Le procès en appel pour abus de confiance des ex-dirigeants du complément de retraite des enseignants et fonctionnaires (Cref) est l’occasion de comprendre comment 450 000 épargnants se sont fait piéger par ses fausses promesses. Deontofi.com publie les plaidoiries des quatre avocats défenseurs des victimes du Cref, telles que présentées à l’audience du 6 décembre 2013. (Tous les articles sur l’affaire Cref ici)

Plaidoirie de Maître Stéphane Bonifassi (1ère partie)

Maître Stéphane Bonifassi, avocat du Comité d'information et de défense des sociétaires du Cref (CIDS-Cref). (photo © GPouzin)

Maître Stéphane Bonifassi, avocat du Comité d’information et de défense des sociétaires du Cref (CIDS-Cref). (photo © GPouzin)

On a eu hier une question sur la légitimité du CIDS, entame Maître Stéphane Bonifassi comme il l’avait promis à ses contradicteurs la veille. Imaginez 6500 parties civiles dans cette salle ! Vous ne les auriez pas eues, bien sûr, mais sans le CIDS il aurait pu y avoir 200 ou 300 plaignants représentés par 10 ou 20 avocats qui auraient rendu l’audience plus complexe.

C’est une affaire où 6500 personnes arrivent à se mettre ensemble dans une association. Du jamais vu, car en général les parties civiles se battent sur des intérêts divergents. C’est peut-être un hommage au monde enseignant, de voir qu’au delà de ses divergences, il ait réussi à fédérer 6500 personnes. Le CIDS a mené trois combats au civil, au pénal et devant la juridiction administrative. Au civil il a obtenu le remboursement de 5,5 millions d’euros en réparation du préjudice des souscripteurs du Cref. C’est un premier succès. Le procès pénal ensuite, a donné lieu à une scène incroyable en première instance, qui a choqué le tribunal, puisque l’avocat de la mutuelle vient à l’audience, payé par les adhérents, pour dire « ces gens n’ont rien fait ». C’est un problème : si l’on n’a rien à demander on ne vient pas en partie civile. C’est un pantomime !

Aujourd’hui, parce que la mutuelle a été mise en faillite, nous avons un avocat et plus un pantin. C’est aussi grâce au CIDS et à Nicolas Lecoq-Vallon que les victimes ont obtenu la condamnation civile.

Vous avez aussi Monsieur Parma qui vous explique que d’avoir 30 euros par mois en moins était quelque chose de difficile. S’il n’y avait pas le CIDS, il n’aurait pas pu intenter une seule action en réparation de son préjudice. Nous avons déjà obtenu une indemnisation par l’Etat à hauteur de 20% du préjudice. Evidemment Mr Parma qui est à 30 euros près n’aurait pas pu obtenir ce résultat, ce qui prouve l’utilité du CIDS qui reste vraie aujourd’hui comme dans les autres procédures. Voilà pour l’utilité du CIDS. Ce procès pénal est probablement le plus important pour les adhérents, quand bien même il nécessite chaque année de payer 44 euros au CIDS pour son fonctionnement.

Se pose la question de recevabilité du CIDS, poursuit l’avocat de l’association en anticipation des plaidoiries adverses. On m’a demandé quel était son objet, j’ai versé les statuts. Potentiellement il aurait pu y avoir 450 000 adhérents. On est sur la théorie des ensembles. Nicolas Lecoq-Vallon, qui avait constitué les 4500 premières parties civiles du CIDS, n’a pas ajouté les 2000 nouveaux adhérents.

En droit maintenant, poursuit l’avocat. Si 6500 personnes acceptent de payer 44 euros par an, compte tenu de ce que cela représente pour eux, c’est une preuve que le retentissement de l’action du CIDS va beaucoup plus loin. Nous avons depuis longtemps une jurisprudence qui admet la constitution de partie civile d’associations non agréées. C’est le cas de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, qui reconnaît l’atteinte aux intérêts collectifs dans une affaire de 1999 où la Fédération des producteurs de viande se plaignait que des supermarchés vendaient sous l’appellation de viande française de la viande qui ne l’était pas. Vous avez également en 2006 un arrêt de la Chambre criminelle où l’Association de sauvegarde du village de Favières-la-Route se plaint de la délivrance de permis de construire contraires à l’objectif de l’association, elle est déclarée recevable. Et puis, Madame le président, il y a l’affaire des biens mal acquis dans laquelle l’association Transparence International est déclarée recevable dans sa lutte contre la corruption, où la Chambre criminelle reprend ce raisonnement et déclare, contre l’avis du parquet, la recevabilité des parties civiles.

Maître Stéphane Bonifassi, avocat. (photo © GPouzin)

Maître Stéphane Bonifassi, avocat de l’association des épargnants victimes du Cref. (photo © GPouzin)

Je pense que face aux ricanements et sourires entendus, vous avez un vrai sujet quant à la recevabilité du CIDS qui représente plus que la somme des intérêts individuels de ses membres. C’est au nom d’un intérêt plus large, que l’on s’est permis de faire délivrer une invitation à François Hollande, a être entendu dans cette affaire, alors qu’après la condamnation des prévenus en première instance, il se rend au congrès de la mutualité et rend hommage à René Teulade au nom de l’amitié corrézienne (NDLR, René Teulade a notamment été suppléant de François Hollande quand il était député de Corrèze). Au delà du fait que le prévenu avait été condamné en première instance, je finirai sur ce sujet, car la porte-parole du gouvernement, madame Najat Vallaud-Belkacem, avait dit qu’il ne viendrait pas témoigner mais elle avait précisé sur les marches de l’Elysée qu’il contribuerait à la manifestation de la vérité. On n’a rien vu venir, c’est un peu surprenant. (NDLR, lire la dépêche Reuters : « Le président s’est toujours engagé à contribuer autant que faire se pouvait à la détection de la vérité« )

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