Alors que les médias sont saturés par une avalanche d’information, d’articles et de commentaires sur le Brexit, depuis le scrutin britannique sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne, des épargnants inquiets cherchent en vain la réponse à une question plus concrète sur les conséquences de cet événement pour les actions britanniques et fonds de placements en valeurs anglaises détenus dans leur Plan d’épargne en actions (PEA). Les réponses et explications de Deontofi.com.
Cinq minutes pour comprendre :
Retrouvez ici l’interview TV sur ce thème dans l’émission Ecorama du 4/7/2016
1/ Quel est l’intérêt d’avoir des actions britanniques dans son portefeuille ?
– On peut déplorer ou se féliciter du Brexit, selon ses opinions et l’imaginaire qu’on y projette, mais la Grande-Bretagne a toujours joué un rôle important sur le plan économique et financier. Pour avoir un ordre de grandeur, les actions britanniques pèsent 7,3% au sein de l’indice MSCI World des pays développés, contre 3,7% pour les actions françaises. En résumé, l’Angleterre pèse deux fois plus que la France.
Non seulement le Royaume-Uni est une grande puissance économique parmi les pays développés, mais elle tient en plus une place assez particulière entre les grandes zones géographiques de l’OCDE. En terme de localisation, la Grande-Bretagne est évidemment associée au Vieux Continent. Mais compte tenu de sa très forte internationalisation, liée au passé de son empire colonial, et de ses liens culturels, linguistiques et commerciaux privilégiés avec son ex-colonie d’Amérique, l’évolution de l’économie britannique est moins corrélée à celle de l’Europe, par rapport à des piliers européens comme la France et l’Allemagne. Pour simplifier, l’Angleterre est souvent décrite économiquement comme à mi-chemin entre l’Europe et les Etats-Unis.
2/ Quel type de sociétés britanniques peut-on acheter dans un Plan d’épargne en actions ?
– Depuis 2002, toutes les actions de sociétés ayant leur siège social dans un état de l’Union Européenne sont éligibles au PEA, à condition qu’elles soient soumises à l’impôt sur les sociétés (comme on l’a vu à propos de société foncières SIIC ayant perdu leur éligibilité le 21 octobre 2011 par non respect de ce dernier critère). Donc jusqu’ici toutes les valeurs britanniques sont éligibles au PEA. Pour donner quelques exemples de sociétés mondialement connues parmi les plus grandes valeurs de l’indice FTSE 100 de la Bourse de Londres, le fameux « footsie » comme le surnomment les anglais (sans rapport avec le foot), on peut citer les pétroliers Royal Dutch Shell ou BP, les groupe alimentaire Unilever, SAB Miller ou Diageo, mais aussi British American Tobacco et son concurrent Imperial Brands (qui a racheté en 2007 Altadis, issu d’une fusion de la Seita avec l’Espagnol Tabacalera en 1999), les laboratoires GlaxoSmithKline, AstraZeneca ou Shire, le groupe de luxe Burberry, ou les groupes miniers BHP Billiton et Rio Tinto, parmi de nombreux secteurs apportant une diversification supplémentaire par rapport aux valeurs françaises.
3/ Est-ce que les valeurs britanniques vont perdre leur éligibilité au PEA avec le Brexit ?
– En théorie, c’est le premier scénario que l’on pourrait imaginer. La condition pour être éligible au PEA étant d’avoir son siège dans un pays de l’UE, on pourrait en déduire que la sortie de la Grande-Bretagne de l’UE entraîne la perte d’éligibilité des actions britanniques au PEA. Mais ce n’est absolument pas certain, car il existe déjà des contre-exemples de pays non membres de l’UE dont les sociétés sont éligibles au PEA. En effet, depuis 2005, les titres émis par des sociétés ayant leur siège dans un autre État partie à l’accord sur l’espace économique européen, l’EEE peuvent être éligibles au PEA si ces pays ont conclu avec la France une convention d’assistance administrative pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, comme l’explique le bulletin officiel des impôts. C’est actuellement le cas pour la Norvège, l’Islande, et tenez-vous bien, le Lichtenstein, micro principauté entre la Suisse et l’Autriche dont la réputation de vigilance contre l’évasion fiscale n’est plus à faire. Donc il n’est absolument pas certain que les valeurs britanniques perdront leur éligibilité au PEA avec la sortie du Royaume-Uni de l’UE, cela dépendra des conditions de cette sortie et des nouveaux accords conclus entre ce pays et la France. Sans parler du calendrier lié à ces évolutions qui reste à préciser. En attendant, les valeurs britanniques et les Sicav ou fonds de placements en valeurs britanniques restent parfaitement éligibles au PEA.
4/ Mais si l’Angleterre sort de l’UE sans nouvel accord et que les valeurs britanniques perdent leur éligibilité au PEA, que se passera-t-il ?
