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Mots-clés de l'article : Aristophil, Gérard Lhéritier, placements bidon
Deontofi.com publie ses scripts extensifs des audiences du procès Aristophil, un travail journalistique et historique unique

Après avoir assisté assidument à 13 journées d’audience du procès Aristophil (du 8 septembre au 2 octobre 2025), l’édition de nos scripts d’audience rédigés en abrégés requiert un long travail fastidieux, dont voici le procès verbal pour l’audience d’ouverture. Délai à prévoir pour la suite….

Délibéré attendu le 11/12/2025 à 13h, dans la même salle d’audience 2.01 du Tribunal Judiciaire de Paris (porte Clichy).

14h31 l’audience est à peine commencée, après une heure de préparation et accueil du public nombreux. Même les télés ont fait le déplacement, installant leurs trépieds et projecteurs à l’extérieur de la salle d’audience 2.01 au second étage du nouveau Palais de Justice de Paris, porte de Clichy.

Audience retransmise en duplex dans l’auditorium au rdc du Palais.

Face au tribunal, 8 chaises pour les prévenus, à leur droite les 14 avocats des prévenus, à leur gauche une trentaine d’avocats des parties civiles, plus une centaine de personnes en tout dans la salle, principalement des victimes de l’escroquerie, sans compter celles reléguées dans l’auditorium pour cause de salle comble.

« On va procéder à l’appel des prévenus personnes physiques puis morales, explique le président Guillaume Daieff. Si le tribunal décide d’aller au fond, on commencera par l’examen des personnalités, par exemple Daigre, Vrain, Samson, dans l’idée de finir si possible pas trop tard, ce qui pour nous est vers 19h30 ».

Cette première audience est donc consacrée à la présentation des protagonistes du scandale Aristophil.

Dans l’ordre de présentation, Jean-Jacques Daigre, l’expert prof de droit, né le 21 novembre 1947 (78 ans) à Pons Charente maritime, demeurant [privé] à Poitiers, ayant pour avocats Me Nathalie SCHMELCK et Me Leborgne. Le président lit les reproches à son encontre dans l’ORTC (ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel), «de s’être rendu de 2009 au 5 mars 2015, complice intervenant dans la conception des contrats et plaquettes, de pratiques commerciales trompeuses d’Aristophil, omettant ou rendant inintelligible des informations substantielles, induisant en erreur les épargnants, donnant à penser qu’ils souscrivaient un placement financier sécurisé à rentabilité de 8% par an avec garantie du capital à terme. Il ne lui est pas reproché de complicité d’escroquerie.

14h42

Gérard Lhéritier, se levant péniblement avec sa canne télescopique à l’appel de son nom, né le 21 juin 1948 (77 ans) à Nancy, de René et Colette Cerato, demeurant [privé] à Nice, ayant pour avocat Me Benoît Verger, on lui reproche des infractions de pratique commerciale trompeuse, escroquerie en bande organisée, abus de bien social, abus de confiance et faux bilan, développés par l’ ORTC : « entre le 1er janvier 2009 et le 5 mars 2015, délit de pratique commerciale trompeuse, omettant dissimulant ou fournissant de façon inintelligible ou ambiguë aux souscripteurs de conventions Aristophil et Coralis, en établissant des actes authentiques d’indivision donnant crédit sans vérification des biens ni des contractants, ni des valeurs supposées, trompant les consommateurs, induisant en erreur les épargnants, donnant à penser qu’ils souscrivaient un placement financier sécurisé à 8% par an avec garantie du capital à terme. »

Poursuivant la lecture de l’ORTC : « Escroquerie en bande organisée, aux mêmes dates, ayant trompé pour déterminer à remettre des fonds, en mettant en scène des pratiques commerciales trompeuses, en présentant aux clients des études sur marché manuscrit réalisées en interne… » poursuit le président : « Courant 2003, d’avoir fait de mauvaise foi un usage contraire aux intérêts de la société Aristophil, un ABS pour favoriser une autre société, en faisant acheter par Aristophil le manuscrit Enstein pour 3,5m€ alors qu’il était estimé 1,8m€ via une société lui appartenant à 98% ».

Puis « de 2010 à novembre 2014, en détournant au préjudice des filiales belge et suisse en surfacturant, faux bilan, d’avoir publié des comptes trompeurs ne présentant pas une image fidèle, omettant des provisions de 404k€ en 2009, 1,7m€ en 2010, 3m€ en 2011, 4,6m€ en 2013… omettant la taxe forfaitaire sur les œuvres d’art pour 5m€ entre 2010 et 2014.»

Jérôme GAUTRY, notaire, né le 22 mars 1948 à Verdun, domicilié [privé] à Nice, ayant pour conseil Me Xavier AUTUN, à qui il est reproché, « entre le 19 juin 2008 et le 5 mars 2015, de s’être rendu complice par aide et assistance au délit de pratiques commerciales trompeuses, omettant, dissimulant, ou fournissant de façon inintelligible ou ambigu aux souscripteurs de conventions Aristophil ou Coralis, en établissant des actes authentiques d’indivision donnant crédit sans vérifier les biens ni les contractants, ni les valeurs supposées, trompant les consommateurs, promettant des garanties existantes présentées comme bien au-delà de leur réalité, alors que la lettre de ces contrats n’engage pas la société et repose sur un modèle non viable alimenté par les seuls versements de nouveaux souscripteurs ».

Michel PERRONNET, DG Finestim, né le 28 mars 1956 (69 ans 1/2), demeurant à St Etienne, à qui est reproché des pratiques commerciales trompeuses entre janvier 2009 et le 5 mars 2015, etc. A l’écoute de ce douloureux rappel, le directeur des ventes de l’arnaque éloigne sa chaise de 10cm de celle de Lhéritier assis à sa droite, au second rand des accusés.

Jean-Jacques ITARD, demeurant [privé], est poursuivi pour les mêmes chefs d’accusation que Perronet DG, aussi associé de Finestim, la société de distribution des faux placements Aristophil auprès des épargnants par le biais d’un réseau de conseillers-vendeurs en gestion de patrimoine.

