Quand le bâtiment va, tout va ! La construction contribue à la croissance et crée des emplois, contrairement aux reventes de logements anciens qui constituent l’essentiel du marché immobilier financé à crédit. (photo © GPouzin)
Pour stimuler la construction de logements, le gouvernement a annoncé le renouvellement pour un an du dispositif d’aide à l’investissement locatif neuf, dit Loi Pinel, jusqu’à la fin 2017. Est-ce une bonne nouvelle pour les promoteurs ou pour les investisseurs ? Quels sont les atouts de ce dispositif de défiscalisation pour réduire ses impôts ? Les atouts fiscaux de la Loi Pinel rendent-ils l’investissement locatif neuf réellement avantageux dans ce cadre ? Deontofi.com répond.
1/ La défiscalisation Pinel est prolongée, est-ce une bonne nouvelle pour la construction ?
Oui, bien sûr. Ce dispositif aurait entraîné une hausse de 45% des ventes de logements neufs aux investisseurs en 2015, selon les chiffres annoncés par François Hollande pour justifier son renouvellement jusqu’à fin 2017. C’est de l’investissement productif (contrairement à l’achat ancien qui n’est souvent qu’un transfert de richesse). C’est bon pour le crédit à l’économie, car évidemment financé à crédit, avec persuasion des vendeurs à coup d’argumentaires un peu biaisés pour démontrer que c’est l’intérêt des investisseurs, ce qui est loin d’être sûr.
2/ Est-ce un dispositif fiscalement avantageux ?
Oui, en soit quand on vous fait un cadeau c’est toujours un cadeau, même s’il est moins beau qu’avant et qu’il peut s’avérer empoisonné. En soit, le dispositif Pinel est donc bien un avantage fiscal.
- achat d’un logement neuf ou réhabilité, entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2017 (6, dans une zone de tension, par un particulier ou une société civile de placement immobilier (SCPI)
- engagement de location de 6, 9 ou 12 ans, avec un avantage fiscal de 12 %, 18 % ou 21 %
- location du logement nu, respectant des critères de performance énergétique, à un prix inférieur au marché
- possibilité de louer à un descendant ou ascendant, sous conditions, depuis le 1er janvier 2015.
L’investissement locatif Pinel ouvre droit à une réduction d’impôt calculée sur le prix d’achat des logements neufs ou réhabilités pour atteindre les performances techniques du neuf, construits dans des zones présentant un déséquilibre entre l’offre et la demande de logements.
Il concerne les opérations réalisées entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2016. Les opérations antérieures peuvent être éligibles au
dispositif Duflot.
Le logement doit être loué nu, à un prix inférieur d’environ 20% au marché du secteur concerné, pendant six, neuf ou douze ans. Les revenus du locataire doivent être inférieurs à un plafond fixé par l’
article 2 terdecies D de l’annexe 3 du code général des impôts, afin de réserver les logements concernés aux ménages modestes.
Le logement peut être loué à un ascendant ou un descendant du propriétaire, à condition qu’il ne fasse pas partie de son foyer fiscal et que les plafonds de loyer et de ressources du locataire soient respectés.
Enfin, le logement doit atteindre un niveau global de performance énergétique fixé par l’
article 46 AZA octies-0 A de l’annexe 3 du code général des impôts.
Le propriétaire s’engage sur une durée initiale de location de 6 ou 9 ans au choix, prorogeable jusqu’à 12 ans. L’avantage fiscal est croissant et réparti sur toute la durée d’engagement, dans la limite d’un plafond global de 300 000 euros et de 5 500 euros par mètre carré : 12% du prix d’achat du bien sur six ans, 18% sur neuf ans ou 21% sur douze ans (29% outre mer).
Les investissements réalisés par le biais d’une société civile de placement immobilier (SCPI) bénéficient du dispositif Pinel dans les mêmes conditions que ceux réalisés par les particuliers.
