Comme dans bien des métiers, tous les notaires ne se valent pas, comme en témoignent les nombreuses sur ce thème signalées à Deontofi.com (photo © GPouzin)

Avec les vacances, certains d’entre vous ont l’occasion de se retrouver en famille. C’est aussi parfois un moment opportun pour évoquer, à tête reposée, une succession en cours, ou d’anticiper la vie d’après, quand on ne sera plus là. Frères, sœurs, cousins choisissent souvent l’été pour régler des questions familiales qui n’ont pas trouvé de solution d’emblée. Petit tour d’horizon compilé à partir de témoignages d’expériences recueillis par Deontofi.com avec l’aide de notre consœur Marie-Jeanne Pasquette, dont le site Minoritaires.com est une mine d’information sur la gouvernance des société cotées en Bourse, mais qui est aussi très bien informée des turpitudes notariales.

Faut-il vendre la maison de vacances au soleil, l’appartement à la montagne ou à l’étranger, qui accueillent tour à tour les membres de la famille ? Faut-il accepter l’offre d’un acheteur pour une participation dans l’entreprise familiale ? Pour certains héritiers vendre est une évidence, pour les autres vendre est un crève cœur, et les disputes ne sont pas loin. D’autant que les héritiers peuvent se trouver dans des situations patrimoniales diamétralement opposées et nourrir des rancœurs qu’il n’est pas besoin de détailler.

Le notaire chargé de la succession, qui a l’habitude de ce genre de dossier attend tranquillement que les mois passent, voire les années, et qu’une solution s’impose enfin. La famille ne résiste malheureusement pas facilement à ce genre d’aventure et il arrive que le mal empire. D’autant que le temps n’est pas toujours un allié pour la valorisation d’une succession, si des biens immobiliers se dégradent par manque d’occupation et d’entretien. Soyons franc, une succession peut très vite virer au cauchemar, ne serait-ce que parce que chacun n’a pas la même idée de la valeur des biens.

Lorsque le patrimoine est essentiellement composé d’actions cotées en Bourse, d’assurance vie ou autres placements financiers facilement liquidables, c’est une chance pour les héritiers. La valeur des titres cotés est indiscutable, le partage est facilité, et la fiscalité allégée dans le cadre de l’assurance vie. On ne saurait trop recommander d’investir son surplus d’épargne en Bourse en pensant à ses héritiers. Ils devront veiller à ne pas vendre les actions avant le partage, ainsi il n’y aura aucune plus-value à payer au titre du patrimoine du défunt, seulement les frais de succession. Et les titres seront inscrits dans le patrimoine des héritiers à leur valorisation au jour du décès. C’est ce jour là qui servira de référence pour établir la valeur des biens partagés. Évidemment, il faut accepter le risque boursier lié aux fluctuations pouvant affecter leur valeur durant la période de portage entre le décès et le transfert des titres sur les comptes de chaque héritier.

C’est néanmoins la configuration la plus favorable pour échapper aux affres des successions sans fin. La pire situation, en revanche, celle que les notaires redoutent, est un cas de figure très précis qui s’avère extrêmement compliqué à gérer et qui devient souvent générateur de conflits. De quoi s’agit-il ? Et comment éviter à tout prix le cauchemar successoral ?

La situation :

Le patrimoine du défunt est assez élevé pour constituer un enjeu, pour les héritiers, mais aussi pour le fisc et d’autres parties prenantes, par exemple des acheteurs potentiels convoitant certains biens. Comme pour beaucoup de Français, le patrimoine du défunt est composé à 95 % de biens immobiliers illiquides (même pas dans une SCI facilitant les partages et transferts de parts). Le défunt avait peu de cash, que ce soit sur ses comptes en banque, livrets et autres placements de liquidités. Il n’a laissé aucune assurance vie. C’est une situation patrimoniale assez répandue pour les retraités ayant construit une famille assez tardivement sans songer à organiser leur succession. Le temps passe, une donation est faite au conjoint survivant, s’il n’y a pas veuvage ou divorce. Un jour, le décès intervient et rien n’a été organisé.

