Aristophil contre-attaque. Alors que l’instruction suit son cours, l’empereur des placements bidons en lettres et manuscrits prépare sa défense. Outre un livre mensonger dénonçant un prétendu complot médiatico-judiciaire, décrypté ici par les avocats des épargnants, les conseillers en gestion de patrimoine signalent une avalanche de propagande visant à blanchir le cerveau de la plus grande arnaque aux placements des années 2000 (lire ici : Toute la saga Aristophil sur Deontofi.com). Attention, cette intox vise à priver les victimes de leurs droits : il est urgent d’attaquer les banques responsables. Il ne reste que quelques semaines avant la prescription !
On connaît la méthode : plus les informations révélées par les médias dérangent, plus les auteurs des pratiques douteuses exposées au grand jour sont agressifs envers les journalistes. Le procès d’un compère d’Aristophil contre nos confrères de Canal+ mérite à ce titre d’être relaté dans ces colonnes, car il illustre autant les turpitudes des marchands d’esbroufe que la difficulté d’informer les consommateurs pour les protéger des aigrefins. On en sait quelque chose : des articles de Deontofi.com nous valent aussi des poursuites infondées d’énergumènes ne méritant pas d’être cités ici. En attendant, le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 17 septembre 2019 vaut le détour.
Un procès en diffamation lève le voile sur les coulisses de l’arnaque
Ce jugement est une jurisprudence utile pour comprendre en quoi le travail de journalisme peut déplaire sans pour autant relever d’un délit de diffamation, mais les débats qui se sont poursuivis jusque tard dans la nuit de cette audience interminable sont aussi une plongée incroyable dans les coulisses du système Aristophil, aidant à mieux comprendre le fonctionnement de cette escroquerie promue par des expertises et valorisations truquées.
L’histoire remonte à quelques mois après la chute d’Aristophil.
Dans son émission « Spécial investigation » du 25 avril 2016, Canal+ diffusait pour la première fois un reportage intitulé « ARISTOPHIL, à la recherche des manuscrits perdus », qui n’a pas plu du tout aux chantres des lettres et manuscrits. Ce documentaire d’une heure, réalisé par le journaliste Donatien Lemaître, décortiquait en détail les coulisses de la plus grande escroquerie diffusée en France dans la décennie 2000, ou comment des bobards avaient permis à d’habiles margoulins d’escamoter plus d’un milliard d’euros d’épargne auprès de 18 000 épargnants.
Un expert acolyte d’Aristophil, mis en cause dans le reportage et mis en examen pour sa participation à ce château de cartes, avait alors poursuivi en diffamation le directeur de la chaîne, Maxime Saada, le journaliste ayant réalisé le documentaire, Donatien Lemaître, et un expert interrogé dans son film, Frédéric Castaing.
Alors que le cerveau d’Aristophil, Gérard Lhéritier, avait été « mis en examen le 15 mars 2015 pour des faits qualifiés d’escroquerie en bande organisée », selon le jugement, Jean-Claude Vrain, un expert ayant travaillé pour Aristophil, estimait « qu’il était gravement mis en cause dans le reportage ».
Expertises de complaisance
Il faut dire que le reportage expliquait comment cet expert se serait livré à « des expertises de complaisance surévaluant les oeuvres et contribuant de la sorte à flouer les épargnants dont les investissements étaient adossés à ces oeuvres, à des fins personnelles (…) la contrepartie de sa complaisance d’expert résiderait dans l’achat massif de livres vendus par Jean-Claude Vrain à la société Aristophil », lit-on dans le jugement.
Dépité, l’expert acolyte d’Aristophil criait à la calomnie, expliquant qu’il restait présumé innocent malgré sa propre mise en examen dans ce scandale des lettres et manuscrits, et qu’il serait bien injuste d’accorder un quelconque crédit aux PV de police le concernant.
Le journaliste et le directeur de la chaîne plaidaient pour leur part que les informations diffusées n’étaient pas diffamatoires, qu’ils avaient des éléments de preuve sérieux de la compromission de l’expert, surtout qu’ils étaient de bonne foi et que leur travail de journalisme devait être protégé « par application de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, au vu de l’intérêt général du sujet et de la base factuelle dont ils disposaient ».
Sur ces préambules, le tribunal rappelle déjà ce qui est considéré comme diffamatoire par la Loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881.
Qu’est-ce qu’une diffamation ?
