(Tout le procès Pérol ici) Pérol12. Troisième jour du procès de François Pérol, parachuté de l’Elysée à la Banque Populaire Caisse d’épargne. Le gouverneur de la Banque de France, venu soutenir l’accusé, donne sa version du sauvetage de leur filiale toxique, Natixis.
Jeudi 25 juin 2015, une grande journée s’annonce dans le procès de François Pérol, jugé par le Tribunal correctionnel de Paris pour prise illégale d’intérêts dans le cadre du rapprochement des Caisses d’épargne et banques populaires qu’il avait piloté en tant que secrétaire général adjoint de l’Elysée sous la présidence de Nicolas Sarkozy, avant de se faire nommer à la tête du nouveau groupe BPCE. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, et Claude Guéant, ex-secrétaire général de l’Elysée, ont accepté de venir témoigner au procès de François Pérol, le premier à la demande de la défense tandis que le second est cité par les parties civiles. Entre ces deux témoignages, celui du journaliste Laurent Mauduit, notre confrère de Mediapart ayant exposé de nombreuses turpitudes de l’Ecureuil, éclairera le tribunal sur la genèse de cette affaire.
A 9h25, le gouverneur de la Banque de France est lancé dans le récit de la fusion des Banques Populaires et Caisses d’épargne.
– Les actionnaires commencent à se chamailler, raconte Christian Noyer. Ils sont venus nous voir en disant qu’ils n’y arriveraient pas. Qu’il fallait nationaliser Natixis. On leur a dit « pas question de nationaliser les pertes après que vous ayez privatisé les profits. Si on aide Natixis, c’est via ses actionnaires ». C’est de là que reprend le vieux projet de rapprochement des deux groupes. Cela faisait du sens à notre avis, car d’un côté la Caisse d’épargne avait une base de dépôts et crédits aux particuliers, tandis que les banques populaires ont plus une clientèle d’entreprise mais moins de base de dépôts pour accorder des crédits. Si les actionnaires ne sont pas capables de se coordonner de façon harmonieuse, il faut changer la gouvernance. Si l’État met de l’argent, il faut que les actionnaires arrêtent leurs luttes intestines. Le ministère des finances et le Trésor sont dans une préoccupation constante de mettre en place le soutient de l’État avec la meilleure probabilité de récupérer l’argent. Du coup nous-mêmes et la direction du Trésor avons poussé à une accélération de la fusion de ces deux groupes.
– Merci monsieur le gouverneur, j’aurai quelques questions pour éclairer le tribunal, enchaîne le juge Peimane Ghaleh-Marzban après cette présentation. Dans la procédure on parle de risque systémique. Pouvez-vous expliquer concrètement pour la France ce que représenterait une réalisation de ce risque systémique ?
– Ce n’est pas facile à définir en termes simples, entame le gouverneur de la Banque de France. Ce qui se produit, quand il y a un accident individuel d’un établissement bancaire, a un effet sur l’ensemble du système. Prenons l’exemple d’une banque française de taille significative qui connaîtrait un défaut de paiement, la méfiance des investisseurs internationaux sur les banques françaises redouble, créant une tension sur leur refinancement. On voit de grands investisseurs institutionnels en Asie, à Londres, qui se retirent et vont sur des banques déjà recapitalisées, comme RBS après sa recapitalisation par l’État britannique. Si les banques françaises ont des difficultés de refinancement, elles peuvent être en défaut de liquidité, incapables de refinancer leurs crédits en dollars. Les répercussions concrètes sont le blocage du crédit, et la liquidation des actifs même avec des pertes énormes. La répercussion des difficultés d’une banque sur une autre banque peut aboutir, à l’extrême, à une faillite généralisée du système bancaire français. Notre rôle, en tant que gendarme, est d’arrêter dès le premier niveau et de trouver les moyens de contenir l’incendie. L’intervention de l’État était, à ce moment, la seule chose possible. Généralement on dit aux banques d’aller voir leurs actionnaires, mais il était impossible de faire appel au marché dans ces conditions.
– De qui vient l’initiative de relancer le processus de fusion ? rebondit le juge. Des acteurs eux-mêmes ? Du ministère des finances ? De la Banque de France ? D’une impulsion politique ?
– Clairement pas, réfute Christian Noyer. Je pense que nous avons été les premiers à dire que l’on ne peut pas tenir un groupe en difficultés avec deux actionnaires qui se battent à parité, avec un risque qu’il n’y ait pas de majorité au conseil, que des décisions urgentes puissent ne pas être prises. J’ai dit « cette gouvernance ne convient pas, il faut la changer ». L’initiative a été reprise par le directeur du Trésor pour une autre raison: il ne peut pas engager l’argent de l’État au niveau de Natixis que l’État n’a pas le moyen de contrôler, c’est aux actionnaires de le faire. Et s’ils se battent on ne peut pas leur apporter de l’argent. Nous voulons une gouvernance efficace. Il y a eu un accélérateur avec les pertes des Caisses d’épargne qui ont entraîné le remplacement de leurs dirigeants. Les dirigeants des Caisses d’épargne n’avaient pas l’expérience suffisante pour un contexte de crise internationale avec des opérations complexes. Monsieur Dupont, qui avait plus d’expérience des opérations, était fragilisé car accusé par les Caisses d’épargne d’avoir présidé Natixis et laissé aboutir à cette situation.
– Quel est votre souvenir sur l’intervention des pouvoirs publics du 12 novembre 2008 à la fusion du 16 mars 2009 ?
– Le montant de l’accord, la structure juridique, la réforme législative, l’origine des futurs dirigeants, le délai d’exécution du rapprochement. Ces cinq points sont essentiels car ils structurent notre saisine, explique le juge.
– Concernant le premier plan consacré dans la loi du 16 octobre 2008, vous indiquez qu’il y aura 40 milliards de recapitalisations et 320 milliards de garanties, avec le deuxième plan de janvier 2009 et les cas particuliers. Pour BPCE nous avons un montant de recapitalisation de 5 milliards, comment en est-on arrivé à ce montant ? Quel est le processus administratif ?
– Monsieur le président, comme vous l’avez rappelé, les 40 milliards sont l’enveloppe que le parlement a mis en place et que le ministère des finances est autorisé à utiliser en renflouement des banques. Sur chaque cas, le directeur du Trésor nous demande de combien a besoin chaque banque. Nous calculons au cas par cas et le ministère des finances discute, via le Trésor, et instruit la mise en place des aides. Il y a trois étapes dans l’utilisation de l’enveloppe de 40 milliards. D’abord 2 milliards pour les Caisses d’épargne et Banques populaires, et l’équivalent pour d’autres groupes. La deuxième étape, toujours sur l’enveloppe de 40 milliards, a lieu en janvier. BNP et Société générale ont besoin d’un coup de pouce pour atteindre le ratio de 9%. Voici les chiffres que nous proposons à la direction du Trésor. Pour les Caisses d’épargne et Banques populaires, c’était les mêmes calculs, mais on aboutissait à un montant incertain. Pour renflouer Natixis il fallait un meilleur suivi qu’on n’avait pas. En réalité le total a été de 7 milliards en tout: 2 milliards en octobre, 2 milliards en janvier et 3 milliards seulement sur le groupe fusionné BPCE. Pour ces 3 milliards nous avons hésité entre 2 et 4 quelques jours, car on ne savait pas très bien leur situation. Nous les avons calculés, ils ont été discutés et validés par le Trésor.
Cela fait un long moment que je n avais pas trouve un article de cette trempe !!!