Assemblée Nationale de ma proposition de loi qui va permettre aux retraités d’être informés des contrats dont ils sont bénéficiaires sans le savoir et, surtout, de récupérer les sommes qui leur sont dues. Demain, sur le site Info retraite, les citoyens sauront s’ils sont bénéficiaires d’un contrat de retraite supplémentaire. C’est une question de pouvoir d’achat non négligeable, d’autant plus dans le contexte actuel. ».

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