« L’article 29, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 définit la diffamation comme “toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé” ; il doit s’agir d’un fait précis, susceptible de faire l’objet d’un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité, ce qui distingue ainsi la diffamation, d’une part, de l’injure -caractérisée, selon le deuxième alinéa de l’article 29, par “toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait”- et, d’autre part, de l’expression d’une opinion ou d’un jugement de valeur, autorisée par le libre droit de critique, celui-ci ne cessant que devant des attaques personnelles.
L’honneur et la considération de la personne ne doivent pas s’apprécier selon les conceptions personnelles et subjectives de celle-ci, mais en fonction de critères objectifs et de la réprobation générale provoquée par l’allégation litigieuse, que le fait soit pénalement répréhensible ou manifestement contraire aux règles morales communément admises.
La diffamation, qui peut se présenter sous forme d’allusion ou d’insinuation, doit être appréciée en tenant compte des éléments intrinsèques et extrinsèques au support en cause, à savoir tant le contenu même des propos que du contexte dans lesquels ils s’inscrivent. »
Le jugement résume ensuite le contenu du documentaire « Aristophil, à la recherche des manuscrits perdus », diffusé par Canal+ dans son magazine « Spécial investigation » du 25 avril 2016 :
« – ce reportage met en perspective ce qui est présenté comme un « naufrage retentissant », « une escroquerie de grande ampleur », sur laquelle la justice enquête, reposant sur « la vente de manuscrits à une valeur déconnectée de la réalité », à partir de laquelle des épargnants vont investir (850 millions d’euros d’investissements) sur la base d’évaluations effectuées par de grands libraires jusqu’à l’éclatement de la bulle spéculative, en contrepartie de « rendements mirifiques » de 8% l’an, d’une part, avec le passé qualifié de « sulfureux » de Gérard LHERITIER, d’autre part avec la complaisance, la naïveté ou l’aveuglement, l’emballement ou le « laxisme » du Tout-Paris, de personnalités du monde des médias, du spectacle et de la politique ainsi qu’avec le traitement dont il paraîtrait avoir bénéficié de la part d’institutions telles que l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) ou le service de lutte contre le blanchiment de la Société Générale, au sein desquelles des alertes avaient sonné, allant de la part de l’AMF d’un communiqué en 2003 soulignant que l’appel public à l’épargne réalisé par la société ARISTOPHIL n’avait pas été autorisé, déclenchant une action en justice ayant abouti à sa relaxe en 2006 jusqu’à un signalement en décembre 2012 n’ayant pas prospéré pour des raisons laissées ouvertes ; »
Pas innocent dans l’arnaque aux timbres monégasques
Cet excellent reportage avait même l’audace de rappeler les embrouilles philatéliques du roi des lettres et manuscrits, ajoute le jugement : « il était en particulier rappelé au titre du passé de Gérard LHERITIER qu’il avait mis en place à Nice un système de placement financier dans les timbres de Monaco qui n’était pas sans rappeler le modèle qui lui est reproché actuellement par la justice pénale jusqu’au logo présentant des similitudes avec celui de la société ARISTOPHIL, fondé sur une surcotation des timbres et des plus-values réalisées sur la base d’évaluations d’experts, les épargnants étant assurés que les prix ne retomberaient pas jusqu’à la faillite de la société d’investissement philatélique et sa mise en examen en 1996 suivie de la déclaration de culpabilité de Gérard LHERITIER pour démarchage en 2007 et sa relaxe du chef d’escroquerie, alors qu’il était devenu le patron d’ARISTOPHIL ».
Jean-Claude Vrain, acolyte plaignant, est présenté ensuite comme « figure incontournable du marché des livres anciens et des manuscrits, par ailleurs régulièrement missionné par de grandes maisons de vente ou institutions publiques pour estimer ou authentifier des manuscrits précieux », il a « commencé à compter Gérard LHERTIER parmi la clientèle de sa librairie à compter de fin 2009 et a effectué pour son compte entre 2012 et 2014 dix neuf estimations, dont 14 qu’il indique avoir été destinées aux assurances de la société ARISTOPHIL (…), admettant avoir perçu des commissions en qualité d’apporteur d’affaires, à deux reprises seulement ».
