Oui, monsieur le Ministre des finances, vous avez des milliards de recettes fiscales sous le nez, faciles à récupérer !

Comme le souligne la Cour des comptes, « le contrôle des déclarations et du recouvrement de la taxe sur les transactions financières est insuffisant : d’une part, l’administration ne connaît pas l’ensemble des transactions assujetties à la taxe ; d’autre part, le contrôle se heurte à de nombreuses difficultés juridiques et techniques. » (p.24 du rapport).

Si l’administration «ne connaît pas l’ensemble des transactions assujetties à la taxe », c’est qu’elle refuse de les voir. En effet, ces données permettant d’avoir le détail des «transactions assujetties à la taxe » existent, et Bercy aurait parfaitement les moyens de les obtenir.

Comme on l’a vu, Euroclear, à qui Bercy délègue la collecte de la TTF, dispose chaque mois d’un tableau CSV contenant « des informations générales, puis des informations détaillées pour chaque transaction déclarée : le code ISIN, la date, la quantité, le montant, le lieu de cotation, etc. Le document indique également si la transaction est soumise à la TTF ou non, et dans ce cas pour quel motif. Enfin, les membres déclarent le montant de la taxe dû » (p.21).

Sans aucun doute, si on voulait améliorer l’efficacité et la pertinence de la TTF, Gunther Capelle-Blancard recommande que « le recouvrement soit plutôt confié directement à la direction générale des Finances publiques (DGFiP), avec l’appui de l’Autorité des marchés financiers (AMF) qui dispose des données nécessaires ; il y a de réelles synergies entre son activité de surveillance des transactions boursières et la collecte de la TTF-F ».

Indépendamment des données compilées par Euroclear, l’AMF collecte des données encore plus précises sur les transactions boursières, grâce à la révision de la directive sur les Marchés d’instruments financiers (MIF 2, entrée en vigueur le 3 janvier 2018).

ICY, la base de données « je sais pourquoi » de l’AMF

L’AMF dispose ainsi, grâce au reporting obligatoire des transactions imposées par l’article 26 de MIF 2, de toutes les transactions réalisées sur les actions françaises. Il s’agit de la base de données « RDT-TREM » (Reporting Direct des Transactions-Transaction Reporting Exchange Mechanism) centralisée sur la plateforme big data de l’AMF, baptisée ICY (qui se prononce « I see why »). Ces données sont extrêmement riches et renseignent notamment sur les lieux de négociation, et les codes LEI identifiant les entités juridiques (p.23).

Le gendarme boursier s’en félicite lui-même : « L’ensemble de ces données constitue une véritable mine d’information qui permet à l’AMF de mieux détecter les abus de marché et autres comportements frauduleux. La nouvelle plateforme permettra d’accéder rapidement et efficacement à des volumétries plus importantes d’information pour analyser l’activité d’intervenants de marché qui ont un recours croissant aux technologies » (p.28)

Pourtant, « aussi paradoxal que cela puisse paraître alors que la recherche de transparence constitue la colonne vertébrale de la régulation des marchés financiers, ces informations ne sont malheureusement pas accessibles, déplore encore le chercheur. Elles seraient pourtant d’une grande utilité – même anonymisées – pour pouvoir allouer le coût de la TTF entre les différents acteurs (particuliers/professionnels, résidents/non-résidents, etc.). Elles seraient aussi, plus largement, une source d’informations extraordinaire pour étudier le fonctionnement des marchés boursiers ; par exemple pour calculer l’horizon de placement des investisseurs » (p.23).

« Changer le dispositif de collecte permettrait d’améliorer les contrôles, d’élargir l’assiette et d’augmenter significativement les recettes fiscales, tout en renforçant la transparence et l’équité », conclue Gunther Capelle-Blancard.

Sommaire :
1- Taxe sur transactions financières, le magot fiscal caché par Bercy
2- Mensonge bancaire, l’impôt de Bourse n’est pas nuisible
3- Spéculation exonérée, épargnants taxés : objectif raté
4- Percepteur privé : l’impôt de Bourse endormi par Euroclear
5- Taxe passoire : 1000 milliards d’euros de soupçons !
6- Bercy et l’AMF ont la clé pour réduire le déficit budgétaire avec la TTF
7- 7 mesures pour mieux taxer les transactions financières et réduire le déficit

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