Denis POTIER, le comptable, né le 11 octobre 1958 (67 ans) à Cannes, demeurant [privé] à Nice, ayant pour avocats Me Maxime DELHOMME et Me Léa Avoisu : « Monsieur (lapsus du président sur le nom) il vous est reproché des faits d’escroquerie en bande organisée avec Gérard Lhéritier et présentation de comptes inexacts. Même qualifications, qu’il n’y a peut-être pas besoin de les répéter, étant expert comptable de la SAS Aristophil, complice par aide et assistance à la présentation de comptes inexacts, omettant de passer les charges de taxe forfaitaire… ». « Tenu pour lu », confirment les avocats de sa défense.

Philippe SAMSON, né le 12 mai 1954 (71 ans) à Epinal, conseillé par Me Saint Pierre, mêmes infractions qu’Itard et Perronnet, il était président de Finestim, assis derrière Itard,

Jean-Claude VRAIN, expert, né le 30 décembre 1947 (78 ans) à Paris 14, libraire, boulevard St Germain Paris 6, assisté de Me Brossolet, renvoyé des faits d’escroquerie en bande organisée, même qualifications que Lhéritier.

Personnes morales, Finestim en liquidation, représentée par son président M. Phillippe Samson, pour les mêmes reproches qu’à son président.

Artcourtage France, RCS Lyon, représentée par son président M. Michel Perronnet, poursuivie pour les même délits

Aristophil liquidée, représentée par Cyril Prestel, collaborateur de Utzinger, Administrateur Ad’hoc de la sté, à la requête de Gérard Lhéritier… plutôt du président du TJ Paris par décision du 18/7/2025 désigné pour représenter Aristophil, Florent Utzinger administrateur judiciaire AJ, et son avocat Me Vincent Gallet.

« A tout le monde, je vous notifie vos droits, vous avez la possibilité de répondre ou garder silence ou faire des déclarations, aussi bien aujourd’hui que les jours suivants », rappelle le président du tribunal.

Les liquidateurs judiciaires Me Leloup Thomas MJ, représente des droits patrimoniaux de la société, avec Bernard Corre, dans le cadre d’un mandat de représentation droits patrimoniaux de la  personne morale, son actif et son passif, partie civile.

Me Clément Hier, conseil des liquidateurs.

Assesseuse  : « pour les parties civiles non assistées d’avocats, il y en a peu, vous avez donné votre identité au greffe, sinon vous devez lui signaler votre identité depuis salle de retransmission à la 1ère suspension audience pour vous faire connaître, obtenir une attestation de présence pour recenser et réclamer le dédommagement financier pour les jours de présence, en vous signalant chaque jour à l’huissier au départ de la salle, qui atteste votre heure de départ. Vous pouvez remplir un formulaire cerfa de demande de dommages et intérêts, avec le bureau d’assistance aux victimes, à ramener pour préparer les audiences, avec justificatifs utiles sur vos demandes, permettant au tribunal d’apprécier si la demande est justifiée, et à quel titre, par exemple pour les ayant droits de victimes décédées ».

Après ce préambule, le président Daieff reprend le planning distribué aux avocats le 20 juillet, confirmé début août, commençant par les questions transversales, «  à la différence des affaires de stupéfiants et meurtres, où il n’y a pas débat sur les infractions, comme pour beaucoup d’affaire financières, se pose la question de savoir s’il y a infraction pénale et son imputation ensuite, d’où la nécessité de passer pas mal de temps aux questions transversales, sur toutes les personnes concernées jusqu’au 23 sept, puis à partir du 25 nous aurons des débats plus classiques avec interrogations des prévenus ».

Sur ce planning, les parties civiles n’ont pas d’observations, la jeune procureur du ministère public souhaite entendre le LJ, le président lui répond qu’on parlera de la liquidation le 15 septembre et de la gestion des indivisions post liquidation, occasion d’entendre le liquidateur en personne et pas seulement leurs conseils.

15h15 appel des témoins, Axel Shmigdal, son avocat partie civile, produit un certificat médical absent.

Didier Armann, pour les prévenus…

Annie Chevallier, citée par les partie civiles, décédée en janvier 2025 (Lhéritier sait la date)

Charles Perronnet, témoin,

Me Loïc Mahé, Félix de Marèze, Serge Ventureux, Ariane Bergeron, François Esqueg, David Ourar, Henri Calef (sur les traitements comptables le 16 septembre, de la garantie, l’équilibre financier le 23 sept), Isabelle Rouge-Ducos, William Rabeau.

Les témoins prêtent serment de dire la vérité, contrairement aux prévenus autorisés à mentir.

18 septembre la parole sera aux parties civiles, 2 pour Me Selliès, 5 pour Me Delommel, parmi 400 parties civiles recensées à la procédure, dont le présiden de l’association Antipass, ABC France, Me Lecoq-Vallon a demandé auditions de Mme Silovel, et Dominique Bertrand, confirme le calendrier au 18 sept.

Sur l’appels en garantie, plusieurs assureurs, pour  MMA Me Mathieu Patrimonio, substitué par une consoeur ; pour Axa, Me Louis Arnaud, pour Chubb un autre ; pour la Caisse régionale et la Caisse nationale de garantie des notaires, appelées ne veut pas dire recevables… ils ont déposé des conclusions d’irrecevabilité identiques de 2 pages pour les assureurs et caisses des notaires.

15h35 Me St Pierre : « intervenant pour MM. Itard, Perrronnet, Samson, dirigeants animateurs de Finestim ayant mission de commercialiser Aristophil, j’ai saisi le tribunal de conclusions de nullité, doublées d’une QPC, c’est une vive protestation contre la violation grave et caractérisée du droit de chaque pers d’avoir un procès dans un délai raisonnable, qui est une obligation de la justice, après 11 ans, dont des recours multipliés pour retarder le procès.

