A intervalle régulier, les effondrementalistes sont de bien mauvais conseil pour vous abriter de l’adversité. Illustration: Waiting For The Word / Flickr

On la voit venir. Une grave crise financière se profile et pourrait bientôt éclater. Oui, il y en a tout le temps. Le plongeon des marchés depuis l’été a servi de piqûre de rappel. Au plus bas la veille de Noël 2018, l’indice CAC 40 de la Bourse de Paris plongeait de 18% par rapport à son pic du mois de mai. Tandis qu’à Wall Street, avec 9% de baisse sur le dernier mois de l’année, l’indice S&P 500 des valeurs américaines vivait en 2018, son pire mois de décembre depuis 1931 !

Dix ans après la crise bancaire de 2008 on a eu bien d’autres alertes, avec des trous d’air vertigineux. De février à août 2011, l’indice CAC 40 avait perdu 31% lors de la crise de l’euro. Et d’avril 2015 à février 2016, il avait encore replongé de 26% avec la chute du pétrole.

Mais cette fois ce serait pire. Un massacre économique et financier, voire le chaos social. Au point que l’inquiétude se propage comme une trainée de poudre sur Internet et dans les médias. « Êtes-vous prêt pour la crise financière de 2019 ? » interrogeait le New York Times dès le 10 décembre, en listant cinq sources de préoccupation majeures. A la question « Craignez-vous une nouvelle crise financière en 2019 ? », 76% de ses lecteurs répondaient oui, révélait Le Figaro le 5 janvier. « Vers une nouvelle crise financière ? 10 raisons de s’alarmer » rajoutait L’Obs dix jours plus tard. Le ton est donné.

Les sources d’inquiétudes sont réelles. Du Brexit à la guerre commerciale Sino-Trumpiste, en passant par la bulle du crédit américain, la hausse des taux d’intérêt de la réserve fédérale, le ralentissement économique en Chine, les craquements de la zone euro et fragilités de l’Italie, les raisons de craindre une nouvelle crise abondent, pour n’en citer que quelques unes.

Les professionnels en tiennent compte dans leurs anticipations pour 2019. Autour d’un scénario central de croissance satisfaisante, auquel elle attribue 50% de probabilités, la société de gestion CPR AM retient deux scénarios de risque. Dans le premier, estimé à 35% de probabilités, « les risques géopolitiques et les craintes d’un ralentissement plus marqué entraînent une baisse de confiance des investisseurs financiers qui atteint la confiance des industriels et aggrave la perte de confiance générale », explique Laetitia Baldeschi, responsable des études et de la stratégie de CPR AM. Dans le second, à 15% de probabilités selon CPR AM, les tensions politiques dues au « hard Brexit » et au dérapage italien raviveraient la crise de l’euro, avec ses inquiétudes budgétaires et politiques. Dans ces deux cas, les marchés boursiers pourraient perdre 7 à 10% en moyenne sur l’ensemble de l’année 2019.

On peut se prémunir de telles crises, voire en profiter en achetant par exemple des fonds « bear », l’ours, en anglais, désignant un marché baissier dans le jargon boursier. Ces fonds visent une performance inverse de celle du CAC 40 : ils ont gagné près de 20% en moyenne en 2018, selon la base de données Quantalys. Mais attention, car ils chutent quand la Bourse monte. Leurs pertes approchent 80% en moyenne depuis 2012. Alors faut-il croire aux prédictions de crise, au point de perdre ses économies si elle ne survient pas ?

C’est la première question à se poser face aux pronostics des catastrophistes et autres effondrementalistes. Sans tomber dans un optimisme béat, on doit admettre que la collapsologie, ou l’annonce de l’effondrement des civilisations, n’est pas une science, mais une tradition cathartique remontant à la nuit des temps. Qu’il s’agisse de l’Apocalypse dans la Bible, de la fin du monde prévue par les Mayas, Paco Rabanne et tant d’autres prophéties, l’effondrementalisme est un phénomène intemporel qui a plus de prise sur l’opinion en période de doutes et de troubles, quand on est plus réceptif aux prédictions les plus sombres.

Pire, le catastrophisme est souvent un outil de marketing pour manipuler des personnes vulnérabilisées par leur anxiété. En saisissant « Mon argent est-il en sécurité à la banque ? » dans un moteur de recherche, on tombe ainsi d’emblée sur un site financier répondant « Non, votre argent n’est pas en sécurité à la banque ». Après un discours « pseudo-savant » sur l’écroulement des banques, on y lit « le risque est simple, tout perdre », suivi des conseils : « fuyez, les actions, les fonds en euros, les dettes, les SCPI, les liquidités en banque, les PEL, CEL et autres ». Tout ça pour attirer des clients vers d’autres placements (l’or, l’immobilier à « haut rendement », les devises sur des comptes à l’étranger prétendument plus sûrs…) dont l’histoire a montré qu’ils ne protégeaient en rien des catastrophes, surtout quand elles n’arrivaient pas.

L’industrie des escroqueries sur Internet capitalise elle aussi sur la peur de ses proies, pour les attirer dans des arnaques au trading, Bitcoin, diamants et autres placements bidon qui ont déjà fait des millions de victimes en France, plumées ou ruinées pour avoir cru que leur argent serait « plus en sécurité » ailleurs. La peur fait vendre, mais elle est souvent mauvaise conseillère.

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