Ce cas de vente forcée en vue d’expulser un emprunteur en difficulté permet de comprendre très concrètement un aspect de la crise des « subprimes » qui a ravagé des quartiers et des villes entières aux Etats-Unis et qui pourrait bien se propager en France. Comme aux Etats-Unis, les banques ont fait payer deux fois à la communauté leur imprudente avidité.
Dans un premier temps, les banques avaient revendu leurs créances hypothécaires douteuses aux investisseurs, en les présentant abusivement comme sans risque avec la complicité des agences de notation. Cette étape s’est soldée par des pertes gigantesques nécessitant le sauvetage des banques par les Etats et les contribuables un peut partout dans le monde, notamment en France.
Dans un second temps, les banques tentent de gagner le maximum d’argent sur le dos des emprunteurs en difficulté, en privilégiant des méthodes expéditives et brutales, plutôt qu’en coopérant aux procédures de résolution les moins dommageables sur le plan économique et social. Cet aspect dramatique de la crise des subprimes était jusqu’ici un peu abstrait pour le grand public français qui n’y était pas confronté de façon aussi choquante qu’aux Etats-Unis. Le cas ci-dessous, qui fait l’objet d’une pétition diffusée par le site Change.org, montre pourtant que la France n’est pas à l’abri de ces pratiques.
Voici le témoignage intégral de l’emprunteuse en difficulté, reproduit par Deontofi.com :
« Du fait de ma précarité, je n’ai plus pu rembourser mon prêt immobilier. Malgré un dossier de surendettement et un jugement en instance conférant force exécutoire aux recommandations de la Banque de France de me donner un délai de 24 mois, le Crédit Agricole a décidé de brader ma maison.
Ma maison sera vendue aux enchères le 23/10/2014. Je serai donc à la rue.
J’en appelle ainsi à la solidarité et à vos signatures de soutien.
Voici mon histoire :
En octobre 2000, nous achetons mon mari et moi même une maison de village à l’aide d’un prêt du Crédit Agricole. Le montant du prêt est de 100 000€ et le remboursement est de 770€ par mois pendant 20 ans.
En 2001, après une séparation difficile, j’assume seule le remboursement des mensualités. Le divorce est prononcé en 2003, la maison m’est attribuée comme domicile et mon ex-mari doit me céder sa part de la maison comme prestation compensatoire et payer la moitié des mensualités de remboursement du prêt. Comme celui-ci ne paie rien, je continue les règlements afin que mes enfants et moi-même ne perdions pas notre domicile. Je n’ai plus de revenu, à part le RSA. Je ne peux faire valoir mes droits à la prestation compensatoire et me retrouver seule propriétaire de la maison car le notaire demande environ 6000€ pour ces changements, somme bien trop chère pour mes revenus précaires.
Au fil des années, j’ai de plus en plus de mal à payer mes mensualités jusqu’à ce que le Crédit Agricole m’adresse à mon ex-mari et moi-même un commandement de payer valant saisie immobilière, de 96 000€.
Je constitue alors un dossier de surendettement à la Banque de France en proposant de régler ma dette par la vente d’un bien que je possède en indivision avec mon frère (héritage). La Banque de France propose cette solution au Crédit Agricole, plus adaptée à la situation que la vente forcée de mon habitation. Cette proposition est refusée par le Crédit Agricole.
Par ordonnance du 7/04/2014, la Juge d’instance au Tribunal de Toulon en matière de surendettement confère force exécutoire aux recommandations de la Banque de France : une suspension d’exigibilité des créances pour une durée de 24 mois durant laquelle je devrais vendre mon bien d’une valeur de 250 000€.
Le Crédit Agricole n’est toujours pas d’accord et demande l’exécution du commandement de payer valant saisie. Un autre juge, le juge de l’exécution auprès du TGI de Toulon, dit alors que Mme est en dossier de surendettement soit mais que son ex-mari (divorce prononcé en 2003 -qu’il nomme d’ailleurs son mari) lui n’a fait aucune démarche pour protéger de cette saisie. Donc Monsieur resterait saisissable ! –ce qui est par ailleurs impossible du fait de son insolvabilité.
La vente aux enchères est reportée au 23/10/14.
J’ai fait appel de cette décision afin que mes droits soient respectés mais des erreurs de dates et de formulation de l’appel font que celui-ci est rejeté. Cependant, bien que je bénéficie de l’aide juridictionnelle, je vais devoir régler les frais d’avocats du Credit Agricole ! Je bénéficie du RSA et APL, ce qui me permet de vivre difficilement avec 686€ / mois. Si ma maison est vendue aux enchères, je n’aurais aucune possibilité de me reloger.
Le bien que je possède n’est toujours pas vendu et la date s’approche et il m’est impossible de régler la somme de 100 000€ que me demande le Crédit Agricole. Cette banque n’a jamais rien proposé d’humain : un taux très important jamais renégocié, aucun compromis au vu de ma précarité. J’ai mené ce combat seule et j’ai payé seule pendant 12 ans : comment un juge peut-il se servir d’un ex-mari insolvable pour renflouer les caisses d’une Banque (autant que faire se peut : ma maison est bradée à 70 000€) ? J’ai un dossier d’AAH en cours depuis avril 2014 car ma santé s’est beaucoup dégradée : Je ne quitterais pas la maison, c’est impossible.
Merci de votre soutien.
Hélène Richard,
Saint-Mandrier-sur-Mer, France »
Ce texte est présenté ici avec sa pétition de soutien sur Change.org.
Dans le respect du droit d’expression et de l’enquête contradictoire, vous pouvez lire ici la réponse édifiante du Crédit Agricole et les commentaires qu’elle suscite.
Message de l’emprunteuse à la suite de sa pétition et de la publication de notre article :
21 oct. 2014 — Le Crédit Agricole se montre plein de bonne volonté et les négociations avancent sur la durée du délai pour vendre mon bien. Je remercie toutes les personnes qui me soutiennent… Lire la suite ici.