Quelle part de ses économies placer en Bourse ? C’est une question que beaucoup d’épargnants se posent avec d’autant plus d’acuité quand les marchés traversent des périodes de turbulences dans lesquelles ils se demandent s’ils doivent plutôt profiter des creux pour faire davantage d’investissements en action, ou au contraire guetter les rebonds pour vendre une partie de leurs positions afin de réduire leurs risques. Nos conseils et quelques pistes pour répondre à cette question avec l’interview de Gilles Pouzin, journaliste fondateur de Deontofi.com, dans l’émission TV Ecorama, animée par David Jacquot sur Boursorama.com.
Cinq minutes pour comprendre :
Retrouvez ici l’interview TV sur ce thème dans l’émission Ecorama du 07/09/2015
1- Alors quelle part doit-on avoir d’actions dans son patrimoine ? Y a-t-il une proportion idéale, comme une sorte de nombre d’or ?
– Évidemment, la réponse est dans la question, il n’y a pas une proportion idéale d’actions qui serait optimale pour tous les épargnants. Cela dépend bien sûr de leur situation personnelle, notamment de leur âge et de leurs projets, mais aussi des circonstances qui évoluent, notamment sur les marchés financiers. En fait, la proportion que chacun investit en actions correspond à un arbitrage entre la sécurité et la rentabilité. En gros, et surtout avec le niveau actuel des taux d’intérêt, les épargnants ont le choix entre garder leur argent en sécurité, mais cela ne rapporte quasiment rien, ou investir en Bourse pour encaisser des dividendes et faire des plus-values, mais avec des fluctuations importantes et des risques de perte en cas de revente. La bonne proportion d’actions dépend donc, pour chacun, de l’emplacement où il fixe le curseur entre priorité à la sécurité et priorité à la recherche de gains.2- On dit souvent que la bonne proportion d’actions dépend de son âge, en sachant que plus on est jeune plus on peut placer une part importante de ses économies en Bourse.
– Effectivement, l’âge est un très bon critère de base pour évaluer la part de ses économies que l’on peut placer en actions, tout simplement parce que beaucoup de gens se constituent un patrimoine pour compléter leur future retraite, et que plus celle-ci est lointaine, plus les épargnants on de temps devant eux pour lisser les risques de la Bourse et avoir plus de chances de profiter de ses dividendes et plus-values. Mais c’est un schéma disons un peu stéréotypé, car les contraintes ne sont pas les mêmes pour tout le monde tout au long de sa vie active. La bonne part d’actions peut être plus élevée pour quelqu’un ayant des revenus très prévisibles que pour quelqu’un ayant des rentrées d’argent plus irrégulières.3- Alors comment fait-on pour fixer ce pourcentage d’actions idéal ? Est-ce qu’il n’y a pas une recette ou un modèle dont on peut s’inspirer ?
– Si, il y en a plein, bien sûr, et ce sont des guides très utiles pour les épargnants, à condition de bien comprendre leur logique et de l’adapter à leur cas qui est toujours un peu différent. Prenons les fonds dits « profilés », par exemple. Vous savez, ce sont ces fonds d’investissement qui sont proposés le plus souvent dans le cadre de contrats d’assurance vie multisupports avec des appellations du type « profil prudent », « profil équilibré » ou « profil dynamique ». Quand on regarde à l’intérieur de ces fonds comment ils sont composés, on s’aperçoit effectivement que les plus dynamiques ont la plus forte proportion d’actions, généralement dans une fourchette de 50 à 80% d’actions, tandis que les fonds prudents n’ont généralement pas plus de 10% à 20% de leur portefeuille en Bourse, ce qui est déjà assez élevé pour des fonds qui se veulent prudents car on a vu que cela pouvait entraîner des déconvenues quand certains épargnants pensaient que les fonds prudents étaient sans risque.4- Vous pensez que 10% d’actions c’est trop pour un profil prudent ?
