Derrière les présentations flatteuses de l’investissement hôtelier, les épargnants se font souvent plumer par les montages fumeux de ces placements opaques. (photo © GPouzin)

L’investissement hôtelier a la cote auprès des marchands de placements. Alors que le naufrage du groupe hôtelier Maranatha a révélé la supercherie des promesses de gains mirobolants faites aux épargnants, l’arnaque des Hôtels de Paris est sous l’œil de la justice. Pour une quarantaine d’épargnants plumés par cet autre placement hôtelier, l’avocat Nicolas Lecoq-Vallon a déposé une plainte, le 9 avril 2018, auprès du Procureur de la République du Tribunal de Grande Instance de Paris. Sur cette base, extrêmement pédagogique et documentée, le Parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire sur cette affaire le 1er août, selon Le Parisien du 5 août qui consacrait un article à ce scandale (http://www.leparisien.fr/economie/hotels-de-paris-des-epargnants-floues-portent-plainte-04-08-2018-7843341.php).

Deontofi.com publie ci-dessous les principaux arguments exposés par le cabinet Lecoq-Vallon & Feron-Poloni dans cette plainte. Rédigée de façon très claire, elle permet de comprendre le mécanisme implacable d’une arnaque basée sur un jeu de valorisations à géométrie variable selon que les artisans de l’embrouille soient acheteurs ou vendeurs d’actifs aux épargnants floués par l’entremise de leurs entreprises.

En résumé, les filous survalorisent leur coquille quand ils y font entrer les épargnants à prix d’or, puis dévalorisent d’un coup l’ensemble ainsi constitué pour le siphonner par un autre tour de passe-passe.

Pour la compréhension et une lecture plus ludique, Deontofi.com s’est contenté d’ajouter quelques intertitres ne figurant pas dans la plainte d’origine. Toutes les références aux noms et préjudices individuels des victimes ont aussi été retirées par souci de protection de leur vie privée, et surtout pour les mettre à l’abri d’autres arnaques.

  1. Commercialisation frauduleuse d’investissements dans un fonds hôtelier dans le cadre d’une opération de défiscalisation au 31 décembre 2014

Mes clients ont été démarchés afin de réaliser des opérations de défiscalisation dans le cadre d’un montage conçu par les Sociétés Groupe MACHEFERT, ARKEON GESTION et ARKEON FINANCE.

Ils ont souscrit à des augmentations dans le capital des sociétés RAPHAEL, THALIE et AGLAE ayant la forme juridique de SAS (société par actions simplifiée).

Ces opérations devant intervenir avant le 31 décembre 2014 ont été réalisées dans le cadre d’un dispositif fiscal de réduction du  montant ou de l’assiette ISF (Impôt Sur la Fortune) ou de l’IR (Impôt sur le Revenu) dans le cadre de la Loi « TEPA » (Loi du 21 août 2007 en faveur du Travail, de l’Emploi et du Pouvoir d’Achat) présentées sous la dénomination « PANIER HOTELIER 2015 ». (Pièce n°1)

Cependant et dans tous les cas, l’actionnaire majoritaire de ces structures était Monsieur Patrick MACHEFERT, directement ou par l’intermédiaire de sa société dénommée « Groupe MACHEFERT » ou de la société CAPINVEST SERVICES LTD.

C’est Monsieur Patrick MACHEFERT, représentant légal de sa société Groupe MACHEFERT, qui est le promoteur de cet investissement conformément à la présentation adoptée dans un document commercial qu’il a édité le 15 octobre 2014 intitulé « présentation ARKEON FINANCE ». (Pièce n°2)

Monsieur Patrick MACHEFERT est Président Directeur Général de la société LES HOTELS DE PARIS, dont le capital est détenu en grande partie par la société « Groupe MACHEFERT » ou les sociétés appartenant à ce Groupe.

Un investissement 100% hôtelier

La plaquette éditée par la société ARKEON FINANCE intitulée « ARKEON Panier hôtelier 2015 – réduction du montant de l’assiette ISF 2015 » précisait :

« Poids de chaque société :

Si le total des engagements de souscription au PANIER HOTELIER 2015 est inférieur à 1.327.000 €, le panier sera restreint à la seule société RAPHAEL qui recevra la totalité des souscriptions.

