(Tout le procès Pérol ici) Pérol23. Mardi 30 juin 2015, audience de plaidoirie des parties civiles s’estimant lésées par le parachutage de l’ex-secrétaire adjoint de l’Elysée à la tête des Banques Populaires Caisses d’épargne. Maître Richard Valeanu plaide pour un sociétaire de l’Ecureuil.

(photo © GPouzin)

« Les banques vivent grâce à leurs clients et salariés. Si la confiance est affectée c’est l’entreprise qui en souffre », explique Maître Richard Valeanu (à gauche), qui partage sa plaidoirie pour un sociétaire de l’Ecureuil partie civile au procès, avec son confrère Daniel Richard (à droite), décédé prématurément un mois plus tard. (photo © GPouzin)

Plaidoirie de Maître Richard Valeanu, avocat des parties civiles intervenant pour un sociétaire et ancien salarié des Caisses d’épargne, Monsieur Nathanaël Majster, partage la plaidoirie pour ce plaignant avec son confrère Maître Daniel Richard, avocat défenseur de la déontologie financière contre les abus bancaires, malheureusement décédé depuis, début août 2015.

Face à la situation relativement sereine de l’accusé, et à la délicatesse du tribunal qui le juge, je suis étonné de la réaction des membres du directoire de BPCE quand, à travers un courrier du cabinet Cléry, ils nous disent « nous ne viendrons pas, car ce procès est inutile et inapproprié ». J’y vois un état d’esprit, non seulement du directoire, qui fait bloc, mais de la conception de ce procès. J’ai remarqué, d’ailleurs, la prudence dont Monsieur Pérol faisait preuve vis-à-vis de la cour, mais son mépris pour les sociétaires : « Pourquoi venez-vous me chercher et de quoi vous plaignez-vous, Monsieur Majster, alors que j’ai sauvé la banque ». Si ce n’est pas la fusion et l’aide publique, mais bien lui, qui était à la manœuvre, il revendique le délit dont il est accusé.

Le groupe Banques Populaires Caisses d’épargne c’est 30 millions de clients, 9 millions de sociétaires et 100 000 salariés. Compte tenu du soin que vous avez mis, Monsieur le président, à aller au fond de cette affaire, et vis-à-vis de Madame la procureure qui représente l’intérêt des citoyens, je ne reprendrai pas l’historique du dossier. Sur le fond de cette affaire d’Etat, Monsieur Majster est donc venu exercer son action ut singuli, c’est-à-dire une action singulière, à titre individuel, de celui qui agit au nom d’une personne morale qui s’abstient d’exercer ses droits, alors qu’elle en a le pouvoir. C’est souvent le cas quand il y a un abus de confiance, car les dirigeants n’exercent pas les droits de l’organisation qu’ils ont abusée contre eux-mêmes.

Monsieur Majster a la qualité de sociétaire de la Caisse d’épargne d’Ile de France. Il détient 8 parts sociales de la CE-IDF qui possède 7% des actions de BPCE. Monsieur Majster considère que BPCE, tant que la Caisse d’épargne d’Ile de France, ont souffert un préjudice du fait de la nomination de Monsieur Pérol. Et il intervient donc au nom de BPCE, ce qu’on nous conteste, en citant un arrêt de la cour d’appel de Lyon de 2004 qui ne correspond pas à mon action.

En tant qu’actionnaire de BPCE, la CE-IDF détient un pouvoir d’action ut singuli, au nom de BPCE, pour poursuivre son président. En tant que sociétaire, j’exerce cette action ut singuli. Réduire le périmètre de l’action ut singuli conduirait à réduire la portée de cette mesure prétorienne ancienne, consacrée par le Code de commerce.

Vous n’auriez jamais eu d’action ut singuli d’un actionnaire du groupe BPCE, car il n’est pas coté en Bourse et son capital est réparti à 50/50 entre les Banques populaires et les Caisses d’épargne.

Dans toute entreprise, il peut y avoir un grain de sable qui fait passer de l’excellence à la médiocrité. L’institution de lutte contre les conflits d’intérêt est une belle institution, un signe de démocratie. On nous dit « ne vous inquiétez pas, des barrières ont été mises pour que ceux qui dirigent ne profitent jamais de leur position de pouvoir ». Monsieur le président, vous avez exercé des fonctions au syndicat de la magistrature, vous connaissez l’esprit du droit de récusation, il ne consiste pas à récuser un juge parce qu’il ferait mal son travail, mais parce qu’on ne veut pas que l’accusé dans la salle puisse le soupçonner de partialité.

Le conflit d’intérêt naît d’une situation où l’agent public a un intérêt de nature à influer, ou à paraître influer sur l’indépendance de ses décisions.

Il faut prévenir tout comportement, toute posture, qui favoriserait un conflit d’intérêt, faire preuve de discernement. Quand on lit dans la note de Maître Cornut-Gentille « Monsieur Pérol est toujours resté dans son rôle de conseiller chargé d’informer le président sur l’avancement du dossier », on est au cœur de cette contradiction. Un conseiller n’est pas seulement un secrétaire. À 20 000 euros par mois ce serait un peu curieux, bien évidemment. Au moyen âge, conseiller voulait dire « parler en secret » à quelqu’un. Le rôle du conseiller est de formuler des avis.

On évoque un arrêt de la Cour d’appel de Caen, fin 2014, sur l’article 432-12. J’entends bien Monsieur Pérol dire « je suis un bon banquier », ce n’est pas le sujet. La question est de savoir s’il n’a pas commis une faute en acceptant ce poste. La réponse est qu’il ne faut pas être à cet endroit à ce moment, il faut savoir s’abstenir.

J’en viens au terrain civil, concernant le préjudice direct et personnel. Je ne demande rien pour Monsieur Majster, sauf le remboursement des frais de justice, je plaide pour un euro symbolique comme mes confrères. Est-ce qu’on doit demander à François Pérol de rembourser son salaire ? De rembourser le budget de communication de la banque pour le défendre ? On n’en sait rien.

Mais il y a un préjudice de principe. Les banques vivent grâce à leurs clients et salariés. Si la confiance est affectée c’est l’entreprise qui en souffre. Je me tourne vers mes confrères, ajoute-t-il en désignant les avocats d’autres sociétaires et salariés, pour souligner sa solidarité avec leurs actions et leur légitimité.

Quant aux clients, on ne me fera pas croire que sur 30 millions de clients il y a 30 millions d’électeurs de Sarkozy. Car au début, on a dénigré cette affaire comme étant un procès contre le système Sarkozy. Deux membres de la Commission de déontologie ont démissionné, c’est un vrai scandale politico-médiatique. Ce qui est certain, c’est que cela a déplu à une partie de la clientèle.

L’image de la banque, Monsieur Pérol nous disait hier qu’elle communiquait sur la proximité. Mais sur son site officiel, BPCE met en avant deux qualités. L’excellence. Politique et banque ne font pas bon ménage. L’excellence…

La morale, deuxième valeur. Un des sujets de bac philo était de définir la morale. Je crois qu’elle est liée à l’humilité. Il n’est pas utile de se maintenir à une place contre vents et marrées. Voici la raison pour laquelle Monsieur Majster est venu dire « il y a des gens qui ne sont pas contents ».

Comme il en était convenu, Maître Richard Valeanu passe ensuite le relais à son confrère Daniel Richard, avec qui il partage cette plaidoirie, comme ils avaient pris l’habitude de le faire dans d’autres procès où l’on n’est jamais trop de deux, pour affronter la mauvaise foi bancaire, comme au procès de Jérôme Kerviel face à la Société générale.

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