– Pas forcément, mais c’est là que l’on revient à la notion d’horizon qu’il faut prendre en compte en complément d’autres critères pour bien régler le curseur entre la priorité aux gains ou à la sécurité. Si l’on est un investisseur prudent avec un horizon d’investissement assez lointain, disons d’au moins dix ou quinze ans, on peut placer jusqu’à 30% de ses économies en actions sans mettre en péril sa retraite future. C’est ce que font par exemple les gérants des 50 milliards d’euros de réserves à long terme du régime de retraite Agirc-Arrco, qui sont investies pour environ 30% en Bourse. En revanche, il peut être imprudent d’avoir 10% ou 20% d’actions si l’on doit récupérer son argent à un horizon d’un ou deux ans, par exemple pour un achat immobilier.5- Et quelle est la proportion d’actions maximum qu’il serait raisonnable d’avoir, si l’on a un profil un peu plus dynamique ?
– Hé bien on en revient toujours à ce fameux curseur entre priorité à la valorisation et priorité à la sécurité. Là encore, cela dépend des contraintes que chacun se fixe car, contrairement aux investisseurs professionnels et institutionnels, qui sont obligés de suivre des contraintes et des règles propres aux fonds qu’ils gèrent, les particuliers n’ont que les contraintes qu’ils se fixent eux-mêmes. Pour prendre un extrême, si un particulier n’a aucune contrainte de sécurité, c’est-à-dire qu’il peut tout perdre sans que cela n’ait aucune importance, il pourrait placer 100% de ses économies en Bourse où il aurait des revenus plus élevés qu’avec les placements sans risques. Evidemment ce ne serait pas raisonnable, mais cela montre que la proportion d’actions se détermine surtout par rapport au degré de sécurité dont on a besoin, à quel horizon et sur quelles parts de nos économies.
6- Alors quelle proportion d’actions avoir pour un investisseur dynamique conservant un degré de sécurité raisonnable ?
– Le degré de sécurité, comme on l’a vu, doit être déterminé d’abord en fonction des besoins ou des échéances de cet investisseur. Pour prendre un modèle, regardons cette fois le Fonds de Réserve des Retraites, le FRR. Ce fonds a été mis en place au début des années 2000 pour absorber une partie du choc démographique sur le régime de retraite général. Il gère pas loin de 40 milliards d’euros (37,2 fin 2014) avec une double contrainte de sécurité d’une part, pour rembourser une partie de la dette sociale, pour laquelle il a placé 53% de ses investissements en sécurité, et un objectif de rentabilité d’autre part, pour renflouer au mieux les retraites d’ici une dizaine d’années, pour lequel il place 47% de ses investissements en Bourse et sur des obligations à risque. Mais il y a des investisseurs encore plus dynamiques. Si l’on prend le cas du fonds Calpers, la caisse de retraite des fonctionnaires de Californie qui gère 300 milliards de dollars, ses investissements sont répartis entre 54% d’actions cotées, 10% d’entreprises non cotées, 10% d’immobilier et seulement un peu plus d’un quart, 26%, en obligations et autres placements sans risques. Au final, on a donc bien trois proportions d’actions très différentes entre ces trois fonds ayant a-priori le même objectif de financer des retraites, mais dans des contextes et avec des contraintes différentes.
26%, en obligations et autres placements sans risques.
Vraiment sans risque, donc au singulier ?
C’est à dire ?
Merci
Bonjour cher lecteur et merci pour cette question pertinente.
Vous avez raison, des placements sans aucun risque dans l’absolu ne mériteraient pas que l’on accorde les risques au pluriel, mais il arrive que l’on se réfère aux « placements sans risques » par référence aux nombreux risques potentiels.
En l’occurrence, la notion de « sans risque » est effectivement discutable, elle correspond généralement à des placements considérés comme sans risque de perte en capital, ou assurés de leur remboursement à l’échéance.