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Les fonds vautours ne pourront plus prendre en otage les plans de sauvetages des pays surendettés pour les rançonner, en vertu de la Loi Sapin 2. (photo © GPouzin)

Deontofi.com avait mis un coup de projecteur sur les pratiques contestables des fonds vautours pour s’enrichir en jouant les trouble-fête dans les plans de renflouement de pays surendettés, à l’occasion d’un litige ayant défrayé la chronique ces dernières années entre des fonds vautours et autres créanciers de l’Argentine (relire ici notre article du 14/8/2014), évoquant aussi le cas historique de rééchelonnement de la dette grecque.

Au détour du débat sur le projet de loi « RELATIF À LA TRANSPARENCE, À LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION ET À LA MODERNISATION DE LA VIE ÉCONOMIQUE », dite Loi Sapin 2, des députés pourfendeurs de la spéculation ont obtenu l’adoption d’un amendement anti fonds vautours, avec la bénédiction de Bercy qui mérite d’être soulignée.

Deontofi.com public ci-dessous des extraits du débat au sujet de ces mesures anti-rapaces :

Des députés soutenus par Bercy défendent l’amendement anti fonds vautours dans la Loi Sapin 2

Après l’article 24. le président. Je suis saisi d’un amendement, n1405, portant article additionnel après l’article 24 et qui fait l’objet de plusieurs sous-amendements.

La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement.

Dominique Potier, rapporteur pour avis. Cet amendement porte sur les fonds vautours, qu’il convient de bien dissocier, et pas seulement symboliquement, de la protection au titre de l’immunité des biens diplomatiques. Il s’agit, comme l’ont fait la Grande-Bretagne en 2010 et la Belgique en juillet dernier, de mettre fin aux pratiques de ces fonds procéduriers qui rachètent à vil prix les dettes des États en situation de défaut de paiement aussi bien sur le marché obligataire que dans des opérations de gré à gré, épuisant ainsi les ressources du pays en confisquant ses biens publics, ses ressources – par exemple, le produit des impôts payés par une société française ou même l’accaparement du remboursement des dettes organisé par les créanciers – mais également en captant l’aide publique au développement. Ils épuisent donc un État déjà en situation de fragilité et, par ailleurs, empêchent la restructuration de la dette, souvent la seule sortie de secours.

La solution que nous proposons s’inspire de celle adoptée par les deux États que j’ai cités, mais elle est innovante en ce qu’elle a été bâtie, je le souligne, par la Plate-forme Dette et Développement, véritable plate-forme de combat d’ONG, et notre attention sur ce dossier, très sensible, aiguisée par des avocats et autres juristes passionnés par cette lutte pour la justice et qui militent aux côtés de l’association Sherpa. Je salue la belle collaboration que nous avons eue avec ces ONG et le dialogue de très grande qualité avec Bercy, le ministre Michel Sapin à qui j’en avais parlé il y a quelques mois, puisque c’est un sujet que je suis depuis plus d’un an, m’ayant immédiatement donné son accord pour que ce qui devait être une proposition de loi trouve sa place dans ce texte sous forme d’amendement. Je salue aussi la collaboration de Sandrine Mazetier et celle de tous les collègues qui se sont pris de passion pour ce combat au nom de la justice internationale.

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« T’as vu ta dette ? T’as vu mon bec ! ». L’amendement anti fonds vautours, adopté dans la Loi Sapin 2, rogne sacrément les ailes des charognards de la finance. (photo © GPouzin)

Les mesures proposées sont conservatoires, fixées à quarante-huit mois dès que la situation de défaut est établie, pouvant être prolongées, en cas de mauvaise volonté manifeste, à soixante-douze mois ; surtout, innovation française, dès lors qu’au moins deux tiers des créanciers s’organisent pour mettre en œuvre une restructuration de la dette, leur solution collective s’imposera aux fonds vautours, mettant ainsi fin à leurs pratiques rapaces. C’est un combat qui a aussi une portée symbolique parce qu’il s’inscrit dans la condamnation des fonds non coopératifs, fonds chez lesquels nous retrouvons les mêmes pratiques, révélées dans les Panama Papers, soit la même engeance qui nuit à la bonne santé de l’économie mondiale.

Je propose en outre la rectification suivante : substituer, au II.-1o, les mots : « saisie-attribution », aux mots : « mesure d’exécution forcée ».

Le président. Je suis saisi de deux sous-amendements, nos 1567 et 1568, pouvant faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Éric Alauzet, pour les soutenir.M. Éric Alauzet. Le sous-amendement no 1567 vise à faciliter l’activation du dispositif de renégociation de la dette qui vient d’être présenté en abaissant le seuil requis de participation à 66 % des créanciers, quel que soit le seuil antérieurement requis par contrat.

Le sous-amendement no 1568 vise à imposer au créancier de verser aux débats les documents par lesquels il a acquis ses droits contre l’État étranger afin de permettre au juge d’apprécier s’il s’agit d’un fonds vautour et de mesurer le gain qu’il recherche.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Favorable aux deux sous-amendements et à l’amendement, qui a vraiment une grande portée et comporte de très bonnes dispositions.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Je remercie M. Alauzet pour avoir déposé ces sous-amendements et précise que l’amendement est le fruit de la volonté, largement partagée, de lutter contre les fonds vautours dont les pays bénéficiant de l’aide au développement peuvent être victimes.

Je rappelle que la suppression par la commission de l’article 24 n’était pas faite pour protéger Ioukos [NDLR, compagnie pétrolière russe dont l’ex-PDG Mikhaïl Khodorkovsky a été épuré par le Kremlin], même si j’ai vu que les ennemis de M. Poutine pouvaient se mobiliser en séance, même à une heure tardive, mais pour prendre en compte certaines situations : Je pense aux personnes concernées par une décision de la première chambre civile de la Cour de cassation du 25 mai 2016, portant sur une décision d’un conseil de prud’hommes qui avait condamné la Banque des États de l’Afrique Centrale à payer à l’un de ses anciens salariés une certaine somme à titre de rappel de salaires et de dommages-intérêts. Cet ancien salarié a alors fait pratiquer en France une saisie-attribution sur un compte bancaire de cette organisation internationale qui a demandé ensuite la main levée de la mesure en se prévalant de son immunité d’exécution. Certains ayant présenté la suppression de l’article 24 comme une initiative des amis de Ioukos, je tenais à dissiper ce malentendu et à dire qu’il s’agissait bien de protéger des victimes dans leur droit à voir la chose jugée exécutée.

(Les sous-amendements nos 1567 et 1568, acceptés par la commission et successivement mis aux voix, sont adoptés.)

(L’amendement n1405, sous-amendé, tel qu’il vient d’être rectifié, est adopté.)

Les éléments ci-dessus sont extraits de la retranscription des débats ayant eu lieu à l’Assemblée nationale le 2 juin 2016 à l’occasion de l’examen et adoption de l’amendement contre les fonds vautours inclus dans le projet de loi RELATIF À LA TRANSPARENCE, À LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION ET À LA MODERNISATION DE LA VIE ÉCONOMIQUE – (N° 3785), disponible ici.

Pour en savoir plus, consultez ici le dossier législatif complet de la Loi Sapin II relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

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