Les plafonds de loyers par zone :
|
Zone Abis |
Zone A |
Zone B1 |
Zone B2 |
Plafond de loyer ( en euros/m2) |
16,72 |
12,42 |
10,00 |
8,69 |
Les zones sont découpées comme suit :
- Zone A bis : comprend Paris et 76 communes des Yvelines, des Hauts-de-Seine, de Seine-St-Denis, du Val-de-Marne et du Val d’Oise
- Zone A : agglomération de Paris (dont zone Abis), la Côte d’Azur, la partie française de l’agglomération genevoise, certaines agglomérations ou communes où les loyers et les prix des logements sont très élevés ;
- Zone B1 : comprend certaines grandes agglomérations ou dont les loyers et le prix des logements sont élevés, une partie de la grande couronne parisienne non située en zone Abis ou A, quelques villes chères, les départements d’Outre-Mer ;
- Zone B2 : villes-centre de certaines grandes agglomérations, grande couronne autour de Paris non située en zone Abis, A et B1, certaines communes où les loyers et les prix des logements sont assez élevés, communes de Corse non situées en zones A ou B1. Depuis le 1er juillet 2013, seuls les logements situés dans les communes de zone B2 ayant fait l’objet d’un agrément délivré au cas par cas par le préfet de région sont éligibles au dispositif.
3/ Alors c’est une bonne affaire pour les investisseurs ?
Pas forcément, c’est là le problème. Si l’Etat propose un avantage fiscal pour inciter les investisseurs à financer la construction et la réhabilitation de logements, c’est parce que ces investissements ne sont pas suffisamment attractifs par eux-mêmes. C’est pourquoi on répète toujours aux gens qu’il ne faut jamais succomber aux sirènes de la défiscalisation. Qu’il faut qu’un projet ait sa propre rentabilité pour être valable, indépendamment de ses avantages fiscaux. On sait que ce raisonnement doit être nuancé quand on calcule sa rentabilité exacte, mais le principe reste valable pour éviter les déceptions ou les ennuis.
4/ Donc on pourrait avoir d’un côté un bon avantage fiscal, et de l’autre faire une mauvaise affaire ?
Absolument, c’est malheureusement souvent le cas dans les montages d’investissement immobilier locatif neuf à crédit adossés à des assurances vie multissupports, car il faut rappeler que c’est dans ces conditions que la plupart de ces achats sont réalisés. D’un côté un bel avantage qui sert d’appât, de l’autre plein de chausse trappes occultés par l’aveuglement de la défiscalisation.
5/ Quels sont les risques ou les précautions à prendre avec ces dispositifs d’investissement défiscalisant ?
Sur tout. Souvent cela commence par l’emplacement. Vous avez remarqué, on vend toujours aux investisseurs des investissements locatifs loin de chez eux. C’est d’abord pour qu’ils n’aient pas une bonne connaissance et capacité propre d’évaluation du marché sur lequel ils investissent. On propose aux investisseurs du nord des logements dans le sud-ouest et vice versa. La Loi Pinel a certes mis un garde fou, au moins par rapport à la Loi Scellier qui avait donné lieu à tant d’excès de construction sans besoin, néfastes pour les investisseurs comme pour les collectivités locales. Mais il n’en demeure pas moins que les investissements locatifs neufs sont vendus trop cher. C’est un des points clé du scandale Apollonia, vous savez cette escroquerie à l’investissement locatif neuf à l’échelle nationale, impliquant la complicité de notaires dont certains sont en prison, et de banques tout aussi coupables de tromperie active dans le seul but de toucher leur part de l’arnaque, sur les crédits et les assurances-vie.
6/ Il y a les risques à l’achat, mais aussi à la location.
Absolument. Les loyers indiqués dans les simulations sont toujours surévalués et faux. Surévalués car ils ne tiennent pas compte des réalités des marchés locaux dans lesquels les biens sont proposés. Ensuite, d’autres éléments de coût de gestion sont souvent oubliés dans les simulations, ce qui biaise l’impression de rentabilité, réglée à l’avance pour correspondre sur le papier à un niveau attractif par rapport au prix surévalué de l’investissement. Dans la réalité, rien ne se passe comme prévu. Pour faciliter la vente, les promoteurs ou les distributeurs vont parfois jusqu’à garantir les loyers, mais sur une courte période. Ensuite, le montage part à la dérive. Souvent, les logements ne trouvent pas de locataires, même en baissant le loyer. Le dispositif Pinel prévoit bien de limiter ces offres aux zones « tendues » donc avec une demande supérieure à l’offre, mais elle n’est pas partout de la même ampleur. Quand on regarde en détail la liste des communes éligibles à un investissement locatif neuf en loi Pinel, on dénombre plus de 1000 communes (1069 précisément) dont beaucoup où l’on trouve facilement à se loger, selon les expériences que nous rapportent certains lecteurs. Au bout du compte le risque de non location existe, et c’est une double peine pour les investisseurs, car en plus de leur perte financière, ils peuvent perdre leur avantage fiscal et subir un redressement.
