Avec l’écroulement des taux d’intérêt à court terme, passés en-dessous de zéro depuis près de cinq ans, gérer ses liquidités au jour le jour devient un casse-tête. L’inflation rogne le pouvoir d’achat de l’argent qui dort, tandis que le poids des frais grignote imperceptiblement le capital. Depuis 2015, plus de 90% des grands réseaux bancaires ont mis en place des frais de tenue de compte généralisés, en représailles à la baisse des taux d’intérêt. La persistance de taux « négatifs », c’est-à-dire les pénalités imposées par la BCE sur l’argent dormant des banques commerciales, finit par peser sur leurs comptes au point qu’elles envisagent de répercuter davantage ce fardeau sur leurs clients. La banque Suisse Lombard Odier vient ainsi d’annoncer une pénalité sur les dépôts des particuliers. Une façon de les inciter à souscrire des placements qui leur coûteront souvent encore plus en commissions. Beaucoup de clients disent leur ras-le-bol, mais ne bougent pas. Par manque de temps, habitude, ou crainte que ce ne soit guère mieux ailleurs, ils restent captifs de leurs agences.
Les banques à réseau ont bien sûr l’avantage de leur présence physique, « au coin de la rue », rassurante pour les personnes moins à l’aise avec Internet, ou les plus âgées, appréciant d’être reçues par des conseillers à qui parler. Quitte à se voir orienter vers des services et placements plus rentables pour les banques que leurs clients. En dehors de cela, les banques à réseau n’apportent pas un meilleur service que les banques en ligne. Loin de là. Si l’on en croît le dernier classement réalisé par la société Bankin.
En compilant les relevés de frais de 360 000 clients de 49 banques au premier semestre 2019, complétés par une enquête de satisfaction auprès de 10 000 clients, Bankin classe toujours ex-aequo Fortuneo (filiale du Crédit mutuel Arkea) et Boursorama (filiale de Société générale), en tête des banques les moins chères, suivies par Orange Bank, HelloBank (groupe BNP Paribas), ING Direct, et BforBank (filiale du Crédit agricole). D’abord leurs tarifs sont extrêmement compétitifs par rapport à ceux des banques à réseau. La plupart offrent tout gratuit : les virements, les retraits, la CB, à condition de s’en servir. Comme elles sont rémunérées avec les commissions appliquées aux commerçants encaissant des paiements par carte bancaire, plusieurs ont instauré quelques frais pour ceux qui oublieraient de payer avec leur CB, par exemple quand ils en ont plusieurs.
Ensuite, leur niveau de service est aussi bien mieux noté par les clients que celui des réseaux d’agences. Le premier d’entre-eux (Crédit agricole régional du Finistère) arrive en dixième place, si l’on considère le statut particulier d’AXA Banque, en neuvième position côté satisfaction, dont les agences sont des bureaux d’assurance sans distributeurs de billets. Les plus grands réseaux sont plus bas dans le classement, comme la Bred (17ème), le CIC (18ème), et La Banque Postale (19ème, et parmi les moins chers des réseaux), devant BNP Paribas (21ème), HSBC (23ème), LCL (29ème) ou la Société générale (44ème) et sa filiale Crédit du Nord (47ème).
Qu’attendent les clients pour entrer dans l’ère des néo-banques ? « Les Français sont de plus en plus nombreux (38 %) à porter un regard positif sur le degré d’innovation du marché des banques et des assurances », selon une étude sur les Français et les nouveaux services financiers publiée en début d’année par le cabinet Deloitte.
Les banques en ligne leur tendent la main virtuellement 24 heures sur 24, multipliant les prestations et cadeaux de bienvenue pour les convaincre de franchir le pas. En plus de leurs services déjà bon marché, la plupart vous donnent 80 euros pour vous remercier d’ouvrir un compte qui ne vous coûtera rien et vous fera économiser des dizaines d’euros par rapport au dernier relevé annuel de frais de votre agence bancaire. « Nous offrons régulièrement 80€ pour une première ouverture de compte courant avec CB MasterCard sous réserve d’effectuer 5 paiements avec », explique Grégory Guermonprez, directeur de Fortuneo. « Nous offrons 80€ minimum tout le temps pour toute première ouverture de compte avec une carte bancaire, et parfois davantage, notamment 130€ lors de « Pink Week-ends » organisés régulièrement », surenchérit Boursorama.
