(Tout le procès Pérol ici) Pérol15. Jeudi 25 juin, 3ème jour du procès de l’ex-secrétaire adjoint de l’Elysée. Claude Guéant, à l’époque supérieur de François Pérol et bras droit du président Sarkozy, raconte comment ce dernier l’a placé à la tête de BPCE.

(photo © GPouzin)

Témoin clé du procès de François Pérol, Claude Guéant est venu à son procès raconter les coulisses de son parachutage à la tête des Banqus Populaires Caisses d’épargne. (photo © GPouzin)

11h45 les débats se poursuivent avec le témoignage de Claude Guéant, l’ex secrétaire général de l’Elysée, bras droit du président de la République Nicolas Sarkozy, cité par les parties civiles. En introduction, le juge Peimane Ghaleh-Marzban rappelle le fonds du litige, notamment les charges retenues contre François Pérol pour infraction à l’article 445 du Code pénal.

– Je m’appelle Claude Guéant, je suis né le 17 janvier 1945, j’ai donc 70 ans, je ne connais pas François Pérol en dehors des relations de travail que nous avons eues, expose le témoin à la demande du président de décliner son identité.

– Quelle est votre profession ?

– Avocat.

– Levez la main droite, jurez-vous de dire la vérité toute la vérité ?

– Je le jure.

– Pouvez-vous faire votre déposition ? invite le juge. Peut-être pouvez-vous, pour commencer, nous dire quel est le rôle d’un secrétaire général adjoint de l’Elysée ?

– Le secrétaire général adjoint de l’Elysée a un rôle méconnu, qui est comparé abusivement à un rôle de directeur de cabinet dans un ministère. Les membres du secrétariat général du président de la République rassemblent à son intention des informations, des analyses et ajoutent leur analyse à eux… Ils voient beaucoup de gens. Ils sont très sollicités. Ils n’ont aucun pouvoir propre, ni délégation de pouvoir, ni signature. Leur fonction n’est définie par aucun texte, ou tout au plus pour le directeur de cabinet qui assure la logistique matérielle de l’Elysée. Voilà spontanément ce que je peux dire. Quoi d’autre ?

– Continuez, spontanément, propose habilement le juge Peimane Ghaleh-Marzban, sans doute pour éviter d’orienter les grandes lignes de ce témoignage.

– J’ai lu la presse et la question qui se pose à vous, poursuit l’ancien secrétaire général de l’Elysée. J’aborderai le point de savoir comment Monsieur Pérol a été nommé à la tête des deux établissements bancaires, puis de BPCE. Il faut rappeler le contexte à la suite de la faillite de la banque Lehman, avec la décision des chefs d’État d’empêcher d’autres faillites, et de les garantir par des recapitalisation et aides de 320 milliards d’euros pour la France. Dans ce panorama, deux établissements sont dans un grand état de fragilité : la CNCE et les Banques populaires, car ils ont une filiale commune, Natixis, qui détenait plusieurs dizaines de milliards d’actifs toxiques. Il est vite apparu comme un consensus, dans le monde bancaire, que ces banques devaient fusionner, et qu’avec les relations entre actionnaires tendues il était impossible de trouver une solution interne satisfaisante. D’autres noms venant de l’extérieur ont circulé, mais il n’y a pas eu d’accord. Au final, le président de la République a demandé à Monsieur Pérol s’il accepterait de devenir président. Cette idée était déjà venue de l’intérieur des Caisses d’épargne qui l’avaient proposé et Pérol avait refusé. Il fallait sauver ces établissements bancaires, c’est la raison pour laquelle cette proposition a été faite, très tard. J’ajoute qu’il y avait urgence avec la publication des comptes. Il y avait le feu au système financier international. Le Royaume Uni nationalisait RBS, les États-Unis nationalisaient Citibank. C’était une situation extrêmement tendue, il fallait donner un signe de sortie de ces difficultés.