– Là encore, il est difficile de prédire l’avenir, mais si l’histoire est un guide on a déjà des cas antérieurs de perte d’éligibilité au PEA. Cela a pu être le cas lorsque des sociétés éligibles au PEA ont été absorbée par des sociétés qui ne l’étaient pas, comme récemment Lafarge absorbée par le suisse Holcim, ou la fusion il y a vingt ans du groupe de travail temporaire Ecco avec le suisse Adia pour créer Adecco. Il y a deux ans, en 2014, on avait aussi eu la perte d’éligibilité au PEA de toute une gamme de fonds trackers indiciels internationaux de Lyxor, en raison d’un changement de méthode de gestion.
En théorie, il est interdit de détenir dans son PEA des valeurs qui n’y sont pas éligibles, et une entorse à cette règle pourrait entraîner la clôture d’office du PEA entraînant la perte de ses avantages fiscaux. Mais en pratique, cela ne se produit généralement pas, car l’administration fiscale et les établissements dépositaires des PEA veillent aux mesures d’accompagnement pour que la perte d’éligibilité indépendante de la volonté des détenteurs de PEA ne les pénalise pas outre mesure. Il y a donc généralement avertissements aux clients avant que des valeurs perdent leur éligibilité. Et des procédures sont prévues pour que les titres perdant leur éligibilité puissent être sortis du PEA par les épargnants qui ne souhaitent pas les vendre, avec un mécanisme de compensation en liquidités pour que cette opération soit neutre fiscalement.
5/ Quelle est la procédure envisageable si les valeurs britanniques sortent du PEA ?
– Si les actions britanniques perdaient leur éligibilité au PEA, les épargnants qui en détiendraient dans leur PEA seraient probablement obligés de les vendre ou de participer à une opération de transfert de ces titres sur leur compte titres ordinaire (CTO). Dans le cas d’un transfert de titres devenant inéligibles au PEA vers un compte titres, l’idée à retenir est que cette opération doit être neutre fiscalement, au regard des contraintes et spécificités du PEA. Il faut donc prendre en compte plusieurs de ces enjeux :
– Les plus-values réalisées dans le PEA sont exonérées d’impôt, seule la globalité des gains du PEA (plus-values et dividendes diminués des moins-values) est taxée aux prélèvements sociaux lors des retraits du PEA.
– Les versements sur le PEA sont plafonnés à 150 000 euros (depuis janvier 2014, contre 132 000 euros auparavant).
– Aucun versement sur le PEA n’est possible à partir du moment où un retrait a été effectué (les retraits du PEA au-delà de huit ans après son ouverture n’entraînent pas sa clôture).
– Les plus-values imposables sur un compte titres ordinaire sont calculées entre le prix de vente et le prix de revient des titres au jour de leur acquisition (ou de leur possession s’ils sont reçus en donation ou en succession).
Pour respecter tous ces paramètres, la sortie du PEA des valeurs devenant inéligible s’effectue par un virement des actions ou fonds concernés vers un compte titres ordinaire, compensé par un virement d’argent d’un montant équivalent sur le compte de liquidités du PEA.
6/ Concrètement, comment se déroule le transfert de titres inéligibles du PEA vers le compte titres et sa compensation ?
– L’opération est effectuée sous la forme d’un virement de titres de compte à compte (du PEA vers le compte titres ordinaire généralement associé au PEA dans l’établissement teneur de compte lors de son ouverture ou de son transfert) compensé par un virement de liquidités correspondant à la valeur des titres au moment de leur sortie effective du PEA.
Pour respecter au mieux ces contraintes, le prix de transfert des titres perdant leur éligibilité au PEA doit être celui au jour de leur passage sur le compte titres ordinaire. En effet, si on les transférait en retenant comme prix de revient celui du jour où ils ont été achetés dans le PEA, cela pourrait être pénalisant fiscalement. Prenez des actions achetées pour 10 000 euros dans un PEA dont la valeur atteint 15 000 euros. Si elles étaient comptabilisées sur le compte titres pour 10 000 euros, il en résulterait une plus-value imposable plus importante sur le compte titres que s’ils étaient comptabilisés avec un prix de revient de 15 000 euros.
Il en va de même vis-à-vis de la fiscalité du PEA, qui se calcule sur sa valeur globale. Prenons un PEA ouvert avec 10 000 euros investi dans des titres ayant atteint la valeur de 15 000 euros. S’ils perdent leur éligibilité au PEA et doivent en être sortis par compensation avec des liquidités, combien faut-il verser pour que sa fiscalité ne soit pas affectée ? Si l’on ne verse que 10 000 euros de liquidités (la valeur d’achat des titres devenus inéligibles), alors le gain de 5 000 euros échapperait totalement aux prélèvements sociaux en cas de clôture consécutive du PEA.
En cas de transfert de titres devenus inéligibles au PEA, la règle est donc bien de compenser leur sortie par un versement d’argent correspondant à la valeur des titres le jour de leur sortie du PEA, qui devient par la même occasion le prix de revient fiscal de ces titres retenus pour le calcul de leurs éventuelles plus-values sur le compte titres.