Nous les avocats de personnes poursuivies ou parties civiles, ce n’est pas qu’un principe théorique, car faire l’objet d’un procès pénal est extrêmement anxiogène, atteint toute la santé d’une personne, raison pour laquelle nous dénonçons cette situation. Nous connaissons la JP Cass Crim (jurisprudence de la chambre criminelle de la cour de cassation) du 9 novembre 2022, à Nanterre chaufferie de Nanterre, le prévenu le plus âgé atteint 103 ans. Le TC Nanterre a fait droit et annulé toute la procédure, j’ai déposé une QPC identique à celle-ci, la CA (cour d’appel) de Versailles annule l’entière procédure, le parquet a formulé un pourvoi en cassation, la cour a cassé les jugements et arrêt. On ne peut pas avoir une péremption d’instance, mais Ch Crim cass dit que si par l’effet du temps la preuve a disparue et contradictoire devient impossible, la solution n’est pas la nullité mais la relaxe, de toute façon le délai entre en considération pour la fixation des peines.

J’exprime mon désaccord avec cette JP, depuis 3 ans, ça ne fonctionne pas mieux. Une procédure qui devait être traitée en 5 ans l’a été en 11 ans. Je dispose que cette QPC est le seul moyen pour contraindre le parlement a prévoir des effectifs pour limiter les délais de procédure.

Depuis 15 ans il y a eu plus de 1200 QPC, je salue cette JP importante, j’ai déposé la mienne sur Resana en juillet pour que tout le monde puisse y réfléchir, est-ce que les textes suffisent pour garantir un délai raisonnable… non car il n’y a aucune sanction, la violation du délai n’est pas cause nullité ni péremption de la procédure, sa seule conséquence est le recours à l’Article 181 du code d’organisation de la vie judiciaire, ouvrant un droit à indemnisation vis-à-vis de l’état.

Il manque au code de procédure pénale une sanction juridique, le conseil constitutionnel doit être saisi de cette question grave systémique. Une QPC ne peut être recevable que si elle est nouvelle, liée au procès et sérieuse…

Elle doit appuyer la demande des parties, donc j’ai déposé des conclusions en nullité de l’ORTC. Art 170 du code de procédure pénal, la nullité est un acte de procédure en violation avec des articles du CPP, par exemple l’art 116 prévoit la tenue d’un procès dans un délai d’une année. La question du délai raisonnable est la seule qui ne reçoive aucune sanction. On comprend pourquoi la cour de cassation dit qu’elle ne pouvait pas annuler toute la procédure car elle ne pouvait pas annuler tous les actes, donc je propose que l’ORTC, acte singulier, dont on est sûr qu’il est réalisé tardivement, et vous demande de l’annuler. 

Aucun avocat de la défense n’a effectué de recours dilatoire, nous avons contesté nos demandes de levées de saisies pénales, doublé d’une QPC, rejetée non fondée.

Personne n’a effectué de manœuvre dilatoire, c’est totalement le contraire, à chaque fois nous avons déposé des conclusions dans des délais très brefs, et saisi la chambre de l’instruction pour avoir ORTC à l’issu de la période instruction.

Je n’ai pas souvenir d’une affaire avec un tel calendrier, après un début d’information préliminaire, la juge d’instruction Charlotte Bilger a instruit durant 4 ans, puis avis de fin d’information. [Ndlr « Ils ont fait des tonnes de recours devant la chambre de l’instruction », commente à voix basse un avocat des parties civiles]

En moins de 8 jours on a vu des demandes de saisie pénale des comptes d’entreprise, fermé les sites web, décidé une liquidation brutale, de fait de ces entreprises sans que les dirigeants aient pu s’expliquer et faire valoir leurs droits pour se défendre. Inadmissible !

Puis on a attendu 3 ans pour les réquisitions, et il fallait prendre l’acte d’accusation, nous attendons des explications du ministère public sur ce retard intolérable.

Nous avons saisi le tribunal judiciaire d’une assignation sur L141-1  du code d’organisation judiciaire, qui dit que la responsabilité de l’état est engagée en cas dysfonctionnement. »

16h le Prés. (président) propose la parole au ministère public, qui préfère attendre pour faire une réponse groupée aux exceptions de nullité. [Ndlr : la victimisation des filous est une tactique de diversion de leurs avocats, pour perdre le plus de temps sur autre chose que les faits dont ils son accusés].

M. le batonnier Me Jean-Yves Le Borgne, [Ndlr : un grand plaideur d’au moins 1m90 jouant de sa hauteur comme de son élocution aux tonalités du Général De Gaule] : «  nous nous joignons aux conclusions de François St Pierre au nom de M. Daigre. Une sous-justice aboutirait à une sous-sanction [Ndlr : vu que le temps passé atténue les peines, c’est ce qu’ils veulent]. Comme disait Coluche quand on a dépassé la limite il n’y a plus de bornes. »

Vous demandez à ce que le tribunal juge ce soir de la QPC, comme votre Coluche qui est comique et votre confrère St Pierre, résume le président Daieff.

(…)

16h05, on passe aux questions de prescription.

Me Verger [pour G.Lhéritier], concernant la période du 1/1/2009 au 5/3/2015, il conteste le report du point de départ de la prescription. « Les clients pensaient souscrire un placement sécurisé au rendement garanti par le capital à terme. Les termes des contrats signés étaient de la responsabilité de la Sté Aristophil et le discours de vente de la responsabilité de Finestim et Artcourtage. Les contrats étaient parfaitement clairs, techniques, rédigés par un professeur de droit, il n’y avait aucune garantie, disent les juges civils à l’occasion d’une multiplication d’actions contre les CGP.

La responsabilité fonctionnelle de Lhéritier en tant que président d’Aristophil, il n’a fait aucune dissimulation ni occultation. Tout était sous ses yeux depuis 2007, on a rarement vu une entreprise autant contrôlée. Dès 2007, le 5 décembre 2007, JJ Daigre transmettait les contrats à l’AMF qui les transmettait au parquet.

S’agissant du discours commercial, il n’était pas de la responsabilité de Lhéritier, pas plus au motif qu’il aurait été commis à son bénéfice de la sté Aristophil. L121-5 code conso abrogé mars 2014 et rétroactif…

Le point de départ de la prescription pour Lhéritier doit être la signature des contrats, 1er effet interruptif, DGCCRF. L’arrêt du 14 juin 2023, précise le point de départ de la prescription à la remise des fonds. Sur l’infraction d’escroquerie en bande, les faits avant le 15 octobre 2010 doivent être prescrits.

