On n’évoque pas assez la mission salutaire de la Commission des clauses abusives (CCA), dont le rôle est pourtant essentiel pour défendre les consommateurs isolés et démunis face aux clauses tyranniques que certains prestataires de services grand public glissent dans leurs contrats, ou leurs conditions générales de ventes, pour priver les clients de leurs droits fondamentaux, de leur liberté, ou simplement de toute capacité de contestation d’un service déficient ou défaillant.
Cinq minutes pour comprendre :
Retrouvez ici l’interview TV sur ce thème dans l’émission Ecorama du 23/11/2015
L’avis rendu le 30 octobre 2015 par la Commission des clauses abusives (CCA), dans une affaire de contrat de crédit, donne l’occasion à Deontofi.com de revenir sur les abus épinglés dans ce domaine, et plus généralement sur les petites mesquineries et grandes tyrannies insérées à l’insu des consommateurs et des épargnants par certaines banques et compagnies d’assurance.
L’avis n°15-01 porte sur une clause abusive épinglée dans un contrat de restructuration de crédit, dans le cadre d’une demande d’expertise auprès de la CCA par le tribunal d’instance de Dieppe, appelé à trancher un litige entre un emprunteur qui se retrouvait pieds et poings liés par son nouveau créancier, dans le cadre d’un contrat de rachat de crédit.
1/ En quoi consiste un rachat de crédit ou une restructuration de crédit ?
– Pour rappel, une restructuration de crédit, aussi appelée « rachat de crédit », « regroupement de crédit », ou « étalement de dettes », consiste généralement à souscrire un crédit plus important pour rembourser immédiatement une kyrielle de petits crédits à la consommation trop coûteux en raison de leurs taux d’intérêt stratosphériques, en particulier sur les crédits renouvelables, ou « crédits revolving » (crédits rechargeables en français), souvent surnommés « crédits revolver » car ils ont à peu près le même effet qu’un hold-up de l’emprunteur, dépouillé par des mensualités sans fin.Le rachat de crédit part donc, si l’on peut dire, d’une bonne intention. Au lieu d’avoir des petits crédits hors de prix, on propose à l’emprunteur trop endetté de les « remplacer » par un seul crédit, amortissable (c’est-à-dire avec un remboursement total au terme d’un échéancier de mensualités), avec un taux d’intérêt plus bas et des mensualités moins élevées que celles des petits crédits accumulés. Sauf que la baisse des mensualités est surtout rendue possible par le rallongement de la durée de remboursement.
2/ Concrètement combien peut-on économiser en restructurant ses petits crédits ?
– Pour comprendre, prenons un exemple : vous avez souscrit cinq crédits à la consommation de 2000 euros chacun, pour une durée de deux ans au taux moyen de 15% (ce n’est pas une blague, le taux moyen réellement appliqué aux consommateurs pour ce type de prêts au troisième trimestre 2015 était de 14,98%, selon les relevés de la Banque de France).Pour chacun de ces cinq prêts, vos mensualités sont de 97 euros par mois (précisément 96,97€) pendant deux ans, soit des mensualités totales de 485 euros par mois (5 X 96,97€) = 484,87€ précisément).
Regrouper ces crédits en un seul (c’est-à-dire souscrire un crédit d’un montant suffisant pour rembourser les cinq autres), permet d’obtenir un meilleur taux qui réduit déjà les mensualités. Dans notre exemple, un prêt à la consommation de 10 000 euros vous permet de bénéficier d’un taux presque trois fois moins élevé que sur vos cinq crédits de 2 000 euros. Pour les prêts à la consommation de plus de 6000 euros, vous pouvez auriez pu avoir un taux de 5,9% (le taux moyen observé par la Banque de France était de 5,88% précisément).
Dans le cas d’un prêt de 10 000 euros à 5,9% sur deux ans, vos mensualités totales seraient réduites à 443 euros par mois (442,76€ précisément). C’est déjà une belle économie par rapport aux 485 euros à rembourser par mois pour le même montant emprunté à travers cinq petits crédits. Mais la baisse est plus spectaculaire si on allonge la durée du crédit pour étaler son remboursement sur un plus grand nombre d’années.
3/ Un taux plus bas réduit donc moins les mensualités qu’un étalement du remboursement ?
– Absolument, et c’est logique car les intérêts, surtout sur une courte durée, ne sont qu’une petite partie du fardeau d’un crédit, par rapport au remboursement du capital emprunté. Par exemple, pour un crédit de 10 000 euros à 5,9% sur quatre ans, les mensualités ne sont plus que de 234 euros (234,39€ précisément), soit deux fois moins que les mensualités totales des cinq petits crédits de 2000 euros à 15% sur deux ans. Mais attention, car vous remboursez aussi deux fois plus longtemps, donc vous payerez deux fois plus de mensualités. Au final, même si ses mensualités sont deux fois moins élevées, le cumul des frais et remboursements d’un prêt de 10 000 euros à 5,9% sur quatre ans (234,39€ X 48 mois = 11 250€) n’est pas beaucoup moins élevé que le total de frais et remboursements pour cinq prêts de 2 000 euros sur deux ans à 15% (5 X 96,97€ X 24 mois = 11 636€), l’intérêt, si l’on peut dire, est que la location du même montant de capital emprunté vous coûte moins cher en intérêts sur quatre ans avec un seul prêt, que sur deux ans avec plusieurs petits crédits.