On apprend aussi, si l’on pouvait en doutait, que « le titre d’expert en art n’est pas protégé par la loi et résulte essentiellement d’une forme de cooptation par les pairs » et bien sûr que « l’expertise d’une œuvre d’art, et particulièrement d’un manuscrit, qu’il s’agisse de son authentification ou de son estimation, repose sur des critères difficiles à cerner ». Autrement dit, les expertises peuvent être faites par n’importe qui n’importe comment.
Expert en art comme larron en foire !
Déjà qu’on est en droit de douter de l’indépendance et de la pertinence des fameuses « expertises indépendantes » pour estimer la valeur de sociétés cotées en Bourse, ou non cotées, on comprend bien que les expertises d’œuvres d’art n’engagent que ceux qui les croient.
Le problème est que le système d’Aristophil reposait précisément sur de telles expertises, décrites comme « LA NÉGATION MÊME DU MÉTIER D’EXPERT », comme on l’apprend dans ce jugement, à travers l’extrait du reportage racontant l’anecdote d’un manuscrit expertisé 1,1 million du tac-au-tac, par un échange de courriel, sans rien voir dudit manuscrit !
Hasard, ces expertises complaisantes ne tombent pas du ciel sans contrepartie. On apprend plus loin comment Aristophil s’était acquis les faveurs de son grand expert : il aurait bénéficié de ce que « la société ARISTOPHIL ne demandait pas que des estimations de prix à Jean-Claude VRAIN. A partir de 2009, elle achetait aussi au libraire des manuscrits, jusqu’à devenir son meilleur client », « résultat : le chiffre d’affaires de Jean-Claude VRAIN atteint un record en 2011, 23 millions d’euros. Énorme pour une si petite librairie », détaille le jugement, précisant que « cette participation à l’infraction d’escroquerie en bande organisée au terme d’un supposé échange de bons procédés constituant un fait précis portant atteinte à l’honneur et à la considération de Jean-Claude VRAIN ».
Les juges expliquent ensuite le lien entre les informations révélées par le reportage et leur qualification « diffamatoire » :
Cette mise en cause de l’indépendance de l’expert était soulignée par l’emploi d’une formulation opposant « théorie » et « réalité », précisant « en fait », « En théorie, les estimations de Jean-Claude VRAIN étaient donc faites en toute indépendance. Mais dans la réalité, le libraire ne semblait pas respecter les bonnes pratiques des experts de l’art », par le rapprochement entre la demande faite « le 6 décembre 2012, en fin d’après-midi… » et le fait que « le soir même, Jean-Claude VRAIN adresse son expertise de valeur », par la mention surtout selon laquelle : « Dans de nombreux cas, c’était en fait le patron d’ARISTOPHIL, Gérard LHERITIER, qui suggérait à Jean-Claude VRAIN les prix auxquels il voulait faire estimer ses manuscrits ».
Un propos prouvé n’est pas une diffamation
Les propos imputant à la partie civile des faits d’escroquerie en bande organisée par le moyen d’expertises de complaisance et de méconnaissance par l’expert des règles de l’art et de sa déontologie sont dès lors diffamatoires.
Néanmoins, le tribunal rappelle que les journalistes poursuivis en diffamation ont le droit de prouver la véracité des informations publiées, aussi gênantes soient-elles pour les individus concernés par la révélation de ces informations.
« Sur les offres de preuve
L’article 55 de la loi du 29 juillet 1881 dispose notamment que, quand le prévenu voudra être admis à prouver la vérité des faits diffamatoires, il devra, dans le délai de dix jours après la signification de la citation, faire signifier au ministère public ou au plaignant au domicile par lui élu, suivant qu’il est assigné à la requête de l’un ou de l’autre, les faits articulés et qualifiés dans la citation, desquels il entend prouver la vérité, la copie des pièces, les noms, professions et demeures des témoins par lesquels il entend faire la preuve. Cette signification contiendra élection de domicile près le tribunal correctionnel, le tout à peine d’être déchu du droit de faire la preuve.
En outre, pour produire l’effet absolutoire prévu par l’article 35 de la loi du 29 juillet 1881, la preuve de la vérité des faits diffamatoires doit être parfaite, complète et corrélative aux imputations dans toute leur portée et leur signification diffamatoire. »
Une enquête de bonne foi n’est pas une diffamation
Le tribunal rappelle également que les journalistes peuvent prouver leur bonne foi dans ces situations :
« Sur la bonne foi.
