Le procès en appel pour abus de confiance des ex-dirigeants du complément de retraite des enseignants et fonctionnaires (Cref) est l’occasion de comprendre comment 450 000 épargnants se sont fait piéger par ses fausses promesses. Deontofi.com publie les plaidoiries des quatre avocats défenseurs des victimes du Cref, telles que présentées à l’audience du 6 décembre 2013. (Tous les articles sur l’affaire Cref ici)

Plaidoirie de Maître Yann Le Bras, première partie (1 sur 2 )

Maître Yann Le Bras, avocat liquidateur de la mutuelle qui gérait le Cref, chargé d'indemniser les victimes avec les actifs récupérés (photo © GPouzin)

Maître Yann Le Bras, avocat du liquidateur de la mutuelle qui gérait le Cref, chargé d’indemniser les victimes avec les actifs récupérés (photo © GPouzin)

Après maîtres Lecoq-Vallon et Bonifassi, défenseurs des victimes du Cref réunies dans l’association CIDS, l’avocat Yann Le Bras intervient en tant qu’avocat du liquidateur de la mutuelle afin de récupérer le maximum d’argent en dédommagement des épargnants-créanciers.

Sur l’abus de confiance, entame Maître Yann Le Bras, quand on totalise l’ensemble des dépenses figurant page 39 de l’ordonnance de renvoi, on atteint 260 000 euros de frais. L’un ou l’autre peut être parfaitement blindé sur tel ou tel colloque, mais il y a aussi toute une série de dépenses concernant des achats en supermarché, dans des boutiques d’aéroports ou des dépenses dans des établissements de nuit qui totalisent une somme pas négligeable sur ces 260 000 euros remboursés pour les huit administrateurs, selon le décompte de la Bred. Puis il y a les indemnités de sujétion et de représentation qui s’ajoutaient à leur traitement d’enseignant, de 1480 euros par mois, soit 17 760 euros par an, soit un total de 977 000 euros, c’est à la page 164 du jugement de première instance.

Il faut y ajouter les montants détournés au titre des logements, évalués à 1,5 million d’euros sur la prévention. Enfin 221 000 euros d’épargne en assurance vie, ça fait quand même des grosses sommes !

Que retirer et enlever de tout ça ? C’est une accumulation absolue de double emploi. Soit j’ai un logement de fonction, soit j’ai une indemnité, entre parenthèse qui ne prévoit pas un remboursement de loyer mais un montant forfaitaire. On est obligé de constater que les sommes additionnées de ces avantages sont extrêmement importantes, même si madame Escande a un des logements les plus modestes et moins critiquable.

On enlève par masse les voitures de fonction à 2 francs le kilomètre et les cartes bancaires, on les enlève des postes à charge. Mais on considère que si vous avez une voiture pour rentrer chez vous et des notes de frais,

Maître Yann Le Bras, avocat du liquidateur du Cref. (photo © GPouzin)

Maître Yann Le Bras, avocat du liquidateur du Cref. (photo © GPouzin)

vous n’avez pas besoin d’indemnités et de logements. Il y a en plus les restaurants gastronomiques, quand on voit les notes il fallait avoir l’estomac bien accroché et le foie très résistant, c’était constamment arrosé avec une superposition de d’indemnités et de remboursements.

On peut proposer la qualification du délit sauf pour les frais dont il fallait prévoir la possibilité de remboursement. Imaginons que les frais de carte bancaire ont leur utilité, même s’il y a un tri à faire des factures suspectes détectées par la police, on les enlève en pertes et profits, c’est peur citoyen mais admettons. Les voitures aussi, admettons que ce soit leur sujétion et que les frais kilométriques sont une masse, on n’en sollicite pas réparation.

En revanche, sans parler de pyramide de Ponzi, le dirigeant de la mutuelle sait depuis 1989 qu’il faut toujours plus de cotisations pour payer les pensionnés. Mais vous protégez vos intérêts qui ne sont pas ceux de vos adhérents. Vos assurances vie : en quoi est-ce à la mutuelle de les payer. Si vous aviez une voiture de fonction et une carte bancaire pour tous vos frais, en quoi la mutuelle devait-elle vous payer des indemnités supplémentaires. La superposition est à l’évidence délictuelle et dépasse le terrain contraventionnel.

Transposons les faits sur l’abus de bien social qui fait la jurisprudence de votre chambre. Ils sont combien à vous dire : « j’ai fait payer mon loyer et ma taxe d’habitation par ma société, j’ai pris la carte bancaire et j’ai fait cotiser par ma société à mon assurance vie et à toute une série d’assurances complémentaires ». Je suis sur un comportement d’abus de biens sociaux. Et on vous dit que parce qu’on est dans le milieu mutualiste et qu’ils sont bénévoles ils auraient droit à un statut différent ?

Monsieur le sénateur, vous êtes à un moment ministre des affaires sociales, il est incompréhensible qu’il n’y ait pas eu un projet de loi. Pourquoi vous ne proposez pas une réforme utile en ce sens. Mais en politique dans le système des amis il est sans doute relativement plaisant de se dire que cela a toujours fonctionné comme ça, et que les syndicats et mutuelles ont toujours offert cela. Les maires, pour l’utilisation de moyens publics à des fins personnelles sont tous passés devant votre chambre, observe néanmoins l’avocat en s’adressant cette fois à la Cour. Parce qu’ils sont élus mutualistes ils y échapperaient ?

Le liquidateur judiciaire de l’UNMRIFEN-FP sollicite donc au titre de l’indemnisation du préjudice matériel subi par la mutuelle la somme de 3 millions d’euros (3 027 399 exactement).

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