16h15

On est tous d’accord que la JP de ch crim cass de déc 2021 est ultérieure, restreint le principe non bis in idem, pas d’application rétroactive. Faits identiques, mêmes contrats, même discours, même intention de tromper les clients. Si on applique la JP 2021 cela permettra de ne conserver que l’infraction la plus englobante, approche in concreto, les pratiques commerciales trompeuses sont le cas pratique de l’escroquerie.

Le Ministère public ne distingue aucun fait, les éléments constitutifs se regroupant suffisamment, demande à retenir la qualification d’escroquerie, permet une sanction pénale plus importante qui ne change rien pour les parties civiles. »

Me Gallet, « pour la société Aristophil je ne vais pas répéter les propos de Me Verger, tant pour prescription que le principe non bis in idem. Pour la remise de fonds la question de prescription est importante pour déterminer le préjudice indemnisable ». Il s’associe à ces 2 demandes.

16h20

Avocat de M. VRAIN : « j’ai connu il y a 11 ans les gardes à vue [ndlr : gardav] , chaque audition et chaque acte de procédure, quand j’entends mon confrère St Pierre dire qu’il est rare d’avoir des prévenus tout ce temps mis en examen, c’est difficile mais avec de graves conséquences sur la santé des prévenus, leur équilibre personnel et la compréhension du système judiciaire. Depuis 11 ans chaque prévenu a véritablement à cœur de comprendre ce qui lui est reproché.

Est-ce une forme de paresse que Vrain soit renvoyé des mêmes faits que Lhéritier ? Chaque prévenu doit être en mesure de comprendre ce qui lui est reproché précisément. Faut-il soulever une demande d’annulation renvoi, ou si on lui reproche ce qu’il y a dans ORTC comme il ne l’a pas fait il en sera relaxé, sans possibilité d’aller chercher 500 griefs sans jamais les formuler dans l’ORTC. J’ai souvenir d’une garde à vue où on lui a reproché tout et son contraire, ses marges, ses prix, son stock, ça n’a rien à voir avec les accusations retenues contre Lhéritier. Dans l’ORTC on a changé plusieurs fois la matrice des reproches dont il doit répondre.

Vu sans aucune forme de dialogue permettant réduire les faits. VRAIN a demandé 3 fois à rencontrer le juge d’instruction après le départ de Mme Bilger. S’il s’agit de répondre aux questions sur les garanties,  ce n’est pas un sujet pour Vrain, sa mise en cause est infondée dans les faits et informulable en droit. Je lis la demande de jonction, mais il est important si vous ne décidez pas la nullité formelle, de permettre à la défense de répondre sur des faits précis, et pas sur une généralité autour d’un dossier entretenu sans consistance juridique. »

16H30

Me Luc Brossolette, « 9 prévenus, on décrit un système et on reproche à 9 prévenus uniformément d’avoir appartenu à ce système, critiquable, condamnable mais on ne peut pas condamner individuellement, il faut des faits pour chacun. Pour la circonstance aggravante dans la prévention pour bande organisée, qui dit préméditation, hiérarchie, rôles différenciés. Là vs avez une bande organisée dont 9 prévenus exercent des professions différentes à qui on reprocherait la même chose. [Ndlr : PAS DU TOUT quand on lit les 121 pages de l’ORTC]

Vous allez entendre tous les prévenus et on ne leur posera pas les mêmes questions, par ex pour les prévenus Finestim différentes de Vrain, pourtant dans la même prévention, je me prépare à des questions du tribunal différenciées selon le rôle de chaque prévenu. 16h35

Parties civiles, qui veut y répondre ?

Avec Me Nicolas Demard, représentant 1625 victimes belges d’Aristophil conseillées par Me Doutremont, aimerait revenir sur l’invitation Me St Pierre à faire pression sur les pouvoirs publics et dénoncer les dysfonctionnements du système judiciaire français. « Les victimes regrettent le délai de la procédure, mais ne comprendraient pas pourquoi elle serait un procès politique objet d’un j’accuse. C’est pas d’audace mais de droit dont il faut parler, si oui ou non il y a eu dépassement du délai raisonnable en tenant compte de la complexité de cette infraction internationale en France, Belgique, Autriche, Suisse également ».

16h40

Me Demard, demande à joindre au fond deux moyens et rejeter deux autres. Sur le délai déraisonnable il partage le constat et regrette, c’est désobligeant pour les plaignants. « L’arrêt cass cité, dit qu’un délai déraisonnable n’impacte pas la régularité des actes de procédure. Si vous annulez l’ORTC vous auriez le réquisitoire introductif, que se passerait-il ? On comprend qu’on ne peut pas avoir annulation de pièces régulières ni pourquoi. Et la cass dit qu’un délai déraisonnable n’affecte pas les droits de la défense. Ne démontre pas en quoi de façon concrète le délai aurait porté atteinte aux droits de la défense. Si on prend  d’autres cas, quand l’autorité publique surgit avec des questions 10 ans après, on comprend qu’il est difficile d’y répondre, ce n’est pas le cas puisque les policiers ont commencé à poser les questions avant même la cessation.

Les prévenus ont été informés très tôt et ont eu le temps de savoir ce qui leur était reproché.

Sur le fait que la prévention soit imprécise, je ne vois pas dans le dossier, tout y est dans les termes de l’ORTC relativement bien bâtie, indépendamment de ce qu’on en pense sur le fond, on ne peut pas dire qu’elle ne permet pas à chaque prévenu de comprendre ce qui lui est reproché individuellement.

Demande à joindre l’exception au fond et son rejet.

Sur prescription et non cumul, il s’agit de moyens péremptoires soulevés pour qu’il y ait débat et les mettre en continuation des débats, pas en annulation.

16h45

Me Arnaud DELOMEL, parties civiles, 3oui le délai est déraisonnable, ce n’est pas agréable, on va faire de l’histoire du droit, se remémorer, poser des questions aux prévenus, ils vont dire je ne me rappelle pas. Mon cabinet est rempli de procès Aristophil, avec délai minimum 8 ans, là on est à 11 ans, mais on ne va pas pouvoir annuler l’ORTC, ce n’est pas le métier d’avocat ou de magistrat, de suggérer une sanction qui n’existe pas en droit. C’est le travail du législateur. La conséquence serait quoi ? Il y aura toujours eu ce délai durant lequel le parquet n’a pas pu prendre de décision car les magistrats du siège et parquet sont en nombre insuffisants et débordés, mais ce n’est pas notre votre travail.