Les imputations diffamatoires sont réputées, de droit, faites avec intention de nuire, mais elles peuvent être justifiées lorsque leur auteur établit sa bonne foi, en prouvant qu’il a poursuivi un but légitime, étranger à toute animosité personnelle, et qu’il s’est conformé à un certain nombre d’exigences, en particulier de sérieux de l’enquête, ainsi que de prudence dans l’expression, étant précisé que la bonne foi ne peut être déduite de faits postérieurs à la diffusion des propos.
(…)
Ces critères s’apprécient également à la lumière des notions « d’intérêt général » s’attachant au sujet de l’information, susceptible de légitimer les propos au regard de la proportionnalité et de la nécessité que doit revêtir toute restriction à la liberté d’expression en application de l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de « base factuelle » suffisante à établir la bonne foi de leur auteur, supposant que l’auteur des propos incriminés détienne au moment de les proférer des éléments suffisamment sérieux pour croire en la vérité de ses allégations et pour engager l’honneur ou la réputation d’autrui et que les propos n’aient pas dégénéré en des attaques personnelles excédant les limites de la liberté d’expression, la prudence dans l’expression étant estimée à l’aune de la consistance de cette base factuelle, et de l’intensité de l’intérêt général. »
En l’occurrence, l’information du public sur les arnaques aux placements bidons relèvent bien de l’intérêt général, comme le rappelle le tribunal :
« Les propos poursuivis s’inscrivent dans le cadre d’un sujet d’intérêt général relatif au rôle d’un expert en manuscrits réputé dans le processus d’une possible escroquerie en bande organisée soumise à la juridiction pénale à la suite de la déconfiture de la société ARISTOPHIL, fortement médiatisée, comme l’avait été la société elle-même, et de la mise en examen de son dirigeant Gérard LHERITIER ainsi que de Jean-Claude VRAIN, dans le cadre d’un scandale financier au préjudice d’épargnants s’étant engagés, apparemment sur la foi de la valeur de manuscrits, l’intérêt général de ce sujet tenant également à la protection de l’épargne publique et au fonctionnement du marché de l’art. »
Concernant les offres de preuve, le journaliste n’en manque pas, selon le tribunal :
« S’agissant de la base factuelle de Donatien LEMAITRE, il disposait pour sa part, :
– des courriels échangés le 6 décembre 2012 relativement à l’estimation du « manuscrit d’Helen CHURCHILL CANDEE relatif au naufrage du Titanic pour une valeur d’assurance de 1 100 000 euros… », à la suite d’une demande portant sur une valeur de 1 100 000 euros ;
– de la réaction spontanée de Frédéric CASTAING au vu de cet échange de courriels, interviewé par ses soins, dont il n’est pas allégué qu’il ait déformé ses propos, pour lesquels Donatien LEMAITRE n’est en conséquence pas personnellement renvoyé ;
– de l’aveu même de Jean-Claude VRAIN, qui déclarait n’avoir pas examiné l’original du manuscrit au moment où il réalisait son expertise mais l’avoir vu physiquement lors d’une exposition au Musée des Lettres et Manuscrits le 9 septembre 2012 et avoir disposé d’une reproduction complète en fac-simile (D2193/41), cette reconnaissance venant confirmer sur ce point les éléments dont disposait le journaliste au moment où le reportage était réalisé ;
L’expert mis en examen pour escroquerie
L’expert est bien mis en examen pour escroquerie en bande organisée, comme on le lit dans le jugement au sujet des offres de preuve « dont il résulte, ce qui n’est pas démenti par Jean-Claude VRAIN, qu’il est bien mis en examen pour escroquerie en bande organisée aux côtés de Gérard LHERITIER »
Ces preuves accablantes du rôle des expertises dans la supercherie de ces placements bidons sont confirmées quand le jugement précise « Il ressort également des procès-verbaux d’enquête de la Brigade de Répression de la Délinquance Économique (BRDE), particulièrement du procès-verbal du 6 février 2014- pièce n°1 de l’offre de preuve, D3/1 à D3/26) que les collections ARISTOPHIL avaient été commercialisées sous forme d’indivisions, à des prix apparus comme « totalement déconnectés du marché », en donnant aux lettres et manuscrits des valeurs largement supérieures – de 147% en moyenne- à leur prix d’achat par la société ARISTOPHIL, cette survalorisation dépassant parfois 300% (D3/15), la société se réservant par le biais d’une promesse de vente, consentie par l’investisseur, d’éviter que les biens ne soient par la suite confrontés à la réalité du marché, tant que de nouveaux acheteurs étaient convaincus. »