Assez rapidement, les héritiers peuvent s’apercevoir qu’ils auront à payer des droits de succession substantiels (on est très vite dans une tranche de 20 % après un abattement de 100 000 € par héritier). Premier écueil : s’ils ne sont pas assez fortunés pour puiser dans leur épargne, le cauchemar n’est pas loin qui risque de diviser la famille.
Prenons un exemple concret : la succession est composée de biens immobiliers d’une valeur estimée à 1,2 million € à partager entre trois héritiers, et 30 000 € sur un compte bancaire, insuffisants pour payer des droits de succession pouvant dépasser 150 000 €.
Voici donc dans ce cas de figure, quelques erreurs à ne pas faire pour s’éviter des problèmes :
 
  1. – Vouloir tout régler très vite. Soyons clair, s’il s’agit d’un bien immobilier unique avec un acheteur qui attend depuis des années pour avoir ce bien, un cas de figure idéal, il faudra tout de même compter au moins neuf mois de délai entre le décès et la vente. Inutile donc de bâtir des châteaux en Espagne et de faire des projets, d’autant que les grains de sable ne manquent pas dans une vente immobilière, et qu’un vendeur pressé ne fait pas forcément une bonne affaire.
  2. – Se précipiter pour prendre le premier notaire venu, c’est-à-dire généralement celui du défunt, avec l’idée intuitive mais malheureusement fausse qu’il serait le mieux placé ayant l’historique de ses acquisitions. Réfléchissez bien avant de désigner le notaire auquel vous souhaiter confier la succession, car ce choix est irrémédiable. Dès qu’un notaire a eu le feu vert des héritiers pour entamer les démarches de succession, aucun autre ne peut s’en mêler ou reprendre le flambeau à sa place. Il faut savoir que chaque héritier peut proposer un notaire et qu’au final celui qui a le plus d’ancienneté dans la profession tiendra la plume. Faut-il prendre un notaire de Carpentras parce que le défunt y habitait ? Franchement ça ne présente pas d’intérêt sauf si vous pensez réellement qu’il est le mieux placé pour vendre vos bien au meilleur prix.

  3. – Signer trop vite l’acte de notoriété, récupérer le cash sans réfléchir aux questions suivantes. Tout le monde est parfois un peu pressé et certains notaires proposent de distribuer le cash aux héritiers, c’est aussi une façon de les séduire, alors même que des frais ne sont pas réglés ! Rien de tel pour créer un mauvais climat entre les cigales qui en profiteront pour chanter et les fourmis qui rongeront leur frein ! Or, il faut savoir qu’au final, tous les héritiers sont solidaires des droits de succession à payer, ce qui veut dire que les fourmis peuvent avoir à régler la facture des cigales !

  4. – Prendre chacun un notaire, pour se faire représenter. Les notaires ne pouvant agir comme les avocats, si le notaire en charge de la succession est inefficace, les autres notaires ne pourront le forcer  et les héritiers ne pourront rien faire non plus car ils seront « représentés »,  ce qui veut dire en outre que chacun paiera des frais à son notaire pour l’assister. Croire qu’un notaire va se donner les moyens de faire pression sur un confrère trop lent ou incompétent est un leurre. Autant prendre un avocat…quelques mises en demeure peuvent s’avérer d’une grande efficacité.

  5. Bref : ne vous trompez pas de notaire ! Discutez avec les autres héritiers, prenez le temps de comparer les qualités des différents notaires mobilisables : ancienneté de l’étude notariale, composition de l’équipe, compétences vérifiables, etc. Vérifiez leurs conflits d’intérêts éventuels, notamment pour les notaires de province ou en milieu rural tirant une part importante de leurs revenus de leur activité d’agent immobilier. Choisissez ensemble entre héritiers et discutez avec le notaire pressenti pour sonder sa capacité à se mobiliser pour réussir votre succession. Et surtout montrez vous soudés.

  6. – Confier la gestion des biens en indivision à l’un des héritiers jusqu’à la signature de la succession. Très mauvaise idée, car la procédure risque bien de prendre plusieurs années, ce qui risque de générer des tensions autour de la gestion du bien, qu’il s’agisse de son exploitation ou son entretien. Qui va payer, gérer les factures, les réparations, les contrats, comment se répartir les charges, les impôts… l’indivision est un vrai parcours du combattant et il est rare que les nerfs ne finissent pas mis à rude épreuve.

  7. – Fantasmer sur la valeur des biens avant une réelle expertise. Inutile d’aborder le sujet de la valorisation  car il peut y avoir de sérieuses déconvenues ensuite. Attention aussi aux estimations des agents immobiliers, parfois exagérées pour obtenir un mandat, d’autres fois bradées s’ils ont un acheteur sous la main. Pour faire valoir leurs intérêts, ils peuvent être tentés de tirer partie des situations de conflits, voire de les attiser, en abondant dans un sens ou l’autre qui les arrange. Attention, le prix retenu aura son importance, puisqu’il déterminera le calcul des droits de succession que vous aurez à verser. Jouer sur les valorisations peut s’avérer un piège dangereux. Sous-évaluer peut entraîner un redressement, en plus d’une taxation de la plus-value si le bien est revendu peu de temps après, plus cher qu’il n’a été déclaré.
  8. Demander des conseils au notaire désigné en aparté. S’il y a plusieurs héritiers, le notaire ne doit en favoriser aucun. Il ne peut donc recommander telle ou telle solution de partage qui n’aurait pas le même effet pour tel ou tel héritier. On le trouvera par conséquent très en retrait ce qu’il s’impose en général pour éviter les conflits d’intérêt.
En creux, voici donc quelques conseils pour désamorcer les problèmes qui vont nécessairement se présenter, et essayer de préserver l’entente familiale.
 
