Objectif 10%, doublement ou triplement du capital, les fonds à promesses et autres placements structurés à formule séduisent les épargnants. Mais leur apparente simplicité et prévisibilité est aussi à l’origine de nombreux malentendus qui nourrissent un débat intense entre leurs détracteurs et leurs défenseurs. Alors, pour ou contre les fonds à formule et placements structurés ? Les explications de Deontofi.com.
Cinq minutes pour comprendre :
Retrouvez ici l’interview TV sur ce thème dans l’émission Ecorama du 19/10/2015
1/ Pour bien comprendre de quoi on parle, peut-on rappeler ce qu’on appelle des fonds à formule et placements structurés ?
– A l’origine, ces placements ont été inventés dans les années 1990 pour permettre aux épargnants de profiter du potentiel de hausse de la Bourse tout en ayant une protection de leur capital en cas de baisse de la Bourse. On parlait à l’époque de fonds garantis, et ils ont eu rapidement du succès car ils répondaient à un vrai besoin. En pratique, ce n’est évidemment pas simple. Si on pouvait investir en Bourse sans risque, cela se saurait. Il y a donc bien un loup. Au début, le contexte financier facilitait la conception de ces placements. Les taux d’intérêt étaient assez élevés (autour de 9% dans la première moitié des années 1990 et de 7% dans la seconde) pour assurer le remboursement de 100% du capital tout en disposant d’une partie de l’argent investi pour miser sur les gains de la Bourse, notamment grâce aux marchés à terme. Une variante de cette recette un peu plus sophistiquée est ce que les professionnels appellent la technique d’assurance de portefeuille, une méthode de gestion qui consiste schématiquement à augmenter l’exposition aux fluctuations boursières quand le marché monte et les réduire quand il baisse. Un des premiers fonds de ce type créé par Rothschild il y a exactement vingt ans, à l’automne 1995, s’appelait Fourmi Cliquet. C’était un fonds ouvert, dans lequel on pouvait entrer et sortir à tout moment, avec une indexation permettant d’engranger environ 60% des gains de l’indice CAC 40 chaque trimestre, et un cliquet qui remontait la protection du capital à chaque fois. A l’époque c’était une véritable innovation.
Malheureusement, le contexte financier et l’innovation ont évolué par la suite dans un sens beaucoup moins favorable à ce type de placements. Au cours des années 2000, les taux d’intérêt étaient déjà beaucoup plus bas (autour de 5%) et il était beaucoup plus difficile de monter des fonds garantis permettant de profiter réellement des gains de la Bourse. Du coup on a commencé à voir apparaître toutes sortes de placements à formules moins simples, et surtout plus risqués que les pionniers du genre. En gros, on a vu se développer deux grandes familles de fonds à formule et de placements structurés.
2/ On entend parler de fonds à formule et de produits structurés, c’est la même chose ?
– Oui et non. En apparence, c’est souvent la même chose, c’est-à-dire que la formule de calcul qui détermine ce que l’on récupère à l’échéance de ces placements peut être identique dans un fonds à formule ou un produit structuré. Mais en réalité, il faut bien distinguer les deux catégories, car sous la même appellation on peut trouver aussi bien des fonds d’investissements, du type Sicav ou FCP de droit français, qui sont soumis à des règles de gestion assez encadrées, et de l’autre des EMTN (euro medium term notes), c’est-à-dire des titres de créances de droit luxembourgeois à valeur de remboursement variable, émis par des banques avec beaucoup moins de contraintes, notamment d’information et de transparence. Une des différence, par exemple, est que les EMTN étant des emprunts bancaires, ils supportent en plus un risque de non-remboursement si la banque qui les a émis est en difficulté, ce qui est moins le cas avec les fonds d’investissement qui n’ont pas le droit de placer plus de 10% de leurs actifs sur des titres émis par une même banque.
3/ Concrètement, est-ce qu’on peut donner quelques exemples pour bien comprendre ces différents types de placements à formule et produits structurés ?
– Bien sûr, déjà on peut reprendre les deux grandes familles de placements à formule qui se sont développées au début des années 2000. D’un côté on a les fonds à capital garanti qui promettent un gain, mais en réalité aléatoire en fonction de l’évolution des marchés, et de l’autre on a des placements qui font miroiter une possibilité de gain séduisante, mais sans garantie du capital.
