Comment fonctionne le conseil financier en France ? Quelle prestation ? Quels frais ? Qu’est-ce qu’un conseil en gestion de patrimoine de qualité ? Comment reconnaître et vérifier ces qualités ? Où trouver de bons professionnels du conseil en investissements financiers ?
En France comme dans bien des pays, le conseil en investissements financiers est rémunéré par les frais prélevés avec plus ou moins d’opacité sur les placements vendus aux épargnants. Dans les banques, par exemple, on a en réalité très peu de conseil et beaucoup de vente, puisque les conseillers sont recrutés comme commerciaux. Ils ont toutes sortes d’objectifs de vente, parfois absurdes et dénoncée par la justice comme « incitation pernicieuse à contourner la réglementation pour faire du chiffre » (Lire la condamnation de l’Ecureuil ici https://deontofi.com/deontologie-financiere-et-sante-au-travail-une-emulation-interdite-aux-caisses-depargne/ )
D’un autre côté, les cumuls de frais prélevés chaque année sur les placements vendus sont plutôt élevés, en proportion de l’épargne, et assez opaques puisqu’ils ne figurent pas dans le récapitulatif annuel des frais bancaires.
Ce système, qu’on retrouve aussi dans les réseaux salariés des assureurs et des banques, représente environ 85% de la distribution de placements financiers en France, que ce soit en Sicav, fonds d’investissements, ou assurance vie multisupports. Les 15% restants étant répartis entre environ 10% de conseillers en gestion de patrimoine indépendants (CGP), exerçant l’activité de CIF (conseil en investissement financier), et 5% de distribution directe, notamment sur Internet avec les courtiers en ligne et banques en ligne.
– Quels critères pour un bon conseil financier ?
Il est bien difficile de déterminer ce qu’est un bon conseil financier dans l’absolu, car cela dépend évidemment de la situation et des objectifs de chacun, mais aussi de mille autres nuances liées aux sensibilités de chacun, et aux subtilités qui nuancent leur situation. En résumé le conseil est plus un art qu’une science, où les robots et leur « intelligence artificielle » n’ont pas encore prouvé leur pertinence.
On dispose en revanche de critères objectifs assez clairs pour déterminer si un conseil en investissements financiers répond à certains standards de qualité. Il y a d’abord la compétence du conseiller (diplôme, formation initiale et continue, expérience…), ensuite la démarche, la méthode et le cadre juridique du conseil.
Un bon conseil doit être approprié et adapté à la situation et la demande du client (propositions cohérentes et argumentées). Pour cela, il existe une norme de qualité du conseil en gestion de patrimoine, la norme ISO 22 222, qui formalise le travail de CGP en six étapes.
- La collecte des informations sur la situation personnelle du client
Elle comporte des informations légales (identité, etc.) et sur la situation personnelle du client (financière, familiale, professionnelle…) pour déterminer ses capacités et besoins réels.
- La lettre de mission établissant la relation entre le client et son conseiller
C’est une sorte de devis, signé par le client, qui indique la nature des prestations, leur étendue, leur rémunération et ses modalités d’information.
- L’analyse du bilan patrimonial et l’évaluation des besoins du client
Cette analyse répertorie les actifs du client selon plusieurs critères (niveau de risque, disponibilité, fiscalité, etc.), ses dépenses, ses revenus, ses dettes et leur évolution, et ses projets futurs.
- Le projet de gestion patrimoniale avec ses préconisations d’investissement
Ce projet met en cohérence le patrimoine du client avec ses objectifs en tenant compte de sa situation personnelle. Il doit justifier les préconisations d’investissement facilitant l’atteinte des objectifs financiers du client.
- La mise en oeuvre des préconisations du conseiller validées par le client
Le conseiller ne doit pas effectuer d’opérations avant leur validation par le client, surtout dans les banques.
- Le suivi régulier des conseils et leur actualisation en fonction des évolutions
Pour que les préconisations restent pertinentes sur la durée de la mission de conseil, elles doivent être actualisées en tenant compte des évolutions de la conjoncture et de la vie du client.
– Où trouver des conseillers de qualité ?
Revenons sur le cadre juridique. Il faut faire attention sur ce point à bien distinguer les vrais et faux conseillers en gestion de patrimoine. Cette profession n’est pas réglementée, si bien que n’importe qui peut se revendiquer CGP pour vendre les pires escroqueries en diamants et fausses émeraudes, ou en lettres et manuscrits ou autres placements bidon (éoliennes, panneaux solaires, trading forex, etc.).
Parmi les CGP il faut privilégier ceux ayant un agrément de conseillers en investissements financiers (CIF). L’Autorité des marchés financiers (AMF) recense environ 4000 CIF exerçant le métier de CGP en France, qui sont obligatoirement adhérents d’une association agrée, comme La Compagnie des CGPI, regroupant un peu plus de 10% de ces conseillers agréés.
A l’occasion de l’assemblée générale de cette Compagnie des CGPI, le 10 mars 2017, Jean-Pierre Rondeau, qui fut longtemps président de cette association, a rappelé certains principes très instructifs pour les épargnants.
D’abord il a expliqué que la Compagnie des CGPI était la seule association de ce type refusant les subventions de fournisseurs de placements, conformément aux principes déontologiques prévus dans la loi sur les CIF de 2003, pour éviter les conflits d’intérêts et favoritismes des banques ou assureurs. Ensuite qu’elle n’acceptait que les adhérents strictement CGP, pour éviter le mélange des genres. Enfin cette association contrôle ses membres, tous les quatre ans en moyenne, assez strictement puisque Jean-Pierre Rondeau a expliqué que certains préféraient démissionner pour changer d’association à l’approche d’un contrôle annoncé. « Chez nous on n’entre pas facilement mais on sort rapidement, s’il y a un problème, ou que le CGP n’est pas en mesure de présenter les documents demandés, lors d’un contrôle ou du renouvellement de son adhésion », a expliqué Jean-Pierre Rondeau.
Jean-Pierre Rondeau a toujours été en première ligne, avec la Compagnie des CGPI, pour dénoncer les arnaques et dissuader ses confrères d’y entraîner leurs clients, comme dans l’affaire de l’escroquerie aux placements bidon en lettres et manuscrits d’Aristophil, où il avait même témoigné pour défendre notre confrère Que Choisir abusivement poursuivi en diffamation par le cerveau de cette arnaque, Gérard Lhéritier.
Il y a aussi bien sûr des conseillers en gestion de patrimoine très respectables dans d’autres associations, par exemple à la Chambre nationale des CGP (ex-CIP, Chambre des indépendants du patrimoine), comme on l’a vu avec son président Benoist Lombard, qui avait mis en garde ses adhérents au sujet de l’arnaque Dom Tom Défiscalisation, et leur avait même formellement demandé d’arrêter toute collecte pour ce montage photovoltaïque douteux aux Antilles. Face aux dérives de certains cabinets, cette association n’avait pas hésité à exclure les plus ardents promoteurs de Dom Tom Défiscalisation qui s’est révélée la plus grosse escroquerie d’investissement aux énergies renouvelables.
Ce n’est peut-être pas assez fréquent, ni toujours très flagrant, mais oui, il existe bien des conseillers en investissements financiers préoccupés par la défense des intérêts de leurs clients. Cela mérite d’autant plus d’être rappelé et souligné qu’il est très difficile, pour des professionnels des placements, de critiquer ouvertement des placements qui ne leur semblent pas dignes de confiance, sans s’exposer à toutes sortes de pressions, poursuites et représailles allant jusqu’à des procès abusifs.