 Si le total des engagements de souscription au PANIER HOTELIER 2015 est compris entre 1.327.000 € et 3.827.000 €, le panier sera d’abord affecté à la société RAPHAEL, à hauteur de 1.327.000 €, puis affecté à la société THALIE.

 Si le total des engagements de souscription au PANIER HOTELIER 2015 est supérieur à 3.827.000 €, le panier sera d’abord affecté à la société RAPHAEL, à hauteur de 1.327.000 €, puis affecté à la société THALIE à hauteur de 2.500.000 €, puis affecté à la société AGLAË.

 Le total des souscriptions est plafonné à 6.327.000 €.» (Pièce n°3)

Il résulte de ce qui précède que la totalité des sommes collectées dans le cadre du « panier hôtelier 2015 » devait être affectée à une activité hôtelière développée par la société RAPHAEL et/ou THALIE et/ou AGLAE en fonction des sommes collectées et donc à une activité opérationnelle d’exploitation de fonds de commerce hôtelier pour chacune de ces entités.

Prestige et rentabilité assurés

Il était ainsi précisé sur la plaquette intitulée « SAS THALIE » :

« la SAS THALIE a pour activité l’acquisition, la rénovation d’exploitation de fonds de commerce hôteliers à taille humaine.

 Après l’acquisition d’un fonds hôtelier idéalement situé au cœur du quartier latin et du vieux Paris avec ses rues typiques et ses pierres chargées d’histoire, la décoration des 22 chambres sera revue pour offrir aux résidents une expérience de quiétude inspirée par le séjour d’Arthur RIMBAUD qui y rédigea ses poèmes ».

« L’hôtel s’inscrira de ce fait au centre de la vie intellectuelle parisienne passée et présente, avec ses cafés et restaurants pittoresques ».

« Dès la première année d’exploitation pleine, la société dégagera un résultat positif ». (Pièce n°4) (…)

La totalité des investisseurs individuels, aurait investi collectivement par l’intermédiaire de la société ARKEON FINANCE ou d’autres conseils en gestion de patrimoine, dans la société SAS RAPHAEL à hauteur de 2,5 millions d’euros et 1,35 millions d’euros dans la SAS THALIE.

Conformément à ce qui apparaissait dans la plaquette précitée, l’excédent des sommes collectées du montant total de 3.827.000.000 euros devait donc être affecté en totalité à la SAS        AGLAE, également pour les besoins du développement de son activité commerciale.

Des anomalies graves

La chronologie des opérations menées par les promoteurs de ce montage révèle des anomalies graves.

Avant même de procéder à la commercialisation, les dirigeants du Groupe MACHEFERT,  avaient pour projet d’apporter les titres de la société MURANO, dont ils contrôlaient le capital, afin de réaliser des augmentations de capital au niveau  des SAS THALIE et RAPHAEL pour en détenir le contrôle.

Captation par apport de gonflette

Ainsi, le 20 mai 2014 lesdites augmentations ont été réalisées par apport des titres de la société MURANO valorisés par la société KPMG, commissaire aux apports de cette opération, à 103,18 € par action.

Le 31 décembre 2014, et alors que la totalité des investissements ci-dessus énumérés n’étaient pas réalisés, cette valorisation a été abaissée de manière drastique lors de la fusion de la société MURANO avec la société LES HOTELS DE PARIS, entités dont Monsieur Patrick MACHEFERT et son groupe détenaient le contrôle à 17,78 € par action.

Les promoteurs de ce montage semblent avoir gonflés artificiellement la valeur de la société MURANO qui devait leur permettre d’améliorer et de contrôler le capital des SAS RAPHAEL et THALIE au mois de mai 2014.

Par exemple, une plaquette éditée antérieurement par ARKEON GESTION intitulée « SAS THALIE » précisait que Monsieur Patrick MACHEFERT détiendrait 24,99 % du capital, la société CAPINVEST SERVICES LTD 24,99 %, Madame Christiane DERORY 16,69 % et le panier ARKEON FINANCE 33,33 %. (Pièce n°4)

La fraude était d’autant plus facile à réaliser que les acteurs de ces opérations étaient les mêmes personnes morales détenues par les mêmes personnes physiques.

