Alternative aux fonds de pension, le Complément de retraite des enseignants et fonctionnaires (Cref) n'a pas été plus honnête (photo © GPouzin)

Alternative aux fonds de pension, le Complément de retraite des enseignants et fonctionnaires (Cref) n’a pas été plus honnête (photo © GPouzin)

Le procès en appel pour abus de confiance des ex-dirigeants du complément de retraite des enseignants et fonctionnaires (Cref) est l’occasion de comprendre comment 450 000 épargnants se sont fait piéger par ses fausses promesses. Après les plaidoiries des parties civiles, Deontofi.com publie le réquisitoire de l’avocat général, tel que présenté à l’audience du 11 décembre 2013. (Tous les articles sur l’affaire Cref ici)

Réquisitoire de l’avocat général, Maître Dominique Gaillardot, troisième partie (3 sur 3).

Pour les cartes bancaires, j’admets qu’il est impossible de faire la part des choses entre les dépenses justifiées pour la mutuelle et les autres qui ne le sont pas. On ne peut en revanche faire l’impasse sur les dépenses de péage et d’essence de René Teulade. Est-ce que la mutuelle devait payer pour lui permettre d’exercer, son mandat de maire d’Argentat, choix qui en soi n’est pas critiquable ? Pour 1997, ses dépenses à la station Total d’Argentat atteignent 8900 francs rien que les vendredis, samedis et lundis matin, payés sur la carte bancaire confiée à René Teulade. Enfin, concernant l’emploi de madame Beau, dont il n’est pas contesté qu’elle a effectivement travaillé, était-ce à la mutuelle de payer ? Je retiendrai la responsabilité de monsieur Vaucoret, qui l’a assumée à l’audience.

La défense souligne qu’il ne pourrait y avoir de responsabilité collective des administrateurs. La Chambre commerciale de la Cour de cassation reconnaît la responsabilité individuelle de chaque administrateur, la Cambre criminelle retient la responsabilité des uns et des autres quand ils participent aux décisions. Par exemple dans le cas où un maire n’a fait que proposer une mesure contestée.

A l’issue des débats, je pense que le tribunal aura retenu la responsabilité individuelle de chaque administrateur, chacun étant en charge des fonds confiés en acceptant ses fonctions d’administrateur permanent. Chacun est responsable des avantages accordés depuis 1986 aux administrateurs, sans lesquels ils n’auraient pas accepté ces fonctions. Ils ont chacun directement et personnellement contribué à détourner les fonds dont ils avaient la responsabilité en qualité d’administrateur.

Le détournement est l’usage abusif. La dissimulation n’est pas un élément constitutif, mais un élément de contexte qui doit être pris en compte. L’abus de confiance est caractérisé par le préjudice qui est le coût pour la mutuelle, de 2 millions par an, qui vient obérer les fonds de la mutuelle. Que ce soit epsilon par rapport aux fonds gérés est sans importance, les détournements atteignent 1,4 million par an pour les logements, et si l’on ajoute le reste c’est quasiment 2 millions par an. Ces détournements ne sont en rien la cause des difficultés rencontrées par les mutuelles en général et le Cref en particulier, mais ces dernières ne justifient en rien les détournements.

L’autorisation d’un conseil d’administration, même unanime, n’a jamais valu autorisation de faits interdits par la loi, c’est inopérant, d’autant qu’ils ne pouvaient être accordés que par l’assemblée générale. C’est à l’ensemble des adhérents de décider. La situation où l’on s’accorde des avantages à soi-même et entre soi, montre qu’on est probablement trop entre soi. De même que l’antériorité de ce système, ou l’absence de réaction des commissaires aux comptes et de la CCMIP (NDLR Commission de contrôle des mutuelles et instituts de prévoyance) ne sauraient valoir justification d’une quelconque légalité.

Il est inutile de souligner l’implication personnelle de René Teulade dans le mutualisme. C’est même l’étendue de son réseau, de son influence en général, et plus particulièrement sur le Cref, qui lui donne une responsabilité particulière. Il connaissait le code de la mutualité, il est difficile pour un administrateur, de nier que le logement n’est pas prévu par les textes. Il a laissé ce système se mettre en place, perdurer, et en a profité personnellement.

Plusieurs administrateurs ont souligné leur confiance dans tout ce que disait René Teulade. Cela ne justifie pas les faits, et au contraire cela renforce sa responsabilité. Monsieur Vocauret, à qui l’on doit reconnaître d’avoir tenu les rênes de cette mutuelle dans une période difficile : il a du mérite, mais il a aussi laissé perdurer ce système. Quant aux autres, compte tenu de leur culture et de leur engagement, ils ne pouvaient ignorer la spécificité de leur statut. Tous ont bénéficié, voire profité, d’un statut que le discours sur la nécessité de leur donner des moyens ne peut justifier. Ce discours traduit aussi leur mauvaise conscience d’avouer de tels avantages.

On assiste à une relative démesure, quand le simple remboursement de frais devient un véritable avantage en nature. Il est vrai qu’ils se sont attribués ni plus ni moins la même chose que d’autres dans de grands groupes ou sociétés d’assurance, mais cela ne justifie pas de les imiter dès lors que ce n’est pas prévu par la loi et que c’est en contradiction avec l’esprit de bénévolat : 3500 à 4000 euros bruts par mois, tout confondu, est une rémunération non négligeable.

Pour redonner confiance dans tous ceux qui sont au service du public et des adhérents, fussent-ils compétents et dévoués, incarnent-ils l’esprit mutualiste ? C’est pourquoi je requiers la reconduction des condamnations antérieures.

Les audiences suivantes, auxquelles Deontofi.com n’a pas assisté, étaient consacrées aux plaidoiries de la défense des accusés. La date de prononcé du verdict a été fixée au vendredi 11 avril 2014, à l’audience du matin (9h).

 

3 commentaires

  1. SAMUEL Alain, le

    450 000 épargnants floués, hommage du Président de la République au Congrès de la Mutualité en 2012 à André TEULADE « par amitié corrézienne » (Président qui n’a pas participé à la manifestation de la Justice contrairement aux promesses officielles de sa porte-parole) et dédommagement aux frais du contribuable français des sociétaires reconnus victimes de cette escroquerie, suite à la faute lourde avérée de l’Etat… Un sentiment d’étrange mansuétude générale pour étouffer ce scandale d’envergure, presse y compris, au moment où le Gouvernement cherche comment combler le déficit abyssal des Caisses de l’Etat !

  2. Jouan Philippe, le

    M. Teulade ne sera donc pas condamné en appel pour abus de confiance. Son décès libère cet individu d’un verdict qui était à venir.
    Le comble est que ce personnage a encore été sollicité par l’exécutif en tant que membre du Conseil d’Orientation des Retraites ! C’est désespérant.
    Adhérent du CIDS et « allocataire » du Corem ex-CREF, je perçois une « rente » mensuelle de 83,93 €.

    • Gilles Pouzin, le

      Cher lecteur, pour nuancer votre commentaire, on peut préciser qu’en raison de son décès, le sénateur-maire René Teulade « ne sera donc pas relaxé comme il le demandait en appel ». Ayant été reconnu coupable d’abus de confiance par la chambre criminelle du Tribunal de grande instance dans son jugement de première instance, le sénateur-maire René Teulade est donc mort coupable. Vous avez raison en revanche de noter qu’il n’a pas été condamné à indemniser les victimes des délits qu’il avait commis. Une injustice faite aux victimes qui peut encore être corrigée par le verdict attendu en avril.

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