Le troisième sujet sur lequel je vais m’exprimer, puisque vous m’y invitez spontanément, est la saisine de la Commission de déontologie, que j’ai appelée en la personne de son président Monsieur Fouquet le 20, quand la nomination venait d’être décidée, car nous avions ce problème d’urgence. Je lui ai demandé la façon dont nous pourrions résoudre ce problème. Il m’a indiqué que selon le règlement de la Commission, elle disposait d’un mois pour donner son avis sur une prise de fonction privée d’un fonctionnaire public. Nous n’avions pas le temps et avons imaginé une solution : François Pérol a demandé un avis que j’ai transmis au président qui a répondu à titre personnel. L’argument juridique de la Commission était qu’une personne membre d’un cabinet n’exerçait pas d’autorité et échappait au texte. En deuxième lecture, le président insiste sur l’obligation de saisine de la commission, si les conditions limitativement énumérées sont remplies. Elles n’étaient pas remplies, il n’avait pas de contrôle, n’avait pas passé de contrat, etc. J’en conclue que si François Pérol avait exercé ses fonctions dans les conditions dans lesquelles il l’a fait, il n’y avait pas matière à saisine.

– Vous avez dit que le président de la République a demandé à François Pérol s’il accepterait de devenir président. Vous dites avoir appelé le président de la Commission de déontologie le 20 dans la soirée à son domicile, donc assez tard. Je le prends comme un fait. Ce qui m’intéresse, c’est à quel moment et comment le nom de François Pérol est sorti ? Des noms ont circulé, dont celui de Philippe Dupont. Vous le recevez le 10 janvier. Puis entre la 2ème et 3ème semaine de janvier, les dirigeants des Caisses d’épargne font savoir que cela ne peut pas être Monsieur Dupont. Entre l’annonce des pertes le 26 février, dont la contrepartie est d’aboutir à la fusion car l’État met de l’argent, il se passe quelques jours où il faut trouver un président. Est-ce que le président de la République, animé de l’intention que cela se passe au mieux, dans un acte d’autorité et de responsabilité, demande à un de ses plus proches collaborateurs de prendre la tête de l’opération ?

– La visite dont vous parlez montre bien l’état d’esprit des deux établissements, confirme l’ex-secrétaire général de l’Elysée. Ils étaient convaincus de l’opération mais offraient un spectacle assez déplorable des chamailleries entre eux. Aucun camp n’acceptait les candidats de l’autre, il fallait chercher un candidat externe, et même sur les candidats externes ils ne se mettaient pas d’accord. S’ils l’avaient fait, on l’aurait accepté et il n’y avait rien à dire. C’est faute de proposition des dirigeants que le président de la République a pensé à quelqu’un de compétent, qui ferait l’affaire et serait indépendant des deux groupes.

– Donc c’est une idée du président de la République ? redemande le juge Peimane Ghaleh-Marzban avec insistance, afin que ce témoignage clé pour l’issue du procès soit bien confirmé.

– Oui, valide une nouvelle fois Claude Guéant.

– Le 20 février, il y a une réunion avec François Pérol, Bernard Comolet, Alain Lemaire, Philippe Dupont et vous. Le président Sarkozy vient 15 minutes pour dire que François Pérol prendra la direction. Le 20 au soir, vous appelez Fouquet pour le consulter sur la décision qui vient d’être prise. Le président vous rencontre avec François Pérol mardi 17 à 16h. Cela devait être une réunion structurante, c’est la première de la semaine dans l’agenda du président. Le lundi 16 est une journée banalisée, et le mardi jusqu’à 16h. C’était une réunion à ce point importante pour être la première de son agenda. Le jeudi 12, il y a eu réunion à l’Elysée, avec la Banque de France, le Trésor, le premier ministre, et le ministère des finances, avant de recevoir les banques. Est-ce que le 17, se scelle la décision de nommer François Pérol ? On réunit a nouveau les banques le 19. Le 20, vous appelez Fouquet. Le 21, Sarkozy annonce que c’est François Pérol qui prend la direction.

– Le mercredi 25, la nomination est soumise aux deux conseils, qui approuvent à l’unanimité la nomination de François Pérol, qui est sorti de la salle et ne participe pas à la délibération, confirme le témoin.

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