4/ Globalement, c’est plutôt intéressant de regroupe ses crédits ou à éviter ?
– En principe, c’est intéressant, mais en pratique, il faut être vigilant. Le véritable avantage d’une restructuration de crédit est d’alléger le budget d’un emprunteur pris au piège par des mensualités trop élevées pour son budget, situation qui frappe beaucoup de familles confrontées au chômage et à la précarité croissante du monde du travail. Malheureusement, la pratique des restructurations de crédit a ses revers. Premièrement, pour beaucoup d’emprunteurs en situation précaire, il y a le risque de ne pas bien en comprendre tous les aspects, et de croire que leurs mensualités peuvent diminuer de moitié comme par magie par la simple baisse des taux d’intérêt, alors que c’est totalement faux et que la contrepartie de leur allègement de mensualités est une période de remboursement plus longue.Deuxièmement, la restructuration de crédits est un marché convoité par des prestataires les plus variés où les meilleures intentions côtoient les pires escrocs, la plupart des banques et établissements de crédit évoluant généralement entre ces deux extrêmes.
5/ Quelles précautions prendre pour ne pas être victime d’une arnaque au rachat de crédits ?
– Il y a d’abord beaucoup de purs escrocs qui ciblent des gens à la recherche d’un crédit pour leur soutirer des informations bancaires ou leur réclamer des frais pour obtenir de l’argent qu’ils ne verront jamais. Il faut donc faire très attention à tous les faux témoignages circulant sur Internet et les forums de discussion, dans lesquelles une personne raconte comment ses difficultés financières ont été résolues grâce à un prêt obtenu facilement à un taux intéressant : comme dans le cas des escrocs du Forex, il s’agit d’arnaques exploitant la détresse des personnes en difficulté financière, pour leur faire miroiter un prêt et leur escamoter quelques centaines d’euros à un moment ou l’autre de leur supercherie.Du côté des banques et établissements de crédits spécialisés, il faut être vigilant au bonneteau des démonstrations chiffrées, car on a vu avec les exemples précédents que les calculs sur les crédits et les taux d’intérêt peuvent être assez complexes et qu’une présentation orientée (pour convaincre l’emprunteur de souscrire le nouveau crédit sur lequel l’intermédiaire touche sa commission), peut s’avérer trompeuse.
6/ Y a-t-il aussi des pièges dans les petites lignes des contrats de rachat de crédit ?
– Effectivement, il faut bien lire les contrats et comprendre leurs enjeux, car on y trouve parfois des clauses abusives, comme celle épinglée par la CCA. En l’occurrence, il s’agissait d’une clause très insidieuse, insérée dans un contrat de crédit stipulant que “L’emprunteur s’engage à ne pas souscrire de nouveaux crédits et à ne pas accepter de nouvelles charges financières susceptibles d’aggraver son endettement, sauf accord exprès de la société Créancière”. En clair, pour ménager ses chances d’être bien remboursé la banque fait promettre à l’emprunteur de ne souscrire aucun autre crédit nulle part sans son accord (confortant son monopole de prêt à ce client), et même de refuser toute nouvelle charge financière (par exemple un ravalement de son immeuble s’il est copropriétaire…).7/ En quoi cette clause protégeant contre un nouvel endettement est-elle abusive ?
– Cette clause protège effectivement l’emprunteur d’une rechute dans la spirale du crédit et du surendettement, mais il devrait normalement en être déjà protégé par les obligations de vérification de son niveau d’endettement par rapport à ses revenus que les marchands de crédits respectent plus ou moins bien. Mais cette protection entrave aussi totalement la liberté des consommateurs. Appelée à examiner cette clause litigieuse présentée par M. Etienne Rigal, par ailleurs vice-président du Tribunal de grande instance de Lyon, la Commission des clauses abusives a épinglé son « déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » pour deux raisons. Premièrement, « en soumettant à l’accord exprès de la banque toute nouvelle charge financière, elle concerne tous les actes susceptibles d’être conclus par les emprunteurs, y compris les actes conservatoires et d’administration » (par exemple le ravalement…). Deuxièmement, « telle qu’elle est rédigée, elle octroie à la banque un pouvoir discrétionnaire de refus de la souscription de tout nouveau crédit », ce qui met la banque en situation de monopole capable d’interdire à son client de souscrire un crédit plus intéressant ailleurs… y compris pour restructurer celui entaché de cette clause abusive.
Cet avis de la Commission des clauses abusives sur les rachats de crédit était l’occasion pour Deontofi.com de revenir sur d’autres dérives observées dans les opérations de crédit qui contreviennent à la déontologie financière, notamment les commissions iniques planquées dans certains contrats de cautionnement de prêts aux professions libérales, les défauts de conseil et de mise en garde lors des ventes conjointes de placements et de crédit, ou encore les méthodes scandaleuses de certaines banques pour pousser leurs clients professionnels ou particuliers à souscrire des prêts toxiques.
Bonjour Gilles Pouzin,
A propos de votre « Réduisez vos mensualités en groupant vos prêts, mais gare aux pièges du rachat de crédit ! »
Il est très important de souligner le rôle que peut jouer la Commission des clauses abusives (CCA).
Merci pour votre commentaire pertinent.
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