Dans ces catégories on peut prendre quelques exemples qui ont défrayé la chronique, il y a eu l’affaire des fonds Bénéfic de La Banque Postale, souscrits par 300 000 épargnants, qui promettaient 23% de gain « même si la Bourse fait zéro » et qui ont finalement subi 20 à 35% de pertes selon les millésimes. Dans le même esprit il y a eu le fonds Ecureuil Europe 2003 des Caisses d’épargne, souscrit par 275 000 clients, qui a perdu 22,5% alors qu’il promettait un gain de 20%« sauf si l’indice euroStoxx perdait plus de 20% ». Toujours aux Caisses d’épargne, on a eu ensuite les fonds Doubl’Ô, souscrits en 2001 et 2002 par 240 000 clients, pour un total de 2,5 milliards d’euros, et qui a rapporté zéro alors qu’il promettait de doubler, là encore sauf si une des actions du panier de référence perdait 40% avant l’échéance du fonds. Il y a eu des tonnes de placements à formule de ce type que j’avais appelée les « sauf si », puisqu’ils promettaient toujours des gains fabuleux « sauf si » une petite ligne de la formule subissait un accident boursier finalement pas si improbable qu’on voulait le faire croire.
Face à l’explosion des litiges et des condamnations des banques par la Cour de cassation, les autorités boursières ont été obligées de réagir en renforçant la protection des épargnants, d’abord à partir de 2010, quand l’AMF et l’Autorité de contrôle des assurances ont adopté une position commune pour encadrer un peu les discours marketing afin de limiter les présentations trompeuses et publicités mensongères. Puis dans un avis adopté il y a deux ans, en 2013, pour interdire officiellement d’utiliser le terme « garanti » quand un placement ne garantit pas aux épargnants de récupérer l’intégralité de leur investissement. Mais ça n’a pas suffit, puisque des scandales ont encore été condamnés par les tribunaux, notamment dans le cas du fonds Doubl’Ô de l’Ecureuil.
4/ Donc tout ça c’est le passé, mais maintenant que valent les nouvelles générations de produits structurés ? Qu’est-ce qu’ils proposent ?
– Les fabricants de placements à formule et de produits structurés se sont adaptés à la nouvelle réglementation. Comme il est interdit de vanter des fonds garantis qui ne le sont pas, ils parlent de fonds « protégés » et proposent des placements encore plus simplifiés, qu’on pourrait appeler les « gagne peu et tire-toi, ou reste collé », baptisés « autocall » dans le jargon financier (pour illustrer le fait que leur remboursement automatique se déclenche si la Bourse monte). En gros le principe est le suivant : on vous promet un gain de 6%, 8% ou 10% par an, selon les montages, avec un remboursement immédiat du capital si la Bourse est stable ou en hausse par rapport au niveau initial quand vous souscrivez. A l’inverse, si la Bourse baisse, vous êtes collé avec votre placement qui ne rapporte rien jusqu’à l’échéance, parfois de six à dix ans. Enfin, selon la formule de calcul et le coussin prévu, vous pouvez subir une perte en capital au moment du remboursement si la Bourse a baissé, par exemple de plus de 30%, ce qui arrive plus facilement qu’on le croit.
5/ Mais un placement qui rapporte 5% ou 10% si la Bourse plafonne, cela peut quand-même être intéressant pour des investisseurs qui veulent diversifier leur patrimoine.
– Oui. Effectivement, pour un investisseur averti, certains placements à formule peuvent avoir leur légitimité s’ils s’inscrivent dans une stratégie de diversification dont ils maîtrisent bien les enjeux. Par exemple à l’époque du fonds Bénéfic, de La Poste, ce placement proposait un gain de 23% même si l’indice CAC 40 gagnait zéro, avec un amortisseur de 23% par rapport à l’évolution de l’indice CAC 40 en cas de baisse. En soit, ce n’était pas un mauvais calcul, plutôt que d’investir directement sur le CAC 40, qui atteignait 6000 points en décembre 2000 quand ont été vendus les fonds Bénéfic. A ce niveau, avoir un gain de 23% si la Bourse ne montait plus et un amortisseur de 23% en cas de baisse n’était pas forcément un mauvais calcul par rapport à un investissement 100% boursier.
De même aujourd’hui, si l’on pense que la Bourse ne va pas trop monter ni s’écrouler, il peut être intéressant de miser sur certains placements du type « gagne peu et tire-toi, ou reste collé », les fameux « autocall », mais c’est plus un pari qu’un placement de père de famille.
