On s’amuse des biais qui influencent les souscripteurs d’assurance, à travers les expériences et explications du docteur en psychologie et prix Nobel d’économie Daniel Kahneman. Mais quand on est soi-même confronté aux pressions anxiogènes des assureurs pour nous vendre des assurances aux tarifs excessifs, souvent superflues, voire totalement inutiles ou en doublon, on peut aussi s’en agacer.

Transports, locations, voyages, achats, loisirs, les vacances sont l'occasion de vous vendre toutes sortes d'assurances superflues et sur-tarifées pour des risques improbables ou déjà assurés. (photo © GPouzin)

Transports, locations, voyages, achats, loisirs, les vacances sont l’occasion de vous vendre toutes sortes d’assurances superflues et sur-tarifées pour des risques improbables ou déjà assurés. (photo © GPouzin)

Pour simplifier, on peut assez facilement évaluer l’intérêt d’une assurance par rapport à son tarif, en le comparant à la probabilité du risque couvert. Cet exercice est assez facile pour les assurances couvrant le remboursement d’une somme donnée, en fonction d’un certain événement, par exemple une extension de garantie, ou encore une assurance annulation de voyage. Dans les deux cas, le tarif est souvent fixé entre 10 et 20% du prix du bien ou du service assuré. Ce prix, totalement arbitraire, ne doit pas dépasser un certain seuil pour rester psychologiquement acceptable pour le client dont on a activé la peur d’être confrontés à ce risque, comme on l’a vu dans les expériences décrites par Daniel Kahneman.

Quand vous achetez un ordinateur ou un beau téléphone dernier cri à 600 euros, garanti 1 an par le fabricant comme le veut la loi, le vendeur est très motivé pour vous caser une assurance «extension de garantie» à 59 euros pour deux ans. Premier malentendu, vous croyez acheter deux ans de garantie supplémentaire en plus de l’année de garantie légale, alors que l’extension de garantie à deux ans ne couvre souvent qu’un an de plus que la garantie légale, soit deux ans en tout. On vous vend la tranquillité en stimulant votre peur : «rendez-vous compte, s’il tombe en panne au bout d’un an et une semaine !». Mais à quel prix ? Dans le cas d’une assurance coûtant 10% du bien assuré, il faudrait que 10% des appareils achetés subissent les pannes couvertes par l’assurance, pour que ce prix soit équivalent au risque. Or, le taux de panne des appareils électriques et électroniques est plutôt autour de 2%. Le prix de la « tranquillité », vendue par l’extension de garantie, est donc environ cinq fois plus cher que le risque réellement assuré.

Si vous réservez un voyage ou un billet d’avion, l’enjeu de l’assurance «annulation» est comparable. Elle vous garantit d’être indemnisé d’un montant déterminé (le prix du billet ou du voyage non remboursable en cas d’annulation) pour un risque statistiquement très faible. Alors que le tarif de ces assurances tourne autour de 10% du prix d’un billet d’avion non échangeable, on n’imagine pas que 10% des acheteurs de tels billets annulent leur départ, d’autant que la plupart ne sont pas assurés. Si au cours de votre expérience de voyageur, vous avez dû annuler moins d’un billet de transport sur dix, une telle assurance n’est pas dans votre intérêt économique. Elle a davantage un rôle psychologique pour vous prémunir de la peur qu’un imprévu vous empêche de partir à la date fixée.

Elle est belle mon assurance ! Mais à quel prix ? Et en avez-vous réellement besoin ? (photo © GPouzin)

« Elle est belle mon assurance ! » Mais à quel prix ? Et en avez-vous réellement besoin ? (photo © GPouzin)

Vous pouvez aussi utiliser cette connaissance du mécanisme des assurances dans l’autre sens, pour évaluer la réalité d’un risque. Prenons les locations de vacances entre particuliers. Elles sont réputées plus ou moins fiables selon les sites d’annonces, mais on manque d’information précise. On a juste entendu davantage de mésaventures de clients d’un site mondialement réputé pour louer des coins de canapés. D’un autre côté, un site réputé dans les locations de vacances trie ses annonceurs et a même trouvé un assureur pour se porter garant que les locations se déroulent conformément au contrat (conformité du bien à l’annonce, dates, prix, accueil, retour de caution, etc.). Le site propose deux formules d’assurance. La première assurance, dont le prix est fixé à 3,8% du montant de la location, couvre l’annulation et les mauvaises surprises de location. Une seconde formule, tarifée à 5% du prix de la location, inclut cette couverture en ajoutant une assistance rapatriement, frais médicaux, etc (généralement déjà incluse dans votre cotisation de carte bancaire).

On en déduit deux choses. Premièrement, si vous partez du principe que les assureurs dégagent une marge extravagante sur ces assurances, leur permettant de commissionner les distributeurs, vous en déduisez que les actuaires de l’assureur ont identifié bien moins de 3,8% de locations à problème sur ce site. L’existence même de cette assurance peut vous rassurer sur le fait que le risque d’avoir un problème avec votre location est très faible, peut-être inférieur à 2%. Deuxièmement, le tarif de l’assistance est ici fixé 1,2% du prix de la location (différence entre l’assurance de base à 3,8% et celle avec assistance à 5%). C’est à la fois peu (comparé à ceux qui vendent cette assurance 5% ou 10% du prix du service proposé), et beaucoup, car on ne voit pas en quoi le coût de rapatriement ou son risque seraient plus élevés pour les clients de locations chères que de locations bon marché. Or, c’est bien le principe de cette tarification en proportion du prix principal payé.

En agitant des risques quasi-improbables qui stimulent nos peurs, on tente de nous vendre de multi-assurances superflues à des tarifs arbitraires. Ici avec un forfait de ski. (photo © GPouzin)

En agitant des risques quasi-improbables qui stimulent nos peurs, on tente de nous vendre des multi-assurances superflues à des tarifs arbitraires, comme ici avec un forfait de ski. (photo © GPouzin)

Dans le cas des assurances couvrant des risques très peu probables, on taquine davantage vos peurs en brandissant le risque financier énorme auquel vous êtes exposé. On tente de vous persuader que vous êtes totalement irresponsable si vous ne vous assurez pas vu le risque financier en jeu. C’est le principe des assurances vendues avec les forfaits de ski dans les stations de montagne (photo ci-contre).

Là encore, le tarif est relativement modeste en valeur absolue (2,90 €, soit tout de même 9,4% du prix prohibitif des remontées mécaniques) mais sans rapport avec le risque assuré. En cas de blessure en haute montagne, dans une crevasse inaccessible hors-piste, nécessitant un sauvetage par hélicoptère à votre charge, vous pourriez devoir payer bien plus que 2,90 €.

Mais combien de personnes se sont déjà trouvées dans cette situation, comparées aux millions de skieurs sur les pistes ? On compte environ 60 millions de « journées-skieurs » en France chaque année. La plupart des souscripteurs de ces assurances ne sont pas concernés par le risque, mais acceptent de payer, comme dans les expériences de Daniel Kahneman, pour «acheter» une certitude, dont ils bénéficient déjà statistiquement.

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