Jusqu’à la fin des années quatre vingt-dix, des centaines de milliers de fonctionnaires misaient sur le Cref pour améliorer leurs vieux jours. Ce système facultatif à adhésion individuelle proposait d’acquérir des « points de retraite » permettant de «bénéficier d’une allocation-rente à vie» garantissant «le maintien du pouvoir d’achat», grâce à une indexation des rentes sur le salaire des fonctionnaires. En pratique, la pension provenait pour deux tiers d’une «allocation prélevée sur les cotisations versées par les actifs», comme dans un régime par répartition obligatoire.
Dès 1998, la Commission de contrôle des mutuelles (CCMIP) s’était inquiétée de la solvabilité du Cref et avait commandé un rapport à l’Igas (inspection générale des affaires sociales) après lequel la MRFP (mutuelle gérant le Cref) avait été mise en demeure de se mettre en conformité. Un programme de redressement s’était soldé par «la baisse uniforme pour tous les sociétaires de 25% de la valeur de service du point Cref en répartition», et la «transmission universelle de son patrimoine par voie de fusion» avec une nouvelle Union Mutualiste Retraite (UMR) créée pour l’occasion.
Entre la responsabilité civile de la MRFP et de son repreneur UMR concernant les engagements à l’égard des épargnants, la responsabilité pénale et civile des anciens dirigeants du Cref, accusés de malversations, et celle de l’Etat, chargé de veiller à la solvabilité de la mutuelle, les épargnants étaient confrontés à un véritable labyrinthe judiciaire. Trois grands fronts ont ainsi été ouverts en justice par maîtres Nicolas Lecoq Vallon et Hélène Feron-Poloni, rejoints par Stéphane Bonifassi, pour faire reconnaître le préjudice subit par des milliers de cotisants lésés, regroupés au sein du CIDS (Comité d’information et de défense des sociétaires).
Sur le front administratif, un arrêt de la Cour administrative d’appel du 14 juin 2012, confirmé par le Conseil d’Etat a condamné l’Etat à indemniser les victimes du Cref à hauteur de 20% de leur préjudice. Cette indemnisation a déjà été versée aux premiers plaignants, d’autres devant en bénéficier en fonction des vagues de démarches successives.
Sur le front pénal, l’ancien président du Cref, René Teulade, a été reconnu coupable d’abus de confiance par la Tribunal de grande instance de Paris, dans un jugement du 8 juin 2011, qui le condamnait à dix-huit mois de prison avec sursis et 5.000 euros d’amende, au côté de sept autres anciens dirigeants condamnés à des peines plus légères. Leur procès en appel, qui devait débuter ce mercredi 15 mai, a été renvoyé à 27 novembre prochain, en raison des ennuis de santé de l’avocat de Mr Teulade.
Sur le front civil, la responsabilité de la MRFP à l’égard des épargnants a été établie par un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 29 avril 2011, confirmé par un arrêt de la Cour de Cassation du 14 novembre 2012 : «Cet arrêt est très important pour la suite des procédures, explique Maître Lecoq-Vallon, car il reconnaît la responsabilité de la MRFP au titre de son devoir de conseil et le préjudice subit par les victimes du Cref.» Cet arrêt de 350 pages, compte tenu de l’obligation d’indiquer la situation de chacune des 5000 victimes requérantes, accorde à ces dernières 5,5 millions d’euros de dommages et intérêts à se répartir, ainsi que 20.000 euros pour couvrir les frais d’avocats, très lourds en l’absence de procédures collectives.
A la suite de cette décision, la MRFP a déjà versé 1,7 million d’euros en dédommagement aux victimes concernées avant d’être déclarée en cessation de paiement et mise en liquidation judiciaire par un jugement du 6 juillet 2011. A la demande des requérants, Maître Valérie Leloup-Thomas, désignée pour administrer cette liquidation, a engagé un recours en comblement de passif contre l’UMR, juridiquement responsable des engagements de la MRFP. L’audience en vue de récupérer les 3,8 millions d’euros d’indemnisations impayées devrait se tenir au Tribunal de grande instance de Paris en 2014.
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