6/ Les fonds à formule et les produits structurés n’ont pourtant pas très bonne presse et ont beaucoup de détracteurs, pourquoi ?
– Le problème des placements à formule est que leur succès se construit sur un malentendu qui entraîne beaucoup de déconvenues.
D’abord il y a beaucoup trop souvent une asymétrie d’information entre les caractéristiques réelles de ces placements et la façon dont ils sont présentés par les vendeurs et compris par les épargnants. Comme on l’a dit, l’attrait principal de ces placements est la lisibilité du résultat qu’ils doivent donner à l’échéance selon l’évolution des marchés. Du coup, les cibles de ces placements sont souvent les épargnants les plus frileux qui ont besoin d’être rassurés par cette lisibilité. Sauf que c’est une lisibilité apparente, car au bout du compte le résultat reste tout aussi aléatoire qu’avec les purs placements boursiers, sauf que l’aléa est saucissonné en quelques scénarios tranchés ce qui réduit la perception des risques réels. Si on prend l’exemple des fonds « gagne peu et tire-toi ou reste collé » (les fameux « autocall »), on peut avoir des scénarios à pile ou face. Au bout de dix ans si la Bourse termine 1% en-dessous de son niveau initial lors de la souscription, on n’a rien gagné et perdu beaucoup en frais, si la Bourse termine 1% au-dessus, on peut doubler son capital. C’est comme à la tombola !
Un autre aspect psychologique qui joue un rôle important au moment de la souscription comme au moment de la déception, est que les épargnants en quête de certitude ont aussi tendance à vouloir croire au meilleur scénario qui leur est présenté, ce qui est ennuyeux car ce sont en même temps généralement les épargnants les plus frileux et attaché à la sécurité qui sont la cible de ces produits, plutôt que ceux ayant une gestion dynamique de leurs placements.
7/ D’accord, c’est comme beaucoup de placements, il vaut mieux rester à l’écart si on ne comprend pas. Mais concernant leurs caractéristiques financières elles-mêmes ?
– On peut dire ça, mais là encore, il faut vraiment être vigilant, justement parce que ces placements sont beaucoup plus complexes que les présentations qui en sont faites avec un vocabulaire ou des présentations trompeuses. Par exemple on a remplacé le mot garanti par « protégé » pour désigner les mécanismes réduisant l’ampleur ou la probabilité de perte. Mais pour beaucoup de gens un placement « protégé » c’est sans risque, alors qu’on peut perdre. Il faudrait dire coussin, ou amortisseur, ou saut à l’élastique quand il s’agit de fonds qui peuvent s’écraser en cas de krach boursier malgré une protection apparente.
Le second problème est qu’il y a aussi un déséquilibre dans le partage des risques et des performances de ces produits structurés et placements à formule, au détriment des épargnants et à l’avantage des banques, davantage que l’inverse. Les banques veulent gagner de l’argent sur ces placements, et c’est compréhensible, mais cela relativise aussi l’intérêt de lisibilité de ces placements, puisqu’il est justement impossible de savoir à quel point l’inégalité de partage des risques et des performances avec la banque est défavorable aux épargnants.
En pratique, non seulement personne ne connaît réellement les marges que prennent les banques sur la conception de ces placements, les autorités boursières avaient essayé d’étudier cette question dans les années 2000 et n’a jamais pu avoir de transparence suffisante des banques sur ce point. Et d’autre part tout est fait pour empêcher la comparaison entre ces produits, car ils ont tous des caractéristiques légèrement différentes et des périodes de souscription et d’échéances différentes, ce qui pénalise aussi la concurrence au détriment des épargnants.
Au bout du compte, les placements à formule peuvent être éventuellement un bon compromis pour ceux qui veulent profiter du potentiel de hausse de la Bourse avec un peu moins de risque que dans la plupart des fonds en actions, à condition de savoir les analyser et de bien les comprendre, ce qui n’est pas évident. Mais c’est un très mauvais choix pour ceux qui recherchent la sécurité absolue, sauf éventuellement après une ou deux années de fort repli boursier.
bonjour,
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cordialement 18 10 2016
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En espérant que ces réponses vous auront été utiles, bonne lecture sur Deontofi.com
Royal ce moment passez avec vous, merci bien pour cette bonne lecture.