Au début de l’audience du lundi 4 novembre 2013, les avocats des parties civiles demandent à la cour un sursis à statuer afin que le débat sur la manipulation de cours soit reporté après l’examen d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) importante pour l’accès à la justice des épargnants lésés dans le cadre d’un procès pénal leur permettant d’obtenir la réparation de leur préjudice civil. (Tout le feuilleton ici)
Flash : mise à jour le 3 janvier 2014 à 15h10, la QPC sur l’égalité d’accès à la justice des parties civiles sera examinée par le Conseil constitutionnel en audience publique, le 21 janvier 2014 à partir de 9h30.
Flash : mise à jour le 12 novembre à 19h15, en préambule de l’audience du 12 novembre 2013, la présidente de la 5ème chambre correctionnelle de la cour d’appel de Paris a pris acte de la transmission de la QPC au Conseil constitutionnel et annoncé que la cour avait décidé en conséquence d’attendre le verdict du Conseil constitutionnel pour une partie de l’affaire. Concrètement, les débats se poursuivent autour de l’examen des faits, mais les plaidoiries des avocats de la défense et des parties civiles sont en partie reportées aux 8 et 9 avril, tandis que le verdict de la cour d’appel est lui-même reporté au 28 avril 2014. Les parties civiles espèrent que la décision du Conseil constitutionnel permette de relancer aussi la procédure pénale pour manipulation de marché.
Flash : mise à jour le 6 novembre à 18h53, la Cour de cassation a bien rendu un avis de recevabilité avec transfert au Conseil constitutionnel de la QPC N° J1383688 sur la constitutionnalité de l’article 497 du Code de procédure pénale qui interdit aux parties civiles de faire appel d’un jugement pénal.
Avec les règles actuelles de fonctionnement de la justice, lorsqu’un accusé est relaxé d’une infraction pénale par la cour lors d’un procès correctionnel, les parties civiles n’ont pas la possibilité de faire appel. La justice considère qu’un procès pénal est une affaire entre l’Etat et l’accusé. Seules trois entités ont la possibilité de faire appel. D’abord l’accusé, bien sûr, s’il est reconnu coupable alors qu’il veut encore prouver son innocence. Ensuite le parquet, représentant l’accusation pour la force publique, peut faire appel s’il estime la condamnation insuffisante au regard de son réquisitoire par rapport aux infractions constatées. Enfin l’administration dans certains cas peut aussi faire appel d’un jugement pénal. Mais pas les victimes.
Même si d’autres victimes ont été lésées par des faits poursuivis pénalement, elles n’ont pas la possibilité de faire appel, ce qui leur est particulièrement défavorable en cas de relaxe de l’accusé, qui n’a alors aucune raison de faire appel. Si le parquet ne fait pas appel pour contester la relaxe de première instance, les parties civiles ne peuvent refaire juger la faute pénale et se trouvent très démunies face à la justice pour obtenir réparation de leur préjudice, puisqu’elles ne peuvent plus légalement s’appuyer sur la faute pénale à l’origine de leur préjudice, mais seulement invoquer une faute civile des accusés relaxés au pénal.
C’est le cas dans le procès en appel pénal de Jean-Marie Messier et ses acolytes, pour ce qui concerne le délit de manipulation de cours, dont les accusés ont été relaxés en première instance. Pour mieux défendre les parties civiles s’estimant victimes d’une manipulation de cours, les avocats Frédérik-Karel Canoy et François Danglehant ont donc déposé une QPC et demandé à la cour d’attendre la réponse de la Cour de Cassation, qui devait examiner une QPC identique le 5 novembre 2013, avant de la transmettre dans la foulée pour examen par le Conseil constitutionnel. « Notre démarche est importante et devrait aboutir en faveur des parties civiles », explique maître François Danglehant. « Dans la situation actuelle, les parties civiles ne peuvent plus faire appel que sur les intérêts civils liés à la manipulation de cours, mais pas sur la partie pénale, ajoute maître Frédérik-Karel Canoy. Il y a une rupture d’égalité d’accès à la justice contraire à la constitution ».
« Les parties civiles ne semblent pas pressées que ce procès se tienne » ironise la présidente Mireille Filippini, en reprenant le plan de sa procédure pour ré-examiner les faits à l’origine de l’accusation de manipulations de cours et auditionner les anciens accusés.
Ayant été relaxés du délit de manipulation de cours, les protagonistes ne risquent en réalité qu’une mise en cause de leur éventuelle faute civile dans cette partie du procès, leurs avocats estimant par ailleurs qu’une telle responsabilité ne pourrait être évoquée pour pratiquement aucune des parties civiles puisque très peu avaient acheté leurs actions Vivendi entre le 25 septembre et le 2 octobre 2001, correspondant à la période de manipulation de cours alléguée. Un point qui sera nuancé plus tard par la présidente. Des investisseurs ayant acheté avant auraient pu subir un préjudice s’il n’avaient pas vendu au cours de la période de manipulation alléguée en raison du regain de confiance que la bonne tenue de Vivendi leur aurait donné, à tort, au regard de sa santé financière chancelante bien dissimulée.