Inflation artificielle des valorisations de complaisance
Surtout, le jugement revient sur ce système d’expertises de complaisance en détaillant l’inflation artificielle et organisée des prix ayant dupé les épargnants : « qu’il a parfois estimé des manuscrits en valeur d’assurance pour des montants excédant le montant pour lequel ils avaient été estimés peu de temps auparavant, et à des valeurs préalablement suggérées par la société ARISTOPHIL et son président Gérard LHERITIER (procès-verbal du 8 septembre 2015 D1438/1 à D1438/2, D1009/2, D1068/35, s’agissant d’une lettre autographe relatant la bataille de Waterloo, D1068/110 : Malempin de Simenon estimé 85 000 euros le 11 mai 2013 comme demandé le 3 mai 2013), parfois par lui même lorsqu’ils avaient été vendus à la société ARISTOPHIL (ainsi du manuscrit du Titanic acquis 215 000 euros en novembre 2006, estimé en 2012 500 000/ 600 000 euros en valeur commerciale et donc 1 100 000 euros en valeur d’assurance ou des lettres de Romain GARY expertisées 300 000 et 400 000 euros par les plus grandes maisons de vente mais valant selon Jean-Claude VRAIN incontestablement plus, qu’il avait estimé que l’acheteur pouvait acquérir 800 000 à 900 000 euros ou encore du manuscrit d’Einstein-Besso acquis chez Christies en 2002 pour 550 000 euros et estimé par ses soins 24 millions en valeur d’assurance en 2012 (D737/9) avant d’être vendu 42 fois moins cher), y compris lorsqu’il avait exprimé auparavant des réticences (ex : Edgard Jacobs pièce n°4, D1009/8, 1068/109, 1068/112, 1068/115 ou Romain GARY pièce n°5 D1008/2 : Jean-Claude VRAIN ayant révisé son estimation la faisant passer à 7,2 millions d’euros le 7 juillet 2012 (D737/13) alors qu’elle n’était que de 845 000 euros deux ans auparavant ), les pièces 3 à 6 de Donatien LEMAÎTRE étant susceptibles d’avoir interpellé le journaliste sur l’indépendance de Jean-Claude VRAIN »
Tout flatteur vit aux dépens…
Enfin, comble de la corruption des expertises, les preuves apportées par le journaliste démontraient que le libraire expertisait lui-même les livres qu’Aristophil lui achetait, l’expert étant le premier fournisseur de son principal client. Ainsi « en 2011 un peu plus de 50 % du chiffre d’affaires de sa librairie était réalisé avec la société ARISTOPHIL, les liens d’affaires entre ARISTOPHIL et Jean-Claude VRAIN ressortant des pièces n°2,3,4,8 à 18 de l’offre de preuve de Donatien LEMAÎTRE, faisant en particulier ressortir que de 2009 à 2014 les achats d’ARISTOPHIL auprès de Jean-Claude VRAIN s’élevaient à près de 80 millions d’euros représentant 33% de l’ensemble des achats effectués par ARISTOPHIL (pièces n°11 et 17), avec cette particularité que les expertises de Jean-Claude VRAIN avaient porté dans de nombreux cas sur des lettres et manuscrits qu’il avait lui-même vendus ou qui avaient été vendus par son intermédiaire à ARISTOPHIL en estimant ces pièces à des valeurs largement supérieures aux prix auxquels elles avaient été vendues à ARISTOPHIL, d’où les policiers avaient conclu au caractère complaisant des expertises ».
Pour conclure, le tribunal constate aussi que le journaliste a enquêté pendant six mois et collecté de multiples éléments de preuve du système sur lequel reposait l’arnaque aux lettres et manuscrits d’Aristophil. Ainsi, il a le droit d’en dénoncer les turpitudes, sans que les plaintes en diffamation à son encontre ne puissent être recevables.
Sans surprise, M. Vrain a fait appel de ce jugement sur le plan civil, afin de pouvoir continuer à clamer son innocence malgré sa mise en examen pour complicité d’escroquerie dans l’arnaque aux lettres et manuscrits. Le parquet, lui, n’a pas fait appel, confirmant que le journaliste était définitivement innocent du prétendu délit de diffamation qu’on lui reprochait… abusivement.