Patatras et dilution

Cette manipulation a été révélée six mois plus tard lors de la fusion entre les sociétés MURANO et LES HOTELS DE PARIS sans que de réelles raisons économiques ne puissent justifier cette réduction de valeur sur un temps aussi court.

Mes clients investisseurs ont subis les effets d’une dévalorisation de plus de 80 % en moins de six mois des actions de la société MURANO apportées dans le capital des sociétés dans lesquelles ils investissaient (THALIE, RAPHAEL).

La perte s’est ensuite trouvée amplifiée avec la baisse du cours de cotation des actions de la société LES HOTELS DE PARIS.

Le 30 décembre 2016, il a été décidé par une assemblée générale extraordinaire des SAS THALIE et RAPHAEL de fusionner ces deux personnes morales avec la société LES HOTELS DE PARIS.

Cette opération a entrainé une parité de conversion qui a fait encore diminuer de plus de 90 % l’investissement initial.

Plus précisément, l’actif net de ces sociétés a été réduit de 94 % (c’est-à-dire qu’un investissement initial de 1000 euros en juillet 2014 vaut aujourd’hui 66 euros), alors même que les sociétés n’ont  connu aucune activité.

Ainsi font les siphonnages

Partant d’un investissement initial de 1000 euros, on peut attribuer la perte de valeur de 934 euros à deux facteurs :

  1. La survalorisation des titres MURANO apportés en mai 2014 par Monsieur MACHEFERT aux deux SAS THALIE et RAPHAEL ; La révision drastique de la valorisation de ces titres lors de la fusion MURANO / Hôtels de paris en décembre 2014 faisant ressortir une perte de 673 euros ;
  2. Les fusions / absorptions des sociétés RAPHAEL et THALIE par les Hôtels de paris se traduisant enfin par une réduction supplémentaire de valeur de 261 euros.

Ainsi, l’investissement de 7,5 millions d’euros financé à plus de 67 % par Monsieur Patrick MACHEFERT (24,99 %), Madame Christiane DERORY, sa compagne (16,69 %), et la société CAPINVEST SERVICES LTD,  société contrôlée par Monsieur Patrick MACHEFERT et son groupe (24,99 %) cumulé avec les sommes apportées par les investisseurs (2,5 millions) n’a jamais été respecté alors que cette information a évidemment déterminé le consentement des épargnants. (Pièce n°4)

Aux lieu et place de l’investissement précité, les personnes physiques et sociétés inventoriées ci-dessus ont apportées, en mai 2014, les actions de la société MURANO dans les conditions précédemment évoquées et dont la valeur avait été artificiellement gonflée.

Dès lors, les plaignants ont indiscutablement été trompés sur la parité annoncée dans les documents commerciaux versés aux débats sur la foi desquelles ils se sont engagés. (Pièce n°4)

Nul doute que mes clients n’auraient pas réalisé l’investissement en cause s’ils avaient su qu’ils devaient, contrairement à la parité annoncée, financer à eux seuls 90 % du capital des sociétés THALIE et RAPAHEL, en raison de l’apport des titres de la société MURANO.

Cela a permis à Monsieur Patrick MACHEFERT, Madame Christiane DERORY et la société CAPINVEST SERVICES LTD, notamment, de ne pas réaliser les investissements annoncés (Pièce n°4).

Ces manipulations capitalistiques s’ajoutent au fait que les investissements annoncés n’ont effectivement jamais été réalisés, faisant perdre au montage son caractère défiscalisant qui constituait pourtant la motivation première de mes clients.

Tout ça pour du vent fiscal

En effet, les faits les plus choquants résultent du fait que les business plan de ces financements destinés à l’achat de fonds de commerce hôteliers au sein des SAS RAPHAEL, THALIE et AGLAE n’ont jamais été réalisés, lesdites sociétés n’ayant jamais connu les activités annoncées.

L’Administration Fiscale a elle-même relevé ces anomalies dans des propositions de rectification adressées à certains de mes clients.

