Tiens, revoici la saison des arnaques aux placements vins. Cette fois-ci les escrocs innovent, avec une variante d’arnaque au placement « champagne », promettant 4% de rendement par mois, soit un taux de rentabilité annualisé de 60%. Z’avez bu les gars !
Dans leur quête incessante de nouveaux thèmes d’arnaques, les escrocs réutilisent souvent les mêmes ficelles. On assiste donc à un retour en force des propositions scabreuses de placements « vins », « millésimes », et même « champagne ». Deontofi.com avait déjà attiré l’attention des épargnants sur les risques de déception avec ces placements sulfureux, et les très fréquentes arnaques qui les entourent.
Les vignerons sont eux-mêmes des cibles d’arnaques fréquentes, notamment de sites de vente de vins qui ne payent pas leurs fournisseurs ou ne livrent pas leurs clients, comme dans l’affaire du site 1855.com (racontée ici par notre confrère Eric Tréguier pour Challenges).
La vague des arnaques au pinard déferle donc à nouveau de tous côtés. Signalons d’abord une campagne de publicité relayée par Facebook, dont une part significative des revenus publicitaires est alimentée par les industriels des escroqueries en ligne, grâce à l’argent volé aux victimes de ces publicités.
Récemment, une lectrice nous a transmis la publicité suivante vue sur Facebook :
« Champagne-invest » Sponsorisée (NDLR : ça veut dire campagne d’intox)
« Nous vous proposons d’investir dans le champagne avec un minimum de 1500 euros via notre cave en ligne cela vous rapportera une rentabilité mensuelle de 4%… »
On connaît la chanson, c’est une campagne classique de collecte de coordonnées de proies potentielles pour les plumer. L’idée des escrocs, et ils ont raison, est que si un internaute est assez crédule pour croire à ce tissus d’ânerie, il donnera ses coordonnées par curiosité et sera facilement hameçonné par les escrocs, qui enclencheront l’arnaque par démarchage téléphonique et courriel.
En cliquant sur la publicité, on arrive donc sur la page Facebook « Champagne-invest ». On y apprend qu’elle a été créée dix jours avant son offensive publicitaire, fin février 2021, et que cette page « diffuse actuellement des publicités ». On s’en était aperçu. Et des publicités tellement mesongères que l’annonceur n’ose même pas les reproduire sur sa page Facebook ! Il s’agit d’une simple vitrine où les promesses de gains bidons ne sont plus mises en avant. Passez votre chemin bien sûr.
Attention, les « médias sociaux » sont des complices tacites et recéleurs des escroqueries, puisqu’ils s’enrichissent en vendant des espaces publicitaires aux escrocs, payés avec l’argent volé aux épargnants. Il n’est donc pas surprenant que Facebook soit un des principaux diffuseurs de ces publicités pour des escroqueries. On les retrouve d’ailleurs maintenant sur Instagram, second média social filiale de Facebook fréquenté par un plus jeune public probablement encore plus naïf et crédule face aux arnaques.
De même vous éviterez les pages associant les spiritueux à des notions d’investissement, comme la page « Cave conseil », classée en « finance » et créée fin janvier 2021, la page « Invest Champagne », créée en juillet 2020, tout comme la page « SCI Cave » (créée en mai 2020) ou « SCI Whisky », présentée comme « service de gestion » (aussi créée en mai 2020). Il faut dire que le confinement avait assoiffé les escrocs !
Dans le même genre, un professionnel de la gestion de patrimoine nous avait signalé dernièrement l’astucieuse campagne de démarchage par courriel, d’une société proposant des « placements dans les vins de prestige ».
Les arnaques aux placements-vins ne sont pas nouvelles et reviennent régulièrement, comme au printemps 2020 au début du confinement, et même avant. Deontofi.com avait déjà signalé des arnaques dans ce genre en 2018, à relire ici: L’arnaque au placement vin relancée par une fausse campagne Le Point.
GWP Conseil, l’arnaque « vin » bien maquillée
Cette arnaque aux placements vins mérite d’être disséquée, car elle cumule de nombreuses caractéristiques des escroqueries modernes, basées sur l’usurpation d’identité, l’usurpation d’institutions et l’usurpation de qualités.
En clair, non seulement on vous promet n’importe quoi, mais pour crédibiliser la promesse afin de vous faire tomber dans le panneau, vous êtes démarché par un usurpateur se présentant sous le nom d’une autre personne, avec des qualités qu’il n’a pas, prétendant travailler pour une société existante, mais dont il usurpe le nom, ou parfois une société existante n’ayant aucune des qualités qu’elle revendique.
Le courriel reçu est construit sur ce schéma : les premiers arguments mis en avant portent sur l’usurpation de qualités et d’identité afin de rassurer le destinataire pour le mettre en confiance sur la prétendue crédibilité des escrocs.
« GWP CONSEIL est une société française située au 24 rue d’Orléans 92200 Neuilly-sur-Seine en région parisienne, SARL inscrite au Tribunal de Commerce de Paris depuis 2008 sous le numéro de Siret 505 027 110 000 20 avec un capital social de 1.194.710 €. »
Seul problème : rien n’est vraiment faux mais pas vrai pour autant !