Vous devez rejeter ces questions de nullités et la QPC qui va avec. »

16h50

Me Jean-Christophe BOYER, « est-ce que la demande de QPC reposerait sur le fait que l’art 116 n’est pas complet car il ne sanctionne pas le délai déraisonnable ? L’artifice pour le rendre sérieux est la jurisprudence consacrant l’incompétence du législateur car il n’est pas allé au bout de sa rédaction ? Le Conseil constitutionnel répond de laisser au pouvoir réglementaire compléter ce qui relève de sa compétence, ce n’est pas le cas.

Le droit constitutionnel d’être jugé dans un délai raisonnable n’est pas constitutionnellement consacré, même le conseil constitutionnel le dit en 2016 « en dernier lieu l’absence d’un délai ne saurait priver le droit à défense ». Droit effectif, accès au juge, droit de la défense, procès équitable, mais le droit au délai raisonnable n’est pas un principe constitutionnel, donc on ne peut pas demander au conseil constitutionnel une QPC pour passer au scanner la JP de l’art 116 car il lui manque quelque chose. La JP Nanterre Chaufferie, suffirait à consacrer le délai raisonnable, mais pour l’instant pas verbalisé. »

16h55

Me François De CAMBIAIRE, représentant 80 parties civiles pour un préjudice de 13m€, soit 150k€ en moyenne, « je ne reviens pas sur le délai déraisonnable… 2390026 18 déc 2023, il y a déjà eu QPC sur le même sujet, rien de nouveau…

On a entendu beaucoup d’inexactitudes sur les recours et demandes d’expertises, encore déposées par Aristophil en 2019, réquisitoire supplétif en 2022, avec un appel pour bloquer, les juges nous disaient « il y a encore des demandes, des recours de certains prévenus, des ordonnancements d’audiencement devant la chambre d’instruction, ça n’a pas pu être traité car il restait des demandes ».

On me dit que ce n’est « pas un dossier complexe » dans les conclusions de nullité des prévenus, c’est ce que veut faire croire Aristophil, mais le simple fait qu’il y ait 18.000 victimes c’est complexe, et a largement profité aux prévenus. Etait-ce déraisonnable entre derniers mémoires d’observations de Perronnet et Itard le 5 déc 2022, pour 18k victimes 1 milliard d’euros de préjudice, est-ce un grief opposable aux prévenus ? Oui le développement déraisonnable du dossier, aussi en raison du désordre des collectes d’Artistophil pour s’y retrouver quand on considère le peu de soin accordé aux collections, ce temps n’a pas été passé à ne rien faire, mais à tenter de dénouer un dossier extrêmement complexe.

La demande est inaudible pour les parties civiles, dont beaucoup ont perdu l’ensemble de leurs économies. Je vous demande d’écarter ces nullités, pour enfin juger ce qu’elles ressentent comme un déni de justice ».

17h05

Me Cyril Gosset, avec Me Philippe Julien, « nous représentons 605 parties civiles, je partage l’indignation soulevée par les délais de procédure, pour des faits complexes impliquant 8 personnes physiques et 3 personnes morales, les centaines et milliers de parties civiles en ont ras le bol, et veulent aussi que ça se finisse. On entend le malaise des prévenus, d’attendre si longtemps pour s’exprimer sur ce qu’ils connaissent, pour les parties civiles idem, le justiciable pourrit devant vous. Nous ne sommes que parties civiles, mais il faut comprendre qu’au-delà des demandes d’indemnisation pour réparation du préjudice subi, se traîne la honte de s’être fait piéger.

Si vous suivez la thèse défendue par Lhéritier, qu’il faut tout effacer, vous consacreriez le triomphe de la dissimulation et ceux qui ont conçu cette fraude, car tout a été fait pour qu’elle ne soit pas découverte. Aristophil n’a jamais été la succession de petites fautes ponctuelles mais un système organisé.(…)

Sur les pratiques commerciales trompeuses, la défense a raison c’est une infraction instantanée. La jurisprudence vous la connaissez. Quand la fraude se cache, il faut reporter point de départ de la prescription. Liste des faits, discours CGP, fausse cote organisée, etc. Il est possible de comprendre le mécanisme, mais il faut arriver à l’application de la clause, au bout du contrat, les 5 ans, et qu’ils ne se soient « jamais engagé » mais il y a toujours eu prorogation de nouveaux contrats, de sorte que pour les uns et les autres il a toujours été impossible de comprendre l’économie générale du contrat.

La date de 2007 est évoquée, quand l’AMF se penche sur la question juridique d’Aristophil, elle est de savoir si c’est un produit financier.

S’agissant d’une escroquerie, à la remise de la chose démarre le délai de prescription, mais si le schéma se déroule sur des années, de façon répétée, bénéficie à une fausse entreprise, qui se cache des années derrière le masque de responsabilité. On a dans le dossier des professionnels du droit, dont un fonctionnaire, les discours, le musée, qui caractérisent l’unité et le dessein de l’escroquerie dont vous avez été saisi.

L’argumentaire de prescription à l’égard de certaines infractions développé par Lhéritier doit être rejeté ».

17h15

Me LEMOINE, sur la régularité de l’ORTC, le conseil de Vrain affirme que votre tribunal est saisi du seul fait de la prévention, c’est absolument faux, vous lirez p.94-95 la discussion sur les charges reprochées à VRAIN.

Le conseil de Vrain dit qu’une imprécision entraînerait la nullité de l’ORTC, art. 184 du Code de procédure pénale est clair, pour que l’ORTC soir régulière il faut les nom, prénom, naissance, domicile, profession, motifs, éléments à charge et décharge, et motif de saisie du tribunal correctionnel.

Le magistrat instructeur n’a pas « copié-collé ». Pour chaque prévenu il respecte à la lettre, expose les éléments à charge et à décharge qui le concernent.