S’il semble incontournable d’avoir un compte courant moderne à peu de frais dans une banque en ligne, elles ont aussi de nouvelles concurrentes issues des « fintech », ces sociétés profitant de l’ouverture du marché favorisée par les directives européennes sur les services de paiement (DSP et DSP2), en optimisant encore les coûts grâce aux nouvelles technologies.
Sonia apprécie leur efficacité. Alors qu’elle devait envoyer 1440 £ en Angleterre pour payer les frais de séjour de sa fille le 31 juillet, sa banque, le Crédit du Nord, lui débite un montant converti de 1602,24 €, soit 1,74% de commission de change, auquel s’ajoutent 14,50 € de frais de transfert. Son paiement lui revient à 1616,74 € soit 41,96 € de commissions par rapport au seul montant de 1440 £ converti en euros.
Une semaine plus tard, elle veut faire un nouveau virement du même montant. Cette fois Sonia veut tester le service de paiements TransferWise, dont lui a parlé un client Britannique. Grâce au parrainage de ce dernier, elle bénéficie même d’un transfert gratuit jusqu’à 500 euros, soit 4,62 euros de réduction. TransferWise propose deux options, soit un transfert rapide, en payant par CB, avec 12,37 euros de frais totaux (avant réduction de bienvenue), soit un transfert en effectuant un virement SEPA (donc en euros) à TransferWise en Belgique, plus économique. Avec le bon de réduction, ce transfert lui revient à 1561,85 €, soit seulement 4,17 € de frais par rapport aux 1440 £ converties au taux du jour. Même sans la réduction de bienvenue, les frais sont 33 euros moins chers que dans sa banque.
Côté épargne, les néo-banques et canaux alternatifs sont aussi une piste pour optimiser les liquidités s’accumulent sur des comptes stériles. Depuis le gel à 0,75% du taux du Livret A, il y a plus de quatre ans en août 2015, les épargnants ne savent plus quoi faire pour dynamiser leurs disponibilités. Vu qu’aucun placement de court terme sans frais ne rapporte autant, ceux qui n’ont pas encore rempli le Livret A jusqu’au plafond de 22 950 euros continueront d’y placer leurs disponibilités. Avec 11,6 milliards d’euros de nouveaux versements au premier semestre, les 55 millions de détenteurs de Livrets A y avaient engrangé plus de 275 milliards d’euros à fin juin.
Au-delà, on peut faire le plein de son Livret de développement durable et solidaire (LDDS) jusqu’à 12 000 euros. L’ex-Codevi dépassait ainsi les 110 milliards d’euros fin juin. Ceux qui ont un PEL antérieur à février 2015, bénéficient d’un taux de 2,5%, peuvent aussi l’alimenter jusqu’au plafond de 61 200 euros. Le vrai dilemme est plutôt de mieux placer l’argent dormant sur les livrets bancaires et surtout les comptes courants. « À fin juin 2019, l’encours des dépôts à vue des particuliers était de 395,9 milliards d’euros contre 199,6 milliards d’euros en juin 2009. Sur les six premiers mois, ces dépôts à vue ont encore augmenté de 29,849 milliards d’euros », indique Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’épargne.
Quant aux livrets bancaires, rémunérés à peine 0,1% avant impôts dans la plupart des banques, soit 70 centimes d’intérêts nets annuels pour 1000 euros placés, ils affichent aussi 155 milliards d’euros d’encours. Soit 550 milliards d’euros rapportant zéro ou presque !
En cherchant un peu, on peut placer cet argent à un meilleur taux, par exemple auprès des banques des constructeurs automobiles Renault et PSA. RCI Bank propose son livret Zesto à 0,9% avant impôts, et un compte à terme Pepito avec un taux progressif de 1,20 % sur 3 ans. Tandis que PSA Banque propose son livret Distingo à 0,8% brut, avec une prime de bienvenue de 40 €, et des comptes à terme rémunérés à 1,20% sur deux ans, et 1,30% sur trois ans.