L’association Paris Europlace, qui a fêté son vingtième anniversaire, recevait, jeudi 4 juillet 2013, le ministre de l’Économie et des Finances, invité à prendre la parole par le président de Paris Europlace, Gérard Mestrallet, aussi président de GDF Suez.
Que restera-t-il vraiment des voeux pieux de Bercy au-delà de leurs bonnes intentions ? (photo © GPouzin)

Que restera-t-il vraiment des voeux pieux de Bercy au-delà de leurs bonnes intentions ? (photo © GPouzin)

Avant de donner la parole à son invité, Gérard Mestrallet a présenté sans détour les intérêts défendus par les professionnels de la finance réunis au sein de Paris Europlace : «Je ne vous cache pas notre inquiétude face à la menace de création d’une taxe sur les transactions financières». Et, «vos analyses nous intéressent», a ajouté Gérard Mestrallet après avoir énuméré la liste de ses préoccupations, notamment sur «l’instabilité fiscale» et l’absence d’un champ de concurrence équitable (level playing field) avec d’autres partenaires du G20 en matière financière, dont les États-Unis :  «En même temps, la place financière de Paris est à l’offensive pour développer et préserver sa compétitivité», a poursuivi Gérard Mestrallet en plaidant notamment pour une meilleure allocation de l’épargne des ménages au profit du financement des entreprises et avant de conclure : «Nous avons besoin de votre appui et de celui des pouvoirs publics.»

Remerciant son hôte, Pierre Moscovici a d’abord voulu «rétablir les faits» : «La France connaît des difficultés de croissance, de finances publiques, de commerce extérieur et de compétitivité, mais elle reste la cinquième puissance économique mondiale, la seconde de l’Union européenne et le premier pays d’accueil en Europe pour les investissements directs industriels», a-t-il rappelé. «Nous avons un devoir collectif pour redresser notre pays, mais avant tout d’être fier de ses atouts», a indiqué le ministre aux éventuels «déclinistes». Il a ensuite présenté les objectifs du gouvernement pour «améliorer encore cette attractivité», autour de quatre piliers.

1. Une politique européenne en faveur de la croissance.
Rappelant qu’il y a un an, à l’été 2012, le climat était plutôt «une question de survie de l’intégrité de la zone euro», Pierre Moscovici a indiqué trois changements pour remédier au déficit de croissance de la zone euro. D’abord «ajuster le rythme» pour prendre en compte la dégradation de la conjoncture, en donnant un an de délai supplémentaire aux objectifs fixés par Bruxelles pour redresser les finances publiques. Ensuite «créer une union bancaire complète pour stabiliser le système financier». «Il n’est pas satisfaisant, et même assez choquant, que des pays aient des conditions de financement si différentes», a déclaré Pierre Moscovici en citant l’exemple de deux sociétés du même secteur qui se financeraient à des taux très divergents selon leur implantation d’un côté ou l’autre de la frontière austro-italienne. Enfin, il a appelé à « l’invention de nouvelles solutions, par exemple des instruments financiers de partage du risque avec la BEI pour le financement des PME ».

2. Rétablir la compétitivité.
Sur ce point, «la baisse du coût du travail de 20 milliards d’euros, grâce au CICE, porte ses fruits, on constate une réduction de l’écart du coût du travail avec l’Allemagne», a indiqué Pierre Moscovici, en ajoutant que la réforme du marché du travail apportait aussi «plus de sécurité aux salariés et plus de flexibilité aux employeurs».

3. Les réformes structurelles.
Au-delà de la réforme du marché du travail, Pierre Moscovici a énuméré les réformes en cours : la loi sur la consommation, qui contribuera à «rééquilibrer les rapports économiques» (allusion aux actions collectives permettant aux consommateurs d’être moins isolés face aux abus des grands groupes) ; la réforme des retraites pour «rétablir la soutenabilité » de notre système ; le «gigantesque chantier du financement de l’économie», la création de la BPI (Banque publique d’investissement) pour accompagner les PME dans leurs projets de croissance. Il s’est attardé un instant sur «la réforme du système bancaire, menée dans un bon esprit de concertation qui a préservé le modèle français de banque universelle», une allusion en filigrane à son soutien implicite des revendications de la profession bancaire française ; ou encore la réforme du Code des assurances pour faciliter leur capacité de prêter aux PME, avec la création d’un premier fonds d’un milliard d’euros par la CDC et la CNP avec dix-huit assureurs.

4. L’impératif national de désendettement.
Annonçant «deux chiffres inédits», Pierre Moscovici a annoncé un «désendettement en profondeur» portant sur 1,9% du PIB de la France en 2013 et 1% en 2014. Dans la préparation en cours du projet de loi de finance (PLF) pour 2014, il a précisé que l’effort d’économie serait réparti entre deux tiers d’économie sur les dépenses et un tiers de prélèvements, soit 14 milliards d’euros d’économies (dont 9 déjà précisément identifiés). C’est une baisse «historique» des dépenses de l’État, a-t-il affirmé.

5. Autres projets contre l’opacité financière. 
La «transparence des banques» ne réglant qu’une partie de la vulnérabilité financière, Pierre Moscovici a estimé qu’avec la réforme de la directive MIF 2 (marchés d’instruments financiers), «la transparence doit s’appliquer sur l’ensemble des marchés financiers» en veillant à ce que des acteurs n’échappent pas à cette règle par des activités de shadow banking (activités pseudo-bancaires non régulées). Il a indiqué avoir signé, le matin même, un protocole avec son homologue suisse, rappelant l’importance de «la souveraineté contre l’opacité financière et contre l’évasion fiscale internationale».

6. Euronext coté en Bourse redevient européen.
Concernant l’avenir d’Euronext, Pierre Moscovici a indiqué avoir confié une mission de réflexion à Thierry Francq, ancien secrétaire général de l’AMF, sur l’avenir des activités de marché en France dont les premières conclusions lui ont été rendues, il y a un mois. À l’occasion du rachat par l’opérateur ICE de la Bourse américaine NYSE Euronext, cette dernière doit revendre Euronext dont elle avait pris le contrôle, en la cotant en Bourse. Ce serait l’occasion de créer une «vraie solution européenne continentale» autour des Bourses actuelles d’Euronext (Paris, Bruxelles, Amsterdam, Lisbonne), si elles partagent une même vision de place financière au service des entreprises européennes et si les acteurs de la finance sont prêts à en être des actionnaires stables.

7. Taxe sur les transactions financières, PEA PME, réforme de l’assurance vie.
«Je suis favorable à une taxe européenne sur les transactions financières», a déclaré Pierre Moscovici en rappelant «le travail mené par le gouvernement précédent» pour créer une taxe sur les transactions financière pour l’Europe tout entière, regrettant que le projet actuel ne s’étende pas au-delà des onze pays ayant accepté de s’y engager. Enfin, à l’adresse des épargnants autant que des professionnels, Pierre Moscovici a annoncé qu’il présenterait «dans les prochaines semaines de juillet» le projet de réforme du «PEA PME», ainsi que des dispositions incitant les entreprises à investir dans des jeunes entreprises innovantes, avec un droit à restitution fiscale pour 2014. Des dispositifs supposés favoriser un objectif de «multiplier par cinq les introductions en Bourse d’ici à 2015». Sans en dévoiler les détails, Pierre Moscovici a aussi rappelé que le projet de loi de finances inclurait une «réforme de l’assurance vie pour réorienter une partie de l’encours» qu’il a qualifiée de «réforme majeure que je mènerai en concertation avec les assureurs».

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