Linformation judiciaire a duré longtemps, Vrain a été entendu par les services d’enquête à 6 reprises et 2 fois par le juge d’instruction, avec 2 confrontations avec Lhéritier. Les confrères en défense produisent des notes techniques, mais venir soutenir aujourd’hui qu’il n’a pas connaissance des faits reprochés relève de la mauvaise foi.

Je vous demande de rejeter leurs demandes et de déclarer l’ORTC régulière. »

Me Selliès, représentant 1700 parties civiles : « comme mes confrères je regrette les délais pour les parties civiles, mais ce délai a une vertu. Face au risque d’altération des moyens de preuve, ici c’est l’inverse : le délai a permis de démontrer la réalité du préjudice, si on avait instruit plus tôt, les prévenus auraient nié la réalité de ce préjudice.

17h21 le ministère public est invité à répondre à son tour, avant une suspension d’audience.

Le procureur homme, M. Julien Cerqueira, prend la parole : « sur le délai on peut conclure qu’il a été long et trop long, mais sur la QPC, quelles sont les conditions de recevabilité ? Art 23-2 ordonnance du Cseil Cstit. L’Art 116 alinéa 9 [du code d’organisation judiciaire] prévoit que le délai prévisible de la procédure est respecté. Est-ce une nouvelle question ? On dit qu’il n’y a jamais répondu. La jurisprudence considère qu’une QPC est JP nouvelle quand elle porte sur toute disposition qui n’a pas fait l’objet d’une discussion, et pas la disposition légale propre. Aujourd’hui il est très rare d’avoir des questions nouvelles, le Conseil constitutionnel a déjà été saisi de nombreuses QPC sur le délai raisonnable depuis décembre 2013, « la question n’est pas nouvelle ». La Cour de cassation a déjà pris partie sur cette question car le Conseil constitutionnel n’a jamais retenu le droit constitutionnel à un délai raisonnable, dans les droits de la défense.

La question n’est pas nouvelle, est ce qu’elle est sérieuse ? La chambre criminelle de la cour de cassation a statué a 5 reprises sur l’absence de caractère sérieux du délai déraisonnable, les 31 août 2011, 14 décembre 2011, 3 décembre 2013, 16 décembre 2022, et 12 mars 2024. Le droit à être jugé dans un délai raisonnable est sauvegardé par d’autres dispositions préservant les droits de la défense.

Une JP constante du 9 novembre 2022, et 7 mars 1989, rappelle que les juridictions correctionnelle ne peuvent annuler la procédure, le 3 février 1993 elle constate un non respect du délai raisonnable s’il ne permet pas de demander réparation sans porter atteinte aux droits de la défense. L’arrêt du 9 novembre 2022 de la cour de cassation n’apporte pas de solution nouvelle, elle a toujours été présente. Même avis de la CEDH, à aucun moment elle ne prescrit qu’un procès hors délai doit entraîner la nullité de la procédure.

En défense on vous dit «il faudrait prévoir des solutions » ! Mais elle ne propose rien qui tient. La défense voudrait simplement l’abandon des poursuites. La jurisprudence de la cour de cassation dit qu’il n’y a pas plus de raison d’abandon au profit des personnes poursuivies, qui porterait préjudice aux victimes. Il n’y a pas de solution procédurale, et les parties civiles ont beau jeu de dire que ce délai porte atteinte à l’intérêt de leurs clients en vertu de l’article L141 du code d’organisation judiciaire, prévoyant leur indemnisation dans un délai raisonnable.

Sur la nullité, la défense reprend le même argument, qui vise à contourner la solution du 9 novembre 2022 de la cassation sur « chaufferie », et nous dit d’annuler l’ORTC sans annuler la procédure ? Si on annule l’ORTC on renvoit vers un nouveau juge d’instruction. En quoi une nouvelle ORTC en 2027 serait mieux qu’en 2024 ? Leur but est que ce soit jamais jugé par des reports infinis, c’est totalement contradictoire et ne peut pas fonctionner, c’est une solution illogique, je vous demande de la rejeter.

Le comportement des instances judiciaires serait seul responsables des délais, on nous dit que c’est une affaire non complexe. Je rappelle qu’on a 3067 cote numériques, 190 tomes (50 de parties civiles), dans une salle avec 2 étagères formant un mur de procédure, c’est complexe quand on voit le poids de la procédure : 5300 personnes physiques enregistrées, 167 pages d’instruction.

On vous a dit qu’il n’y a pas eu de manoeuvres dilatoires, c’est faux. Je ne dis pas « dilatoire », il suffit de regarder la procédure pour voir qu’ils ont utilisé toutes les possibilités de recours pour retarder ou contester les procédures. Sur toutes les saisies, jusqu’en 2019 on a eu des demandes de nullités sur des pièces de procédure, rejetées, donc il y avait des demandes d’expertise pour vérifier le travail des experts, rejetés par ordonnance puis en appel. Y a eu un réquisitoire supplétif du ministère public.

Un dossier qui se règle en 3 ans c’est trop long, mais pas sûr qu’on aurait pu faire mieux, et le ministère public ne s’est pas enlisé dans la procédure, il y a eu des moments où les parties civiles écrivaient demandant que leur dossier soit jugé, ce n’était pas dilatoire mais a embolisé la procédure.

Sur la prescription extinctive, la simple considération d’une succession de faits uniques répétés reporte le point de départ de la prescription, car l’ensemble de ces contrats constitue une unité, solution adoptée par l’arrêt de du 23 octobre 1978 74-90.336, confirmé par la cour de cassation. Pour résumer, non pas victime par victime, mais en retenant un fait unique répété des dizaines ou centaines et milliers de fois.

Dans l’arrêt du 25 janvier 2015 de la CEDH retenu, contre la République Tchèque, on est sur des violences séparées de 6 ans à trois dates, on considère des faits continués et justifie l’application d’une loi pénale plus sévère. Dans notre cas, les contrats signés fin 2014 « trilogie de l’isthme », retrouvé en D 842-33 par [MADAME VICTIME] en octobre 2014, le délai de prescription 6 ans peut s’appliquer sur tous les faits. Avec l’acte interruptif du 15 octobre 2013 de la DGCCRF la prescription n’intervient pas avant 2017, donc les faits ne sont pas prescrits.