7/ Et sur le montage financier lui-même ?
S’il faut retenir une chose, c’est bien que les banques n’ont aucune confiance dans la valeur de revente des investissements locatifs qu’elles financent à crédit, par rapport à leur prix d’achat. Quand vous achetez votre logement, le prêt est logiquement garanti par une hypothèque ou une caution sur la valeur du bien lui-même. Mais cette garantie-là, les banques n’en veulent pas pour les biens locatifs, qu’elles savent invendables au prix payé par l’acheteur. Donc elles imposent que le remboursement final du crédit (in fine), soit garanti par la constitution d’un capital équivalent en faisant un effort d’épargne mensuel (à la place des mensualités de crédit, puisqu’il est remboursable in fine) sur une assurance vie donnée en nantissement. Au passage, on comprend l’intérêt de la banque qui touche sur le prêt, plus sur les frais de l’assurance vie, plus sur les frais des supports vendus dans le contrat puisqu’on vous dissuade de choisir le fonds en euros à la rentabilité insuffisante pour couvrir les intérêts du prêt.
Là encore, l’investisseur supporte tous les frais, tous les risques, et toutes les pertes.
8/ Donc Pinel c’est bien mais vous dites qu’il faut faire attention.
Oui, pour ne pas rejoindre la cohorte des victimes de l’immobilier, car il y en a des milliers et ce sont souvent des drames compte rendu de l’engagement financier que cela représente pour les investisseurs et leur famille. Beaucoup se retrouvent avec des crédits à rembourser, adossés à des placements qui ont englouti leurs efforts d’épargne sans atteindre le montant attendu, et des logements invendables sans une perte de 20 à 50% par rapport à leur prix d’achat, et impossibles à louer au niveau de loyer indiqué dans les simulations flatteuses mise en avant pour les convaincre de la rentabilité du montage.
Bonjour,
Je pense que cet article a été écrit par une personne non spécialiste (je dirige un cabinet de conseil indépendant) : je ne vois quasiment jamais de financements avec un adossement en assurance-vie (donc in fine), ce qui est logique car les banques ne voulant plus prendre le risque du défaut de conseil, ne font que du nantissement sur des fonds en euro trop faiblement rémunérés pour faire un montage rentable.
Pour le reste, le Pinel comme il est généralement vendu, avec une revente après 9 ans de location (cela évite que l’investisseur se rende compte que ce n’est plus rentable sans la réduction d’impôt), engendre toujours une perte (j’ai analysé des dizaines d’études de cabinets concurrents, toujours avec cette conclusion).
Le français a un problème : comme il pense que payer des impôt est une pathologie, il est prêt à faire n’importe quoi pour en diminuer la facture, bien aidé par le » gentil défiscalisateur » qui lui présente un investissement immobilier comme un produit financier. si je propose du Pinel à un client, je fais en sorte qu’il n’ait pas à le revendre, mais trouver de tels produis prend un temps fou (on ne les trouve généralement pas sur internet).
Patrick LEGOFF
Les pratiques de nantissement ont pu évoluer avec la baisse des rendements des fonds en euros, les litiges liés à des nantissements de ce type demeurent.
très bon article. Ce sera une bonne base pour trouver le bon investissement [NDLR nous avons retiré ici le lien de ce commentaire bidon qui tentait de faire la retape pour un site de défiscalisation en français appartenant à une obscure société de Hong Kong. SOYEZ PRUDENTS LISEZ ET VERIFIEZ TOUJOURS LES MENTIONS LEGALES]