La société GWP Conseil existe bien à l’adresse indiquée, avec ce numéro de Siret et le capital revendiqué, mais elle n’a pas de lien apparent avec les promesses fumeuses propagées par courriel.
Deontofi.com a contacté le dirigeant officiel de la société concernée, qui n’a pas répondu à notre sollicitation.
Un placement bidon promettant 4% garantis par mois
Au second paragraphe, on vous présente l’appât : « des placements financiers commerciaux totalement garantis sur des grands crus de vins et de champagnes français ainsi que des whiskys prestigieux et vous propose via un Mandat de Gestion des plus-value de 4 à 12% minimums sur des placements courts de 1 à 3 mois sans frais ». Oui, il faut être crédule, naïf, ou stupide pour le croire. Mais justement, plus c’est gros mieux ça passe, surtout si on vous a convaincu que la société est « sérieuse », avec son existence et son capital.
Vient ensuite un tableau complètement bidon, présentant d’improbables transactions d’achat et revente de vins, vous laissant espérer une illusoire culbute de 40% de plus-value en 3 mois !
Vous trouvez ci-dessous un exemple de placement sur 3 mois avec un montant de départ de 2018 euros
Date Achat | Lots de vins et champagnes | Prix D’achat | Date de Vente | Prix de Vente | Plus-value | Temps de revente | Bénéfices | Total € |
09-09-20 | La Tache Grand Cru, Romanée-Conti 1999 1 Bouteille | 2018 € | 24-09-20 | 2122 € | 5.20 % | 15 jours | 105 € | 2122 € |
24-09-20 | Château d’Yquem 1er Cru Classé 2008 6 Bouteilles | 2122 € | 07-10-20 | 2249 € | 6.00 % | 13 jours | 127 € | 2249 € |
07-10-20 | Château Margaux 1983 6 Bouteilles | 2245 € | 21-10-20 | 2371 € | 5.62 % | 14 jours | 126 € | 2375 € |
21-10-20 | Pauillac/ Mouton Rothschild 1990 6 Bouteilles | 2370 € | 02-11-20 | 2524 € | 6.50 % | 12 jours | 154 € | 2529 € |
02-11-20 | Pauillac / Latour 1983 24 Bouteilles | 2529 € | 18-11-20 | 2668 € | 5.50 % | 16 jours | 139 € | 2668 € |
18-11-20 | Champagne Louis Roederer 1996 3 Bouteilles | 2660 € | 08-12-20 | 2820 € | 6.00 % | 20 jours | 160 € | 2828 € |
S’enrichir rapidement sans impôts !
Cerise sur la gâteau, et les escrocs savent bien que les personnes les plus crédules sont aussi fréquemment les plus sensibles à cet argument : « des gains sans impôts ».
Le paragraphe vantant cette exonération fiscale est certes écrit en charabia, comme souvent dans le jargon financier pour impressionner les béotiens :
« GWP CONSEIL vous permet de profiter d’un placement non imposable.
En effet notre cave est considérée par le Trésor Public comme faisant partie de la catégorie des « Biens et Meublés » tandis que nos spiritueux, sont considérés comme « actif de gaspillage » par l’administration fiscale et douanière. De ce fait vous êtes sur des placements et revenus non imposables. »
Vraie niche fiscale pour faux placement
Sur le fond, il est vrai que les ventes de biens entre particuliers sont exonérées jusqu’à 5 000 euros par an, ce qui est le cas si vous vendez des affaires d’occasion par exemple dans un vide-grenier, ou vie des sites de petites annonces comme Leboncoin ou Vinted.
Les ventes dont le prix de cession est inférieur à 5 000 euros sont exonérées d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux (article 150 UA, II-1° 150 V sexies du CGI).
Mais cet argument de « niche fiscale » est un gadget de plus pour détourner l’attention des pigeons de l’objet principal de l’arnaque: leur faire croire à un gain garanti pour attirer leur argent.
Comme les autorités financières le martèlent dans leurs communiqués :
« L’AMF, l’AFG, l’ASPIM, France Invest, l’Anacofi, la Cie CIF, la CNCGP et la CNCIF mettent en garde le public contre la recrudescence des usurpations de nom d’acteurs autorisés »
« L’Autorité des marchés financiers et les associations de professionnels du secteur de la gestion d’actifs et de patrimoine lancent un appel commun à la plus grande vigilance des épargnants face à l’utilisation frauduleuse, de plus en plus fréquente, du nom d’intermédiaires ou de produits financiers autorisés, à des fins d’escroqueries. Devant l’ampleur du phénomène, elles rappellent les bons réflexes à avoir avant tout investissement. »
Dans ce cas précis, le courriel de démarchage s’appuie sur une véritable marmelade d’usurpation : tout est bidon, de la promesse de gains à la signature du message en passant par les éléments de « crédibilisation » des protagonistes.
Rappelons que les placements vins, comme toute proposition financière laissant espérer un gain économique, sont soumis à la réglementation des placements en biens divers requérant l’obtention d’un agrément de l’Autorité des marchés financiers (AMF).
L’AMF vient d’ailleurs d’inscrire le site GWP-conseil sur sa liste noire des sites proposant des placements en biens divers sans autorisation.