En défense on nous dit « 1/ on ne peut pas considérer les faits dissimulés car il y a eu beaucoup de signalements et le parquet savait, mais elle ne va pas jusqu’à dire que parquet savait, allons voir interruption de procédures sur actes d’enquête débuté en 2005 cote 05-339 92-068. Hypothèse d’un contrat signé le 1er janvier 2009, la prescription serait interrompue entre Max Seriaz ancien salarié qui ouvre l’enquête le 18 mars 2011 ? jusqu’au classement de cette procédure en 2012, puis JP cassation, avec le PV de la DGCCRF du 15 octobre 2013 qui interrompt la prescription 4 ans 10 mois 15 jours, alors que les faits ont couru. »

Pour la seconde partie de son intervention à deux voix, le ministère public est représenté par Mme Linda Tortosa procureur : « sur l’imprécision de l’ORTC qui ne permet pas d’assurer correctement la défense de M. Vrain car il serait inclus dans un système global sans que sa participation individuelle soit claire. Selon l’Art 390-1 du code pénal relatif à la convocation, il faut préciser les faits poursuivis, le fait qui réprime, le lieu et la date d’audience, mais il ne dit pas qu’il faut développer les faits constitutifs de l’infraction. L’ORTC du 12 août 2024 permet à chaque prévenu de savoir ce qui lui est reproché.

La lecture des faits poursuivis ne peut pas se limiter aux circonstances de faits mentionnées dans la prévention, aucune dispo légale ni JP n’exigerait le détail des faits, dès lors que l’ORTC ne laisse pas de place au doute dans l’objet des poursuites, dès lors, la convocation permet au prévenu d’assurer sa défense.

M. Vain a été entendu en garde à vue par le magistrat instructeur pour escroquerie en bande organisée, questionné sur plusieurs thèmes, sa connaissance du schéma commercial au vu des montants qu’il facturait et son indépendance, figurent dans l’ORTC. Dans sa discussion, sur les infractions relevées, le rôle de Vrain évoqué dans l’escroquerie en bande organisée, notamment ses formations aux CGP, ses expertises, ses ventes réalisées pour Aristophil, etc. Les conseils de Vrain ont adressé aux juges d’instruction, des informations sur les faits. Puis fait valoir son indépendance, etc. Il ne peut pas dire qu’il ne comprend pas ce qu’on lui reproche devant cette juridiction, ni qu’il n’aurais pas eu les moyens d’organiser sa défense. »

Le procureur homme (Proc. H) reprend pour finir : « sur le principe non bis in idem, tant qu’aucune décision n’a été rendue, il n’y a pas non bis in idem, ce n’est pas un moyen de nullité. Par ailleurs les délits de pratique commerciale trompeuse et d’escroquerie sont compatibles. On peut appliquer la JP du 15 novembre 21 (15 dec 2021 ??) qui n’est pas un revirement de jurisprudence mais un infléchissement, vu qu’elle utilise ce terme quand c’est le cas, car JP antérieure n’est pas aussi claire et excluante que dit la défense. Unicité de deux exceptions permet le cumul d’infractions d’escroquerie et pratique commerciale trompeuse pour les mêmes faits.

Dans un arrêt du14 novembre 2013, deux infractions pour faux et escroquerie ne sont pas incompatibles entre elles, comme cela avait déjà été retenu en 2010, et un cumul de faux et d’escroquerie, dans un arrêt du 19 juin 2002.

Le délit de pratique commerciale trompeuse protège les consommateurs à qui on ne peut pas dire n’importe quoi, c’est différent de l’escroquerie où c’est la répression de l’atteinte aux biens et à la propriété, reconnue valeur cardinale, alors qu’il n’est pas question de droit de propriété dans une pratique commerciale trompeuse, c’est bien différent.

Matériellement on a des faits différents, pour escroquerie il est fait référence à la mise en scène des pratiques commerciales trompeuses, dont les éléments constitutifs sont précisés.

Je rappelle que ce n’est pas le ministère public qui a rédigé l’ORTC. Il y a un exact parallèle entre le faux et l’escroquerie, on peut poursuivre à la fois le faux et l’escroquerie. La CEDH adhère a cette conception, par exemple contre la Suisse, disant que le principe non bis in idem n’est pas violé en retenant deux qualifications (…).

Personne ne vient dire ici que la pratique commerciale trompeuse pas constitutive d’infraction.(…) »

18h14 l’audience est levée, suspension jusqu’à 18H25

18H45 reprise

Me Benoit Verger pour Lhéritier, renvoi des parties civiles, les avocats de la défense plaident pour « renvoyer », non pas écarter, car les épargnants doivent pouvoir faire valeur leurs droits.

Les pratiques commerciales trompeuses ne porteraient atteinte qu’aux droits des consommateurs et pas au patrimoine. Certains confrères ont pratiqué des saisies conservatoires sur les comptes bancaires de JJ Daigre, pas de mandat pour les  parties civiles, pas de mandat. Levées par le JEX (juge d’exécution des peines). Encore des parties civiles décédées, obligation de vérifier les 5000 ou 6000 ou 7000 parties civiles.

Me Maxime Delhomme : « à l’identique au soutien de Potier ».

Prés. (le président) signale aux avocats des épargnants : au greffe de la chambre correctionnelle on a près de 500 demandes de parties civiles qui ne sont pas affectées sur Resana, [plateforme sécurisée de partage de documents https://resana.numerique.gouv.fr].

Me Philippe JULIEN représentant plus de 600 parties civiles : « je suis étonné des arguments soulevés aujourd’hui par notre confrère. Il y a 18000 victimes dans les journaux dès 2014, on a été avec Me Cyril Gosset à nous constituer parties civiles dès 2015 et la défense sait pertinemment qu’il faut travailler 25h/jour sur 4 semaines pour traiter les constitutions de parties civiles. Connu de longue date depuis 10 ans.

Nous représentons 90% des parties civiles, nous étions à l’audience du 5 mai où a été fixé le calendrier et on a tout respecté, nos projets de conclusions et tableau de préjudice étaient conformes dès juillet.

