Au-delà de l’expertise mathématique, les bonnes statistiques relèvent d’abord d’une bonne gouvernance, pour coller au mieux aux choix et attentes de la société, autant que pour veiller à l’indépendance des calculs vis-à-vis des tentations du pouvoir.
En France, le pilotage et l’indépendance des statistiques publiques font l’objet d’un double contrôle citoyen, à travers le Conseil national de l’information statistique, le Cnis, et l’Autorité de la statistique publique, ASP.
Le Cnis est une autorité administrative indépendante (AAI) à laquelle siège la CFTC. Le bureau du Cnis, organe de concertation et de décision de 17 membres, réunit les cinq syndicats représentatifs (CFTC, CGT, CFDT, FO, CGC) au côté des représentants d’institutions civiles comme le Medef, la CGPME, les chambres de commerces et les chambres des métiers et d’artisanat, la communauté des chercheurs scientifiques ou la Fédération française des société d’assurance, ainsi que les grands producteurs de statistiques publiques, Insee en tête, ministère de l’environnement (équipement, construction…), Banque de France, etc.
Ces dernières années, la CFTC a participé au sein du Cnis à des débats, travaux et décisions pour améliorer l’information statistique de nos concitoyens dans les domaines les plus variés. La transparence du marché immobilier sera par exemple améliorée par une obligation renforcée pour les notaires de mieux partager les données collectées à chaque vente. D’autres travaux visent à mieux comprendre et mesurer la performance énergétique des logements ainsi que la précarité énergétique de certains habitants ou encore l’ampleur des nuisances sonores.
Dans le domaine social, le Cnis a participé à la refonte de l’enquête emploi de l’Insee, pour l’étendre à l’ensemble du territoire français, en particulier les DOM. Il s’implique aussi dans les progrès à faire pour publier chaque mois le taux de chômage selon les critères du Bureau international du travail (BIT, instance de l’ONU) à la place de l’estimation de cette mesure réalisée actuellement par l’organisme de statistiques européen Eurostat.
Dans les matières économiques et financières, le Cnis a organisé en 2013 un colloque autour des questions et enjeux liés à la compétitivité, dont il a été montré que les mesures et comparaisons sont souvent imparfaites et manipulées par des déclarations à l’emporte pièce. Le Cnis contribue aussi à faire avancer les réflexions pour mieux analyser les activités bancaires par ligne de métier, afin d’atténuer les risques de crise bancaire systémique.
Bien sûr, beaucoup reste à faire. La CFTC milite ainsi pour que le Cnis œuvre à une meilleure mesure des risques psychosociaux et de leur lien avec les situations professionnelles. L’enjeu d’avoir une connaissance statistique des risques psychosociaux liés au travail, notamment à travers un suivi et une analyse plus fine des arrêts maladie, serait de mieux prendre en compte la responsabilité des employeurs dans ce domaine, notamment au regard de leur contribution proportionnelle à la branche accidents du travail de la sécurité sociale. De même, le Cnis devrait aussi œuvrer à une meilleure connaissance statistique des inégalités, afin d’étudier leur lien avec la croissance économique et les critères de développement durable et de bien être de la population, dans le sillage du rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi sur la mesure des performances économiques et du progrès social. Un enjeu cher à la CFTC, en ligne avec sa conception d’un syndicalisme de construction sociale visant à replacer l’humain et le respect de la dignité humaine au centre des choix économiques de notre société.