1er temps – dans les 3 mois du décès :
  1. – Bien choisir le notaire, expérimenté et compétent, qui soit totalement indépendant de tous les héritiers.
  2. – Demander que le cash du défunt soit conservé par le notaire pour les frais, ce qui évitera plus tard des problèmes.
  3. – Confier au notaire, la gestion des biens en indivision ( recette et dépenses, contrats, impôts etc…) au moins jusqu’à la succession, c’est un peu coûteux mais cela évite aussi des problèmes
  4. – Faire réaliser immédiatement une expertise du mobilier, pour éviter toute contestation et pour que le notaire ne retienne pas d’emblée la valeur forfaitaire, correspondant à 5% de la valeur de la succession, qui peut-être très excessive par rapport à la valeur réelle de meubles dont vous n’obtiendriez qu’une poignée de billets auprès d’un brocanteur.
  5. – N’autoriser aucun des héritiers à occuper les biens à titre permanent. Fixez les règles précisément pour une occupation occasionnelle éventuelle.
  6. – Chaque héritier devrait aussi s’assurer, le cas échéant, de pouvoir faire appel aux services d’un avocat-conseil, même si, là encore, un avocat ne peut quasiment rien faire pour cornaquer un notaire incompétent ou récalcitrant. Même en cas de litige, un avocat aura du mal à poursuivre un notaire.
2ème temps – dans les 6 mois qui suivent :
  1. – Eviter d’évoquer le choix partage/vente/rachat de parts avant la fin de l’évaluation de la totalité des biens.
  2. – Faire faire une évaluation du coût des charges des biens en indivision
  3. – Faire calculer par le notaire les droits de succession et éventuellement lui faire étudier le coût des solutions de partage.
  4. – Ensuite évoquer avec le notaire les différentes solutions, chacun exposant sa situation et sa capacité à régler les frais de succession et de partage ou les charges ultérieures de l’indivision.
  5. – En cas de mésentente, une solution peut consister à réunir un conseil de famille avec les héritiers des héritiers et à mettre au vote plusieurs solutions proposées soit vente/partage/rachat de parts etc…. Puis de confier la mise en œuvre à l’un des héritiers avec notaire et/ou avocat.
Ce qu’aurait pu faire le défunt, s’il avait voulu faciliter sa succession  :
  1. – Il aurait gardé ses actifs les plus faciles à vendre et ceux qui sont en meilleur état (appartement parisien, maison en ville…) et vendu de son vivant les actifs les moins liquides (résidence à l’étranger, maison de vacances).  Malheureusement on vend souvent ce qui peut l’être, ce qui explique pourquoi les biens les moins vendables sont souvent les derniers à l’actif d’une succession.
  2. – S’il avait des biens loués, le défunt aurait pu faire une donation de la nue propriété à ses enfants. Détenir les biens immobiliers dans le cadre d’une SCI permet aussi de répartir plus facilement les parts entre ses héritiers, avec des démembrements de propriété et donations de son vivant, qui préparent l’après. Accessoirement, le donateur peut aussi payer les frais de donation à la place des bénéficiaires, avec le produit de la vente de ses biens qu’il aurait placé suffisamment tôt dans un contrat d’assurance vie..

  3. – Si les biens pouvaient être répartis, il aurait attribué les biens par testament à ses héritiers, afin d’éviter toute contestation
  4. – Concernant la protection du conjoint, on peut aussi débattre de l’opportunité d’effectuer une donation au conjoint survivant. Certes, cela peut mettre un conjoint à l’abri du besoin en cas de décès prématuré, surtout si les enfants sont jeunes. Mais cela risque aussi de faire bondir l’impôt sur la succession que devront régler les héritiers au décès du conjoint ayant bénéficié d’une telle donation. La protection du conjoint survivant peut être organisée avec le choix de la succession en usufruit (plutôt qu’une moindre part en pleine propriété selon le nombre d’enfants), et si possible d’une assurance vie.

  5. – Pour une succession idéale, le défunt prévoyant aurait aussi pu anticiper les éventuelles frictions consécutives à sa disparition, en désignant par testament une personne de son entourage en qui il aurait confiance pour arbitrer d’éventuels différends. Mais qui ? Vous avez toutes les vacances pour y penser.

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