On reçoit le 8 septembre 3 courriers d’avocats de concert avec leurs demandes de renvoi ! Oui il y a 500m€ de demandes indemnitaires,

Me Arnaud Delommel, dénonce la manœuvre de la défense comme déloyale, «Primo, car sur Resana il y a les dates de dépôt de documents de tout le monde, et le calendrier on l’a fixé ensemble le 5 mai, on l’a accepté et respecté. Secundo, les demandes sont simples

Tertio, de toute façon ils plaident la relaxe ».

Me Decombiaire : « Les parties civiles ont permis de comprendre le dossier. Est-on en train de vouloir faire un tri, car beaucoup sont âgées, quand on parle de délais de 6 mois, 1 an ou autre, ce sont des gens qui n’assisteront pas à la décision ».

Me Jean-Christophe Boyer, « sur l’argument de la défense on assiste à une inversion des choses, il va falloir vérifier pour chaque partie civile si elle est encore vivante (…) ».

Me Nicolas Demard, « certains demandent des dommages et intérêts, le remboursement de leur investissement, on ne voit pas la complexité. On nous dit qu’il faut vérifier que les personnes ne soient pas décédées, on ne voit pas comment. »

Me Selliès, s’oppose aussi fermement à la demande de renvoi « ne profitant qu’aux prévenus » : « En 10 ans on a des décès et ils savent bien qu’il est compliqué de retrouver les ayant-droits, plus d’une centaine parmi mes clients, il faut un temps infini pour retrouver les ayant-droits, sur plus de 1700 clients.

Le préjudice par indivision est le même pour chaque personne, ils ont été capables dans leurs conclusions de préciser métiers de chaque partie civile. »

19h10

Prés. : « les 400-500 parties civiles hors résana je pense qu’on les renverra, on se détend un peu, ce n’est pas un problème pour les avocats des parties civiles, c’est pas vos clients. Maintenant concernant le calendrier et respect délais, le 15 juillet on a demandé aux parties civiles qu’elles mettent des demandes chiffrées par clients et leurs projets conclusions, vous n’avez pas demandé que toutes les pièces y soient ».

« Le calendrier Resana n’est pas prescrit à peine de nullité, ce serait un problème si on considérait qui est recevable selon les dates de dépôt » intervient le Proc.H,

Prés : non non, renvoi…

19h15

Le Proc.H rembarre un avocat de la défense qui marmonne contestant ses propos : « on doit pouvoir prendre en compte ces infos ».

[ndlr : les avocats de la défense coupent facilement la parole, contestant les propos des avocats des parties civiles].

Avoc. F Défense… « Le problème pour vérifier les demandes des parties civ au cas par cas est qu’il y a des situations difficiles, certaines parties civiles étant déjà indemnisées par un juge civil, je ne suis pas certaine que mes confrères produisent spontanément ces indemnisations »…

19h20

Sur les nullités, pour MMA, AXA France, Chubb, pour les caisses des notaires centrale et régionale d’Aix, leurs avocats s’avancent pour plaider l’irrecevabilité de leur appel en tant qu’assureur. « Déposez au greffe », demande le Prés. « Pas sur resana ? » s’indigne un avocat des parties civiles.

« La DGCCRF les a convoqués à l’audience via le parquet, c’est une tradition, comme dans les procès d’accidents du travail »,  explique le Procureur.

Le Président leur demande de s’asseoir en attendant qu’il ait fini de régler les renvois.

19h25

Pour la DGCCRF, 2 jeunes femmes s’avancent à la barre.

Proc : « Y a-t-il encore des personnes ayant participé à la rédaction de l’enquête sur Aristophil, sinon une fois sorti de son administration il ne pourrait pas en parler car il aurait un devoir de réserve.

  • oui il reste un enquêteur Laurent Cadillon, à l’administration centrale.

Les avocats de la défense s’offusquent, « quoi un nouveau témoin non prévu ? »

Le Proc répond qu’ils ne sont pas témoins : « ils sont avisés quand y a un procès de consommation, comme le ministère du travail quand il y a un accident du travail ».

19h30

Après ces préambules, le président peut enfin entrer dans le vif du procès, avec l’examen des « personnalités » commençant par le prof de droit « expert » en opacification.

« M. Jean-Jacques Daigre, avez-vous des déclarations à faire ? », lui demande le président, avant de commencer à dérouler sa biograhie : « parents commerçants dans les vêtements, avocat au barreau de Paris, mariés Jacqueline Breuil, 2 enfants, son épouse est collaboratrice non rémunérée, s’occupe de la gestion quotidienne du cabinet, licence, doctorat en 1982, avant capa en 1970. Carrière universitaire brillante, « vous avez été professeur à l’Université Paris 1 Sorbonne, dans quelle spécialité ? », questionne le président.

« Droit des affaires, plus précisément droit financier, boursier et bancaire. Je suis professeur émérite en retraite depuis mes 65 ans il y a 12 ans. Conseil scientifique de KPMG avocats avec 2 autres universitaires, rémunéré au temps passé ».

Aujourd’hui sa rémunération est d’environ 3300€/mois en retraite. Et pour l’activité d’avocat une autre retraite équivalente à 3200€/mo. Plus sa rémunération d’avocat, environ 5 à 7k€/mois, dont la moitié en charges. « Droits d’auteur ? », interroge le Prés. « Non ».

Marié en communauté, valeur inconnue, appartement à Paris 3 rue Dalou, maison de vacances à Royan de 130m2. IFI ? Non, pas déclaré. Il a été ciblé par une vague de saisies conservatoires le 30 juin, puis il y a 10 jours, sur tous comptes avec inscription en hypothèque conservatoire provisoire, la 1ère par les parties civiles de Me Sellies, puis Me Pincent (absent).

Me Jean-Yves Le Borgne JYLB, avocat de M. DAIGRE, procède à son interrogatoire de soutien, lui demande quelle part de son métier relève du métier d’avocat et de prof ? « Plus professeur qu’avocat », plaide Daigre.

19h42 à l’issue de cette première journée, l’audience est suspendue jusqu’au lendemain à 13h30.

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