« Il apparaît :

  • Que la société RAPHAEL n’a procédé à aucune acquisition, construction ou exploitation d’hôtels depuis le 5 juin 2014 ;
  • Que la société RAPHAEL détient une participation de 2,37 % dans la société les Hôtels de paris (information obtenue dans le cadre de la vérification de comptabilité de cette dernière) ; une convention de trésorerie lie les 2 sociétés ;
  • Que dans le cadre d’une convention de prestation de services entre les 2 sociétés précitées, la société les Hôtels de paris s’est engagée à apporter son assistance en matière administrative, comptable et financière de la société RAPHAEL (information obtenue dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société les Hôtels de Paris) ;
  • Que la société RAPAHEL ne dispose pas de personnel significatif, aucun salaire n’ayant été versé en 2015 et 1044 € de salaire en 2016 (information issue de la déclaration annuelle des salaires) ;
  • Que la société RAPHAEL a été absorbée lors d’une fusion par la société les Hôtels de Paris en date du 30 décembre 2016 ;
  • Que le conseil d’administration de la société les Hôtels de Paris, lors de la réunion du 17 novembre 2016 examinant le projet de fusion, a indiqué qu’après 18 mois de recherche, le management de la société RAPHAEL n’avait pas atteint son objectif d’acquisition ou de création de fonds de commerce hôteliers en vue de les faires exploiter par la société les Hôtels de Paris au moyen d’une convention de gestion. » (Pièce n°51)

Tant va la cruche à l’eau…

 Par jugement du Tribunal de Commerce de Paris en date du 14 janvier 2016, la société ARKEON GESTION  a été mise en liquidation judiciaire.

Le 1er mars 2016, la société ARKEON FINANCE  a également été mise en liquidation judiciaire par la même juridiction.

  1. Les infractions commises

Les faits ci-dessus sont constitutifs d’abus de confiance sanctionnés par l’article 314-1 du Code Pénal qui prévoit :

« L’abus de confiance est le fait pour une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé ».

Abus de confiance et tromperie

L’abus de confiance est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375.000 euros d’amende.

Ces faits relèvent également de l’infraction de tromperie sanctionnée par les dispositions de l’article L.213-1 du Code de la Consommation :

« Sera puni d’un emprisonnement de deux ans au plus et d’une amende de 300 000 euros quiconque, qu’il soit ou non partie au contrat, aura trompé ou tenté de tromper le contractant, par quelque moyen ou procédé que ce soit, même par l’intermédiaire d’un tiers :

 1° Soit sur la nature, l’espèce, l’origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toutes marchandises ;

 2° Soit sur la quantité des choses livrées ou sur leur identité par la livraison d’une marchandise autre que la chose déterminée qui a fait l’objet du contrat ;

 3° Soit sur l’aptitude à l’emploi, les risques inhérents à l’utilisation du produit, les contrôles effectués, les modes d’emploi ou les précautions à prendre.

 Le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. »

Comme tant d’appels à l’épargne de PME, énergies renouvelables et financements participatifs

Ces infractions sont aggravées par le fait qu’elles ont été commises dans le cadre d’un appel public à l’épargne.

  1. Préjudices et lien de causalité

Mes clients ont chacun subi un préjudice au titre de la perte de 94 % du capital investi et des redressements fiscaux précités.

Il est certain qu’ils n’auraient pas adhéré au montage crée par le Groupe MACHEFERT et ses représentants légaux et commercialisé par ce dernier et les sociétés ARKEON s’ils avaient été correctement informés des intentions réelles des dirigeants et de la surévaluation des investissements en cause.

Gravement trompés

Il a été démontré par ce qui précède que le caractère défiscalisant de l’investissement à déterminé le consentement de mes clients.

Ceux-ci ont été gravement trompés, considérant que les sociétés RAPHAEL et THALIE n’ont jamais connu d’activité réelle contrairement à ce qui a été annoncé dans les plaquettes de présentation.

Leur argent détourné

Bien au contraire, les sommes collectées, ont servi, en définitive, à alimenter la trésorerie de la société LES HOTELS DE PARIS, dans le seul intérêt des actionnaires de la société Groupe MACHEFERT et de Monsieur Patrick MACHEFERT.

 Il ressort de ce qui précède que :

  • Les investissements annoncés n’ont en réalité jamais été réalisés,
  • Les sommes collectées par le biais de l’appel public à l’épargne diligenté par la société ARKEON a permis de financer la trésorerie de la société LES HOTELS DE PARIS et de la société du groupe MACHEFERT au travers des opérations précitées.

Nicolas LECOQ-VALLON (signataire de la plainte originale, éditée ci-dessus avec quelques coupes et ajout d’intertitres par Deontofi.com)

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