(Tout le procès Pérol ici) Pérol26. Verdict. Jeudi 24 septembre 2015, le président du tribunal de grande instance de Paris prononce un jugement relaxant François Pérol du délit de prise d’intérêt illégale dont il était accusé pour avoir été placé à la tête des Banques populaires Caisses d’épargne dont il avait piloté la fusion à l’Elysée.

Comment François Pérol a-t-il parcicipé à toutes les étapes de constitution du groupe Banques Populaires Caisses d'Epargne (BPCE) en tant que fonctionnaire et banquier d'affaires, avant d'en prendre la tête. (photo © GPouzin)

François Pérol a-t-il participé à toutes les étapes de constitution du groupe Banques Populaires Caisses d’Epargne (BPCE) en tant que fonctionnaire et banquier d’affaires, avant d’en prendre la tête ? Peut-être. Mais les preuves concrètes examinées par le tribunal ne suffisent pas à le condamner pour délit de prise illégale d’intérêt, au sens de la loi. Verdict: François Pérol n’est pas coupable. (photo © GPouzin)

13h30, jeudi 24 septembre 2015, après six ans de procédure, trois ans d’instruction, une semaine d’audiences et trois mois de délibération autour des accusations de prise illégale d’intérêt contre l’ex-secrétaire général adjoint de l’Elysée, parachuté à la tête des Banques populaires Caisses d’épargne, les protagonistes du procès de François Pérol sont à nouveau réunis dans la salle d’audience où le juge Peimane Ghaleh-Marzban va prononcer le verdict tant attendu.

Après un délai de politesse permettant aux uns et aux autres de se retrouver et se saluer, le juge président le tribunal, Monsieur Peimane Ghaleh-Marzban, et sa cour entrent dans la salle d’audience par la porte du fond donnant sur l’estrade, comme le veut la coutume.

– L’audience est ouverte, veuillez vous assoir, déclare aussitôt le magistrat avec la solennité seyant à la gravité de l’instant. Le tribunal va rendre sa décision dans la procédure concernant François Pérol. Avant de commencer le tribunal fait part de sa tristesse, car nous avons été informés du décès de Maître Daniel Richard, qui a partagé un moment de justice avec nous, en représentant les intérêts Monsieur Majster partie civile à ce procès. Le tribunal adresse ses condoléances à ses proches.

J’indique aux représentants de la presse que le jugement sera disponible au secrétariat de la présidence du tribunal une demi heure après ce prononcé, précise encore le magistrat avant d’entamer le prononcé du verdict qu’il déroule comme un mode d’emploi commenté utile à la lecture exhaustive du jugement de 163 pages rédigé au cours de l’été.

Dans la construction du jugement, de la page 20 à 77 le tribunal s’est attaché à retrace le contexte historique de création du groupe BPCE, puis de la page 80 à 160 à l’analyse de la prévention et des motifs de sa décision.

Est-ce que François Pérol a formulé des avis, est-ce qu’il a proposé des décisions et avis sur la formation du groupe BPCE et les conditions de l’aide de l’Etat ? Avant de répondre à ces deux branches de la prévention, le tribunal a tenu répondre à un certain nombre de questions, à partir de la p.83.

Concernant les arguments tenant au rôle de secrétaire général adjoint (SGA) de l’Elysée, le tribunal a écarté l’argument de la défense de François Pérol sur le fait que cette fonction n’ait aucun pouvoir administratif, et s’est donc conformé à l’arrêt de la Cour de cassation de juin 2012, qui fait une analyse in concreto s’attachant aux attributions et pouvoirs concrets du secrétaire général adjoint de l’Elysée.

Une deuxième question portait sur le fonctionnement de l’Etat au regard de la Constitution. D’une manière générale, il est établi que le président de la République Nicolas Sarkozy s’est directement impliqué dans le traitement de la crise financière compte tenu de l’urgence de la situation, en plus de témoignages généraux sur le fonctionnement du président de la République. Sur ce point, ce constat peut éclairer le tribunal, mais ces témoignages généraux ne sauraient à eux seuls constituer une preuve de culpabilité de l’accusé, considérant qu’une telle approche effacerait les responsabilités personnelles au profit d’une responsabilité collective.

Une troisième question portait sur l’activité de François Pérol antérieure à 2007, au Trésor puis à la Banque Rothschild, traitée p.88. La récurrence avec laquelle Monsieur Pérol a été amené à connaître le fonctionnement des établissements bancaires concernés l’a certainement conduit à bénéficier d’informations privilégiées à leur sujet, mais cela ne permet pas d’établir sa culpabilité au regard du chef d’accusation de prise illégale d’intérêt. Au regard du non respect de l’avis de la Commission de déontologie de 2004, que le tribunal n’est pas en mesure d’évaluer compte tenu des pièces dont il dispose, le rôle d’associé gérant de Rothschild de ne saurait constituer un élément de culpabilité.

La quatrième question portait sur la prise en compte des courriels de Monsieur Sureau et de ses échanges et rencontres avec Monsieur Pérol, traitée p.90. Ces nombreux messages questionnent quant au fonctionnement de l’Etat et sa porosité, attendu que le ton de ces messages et leur apparente familiarité révèle une collusion. Indépendamment de savoir si les propositions de Mr Sureau étaient ou non suivies d’effets, la récurrence des messages adressés à Mr Pérol sur le rapprochement envisagé, révèle une influence ou tentative d’influence. Attendu toutefois que le tribunal dis qu’aucun élément ne permet d’établir que Mr Pérol y a donné suite, ils constituent un élément de contexte mais pas une preuve de culpabilité au regard des faits reprochés.

Le tribunal se penche ensuite sur les deux branches de la prévention.

Sur la première, est-ce que dans ses notes François Pérol a formulé un avis sur la fusion ? La note du 20 octobre 2008, amène le tribunal à étudier sa corrélation avec le protocole final de rapprochement des deux banques. Cette note vise la première tranche de l’aide accordée par la loi d’octobre 2008, se référant à une aide de 1,1 milliard pour la CNCE et 950 millions pour la BFBP, soit 2 milliards en tout, il ne s’agit pas de celle prévue dans le protocole de fusion.

Dans la note de 2008, l’aide de 2 milliards n’est pas celle figurant dans le protocole, qui correspond à la seconde tranche d’aide. Elles sont sans lien, donc François Pérol n’a pas émis d’avis en 2008 intégré au protocole de fusion, comme expliqué p.109 et 110.

Concernant la réunion du 21 février 2009, dont il est établi pour le tribunal qu’elle n’avait pas d’autre objet pour le président Sarkozy que de proposer la présidence de François Pérol, il convient de juger que la note du 21 février 2009 ne constitue pas une demande d’arbitrage mais une information dont le seul objectif était d’annoncer la présidence de François Pérol. Donc le tribunal ne retient pas la première branche de la prévention.

Sur la deuxième branche, est-ce que François Pérol a proposé un avis ?

Le tribunal a souhaité examiner la portée des réunions du 26 janvier 2009, du 12 février et du 19 février 2009, p.113 à 128 du jugement. 1/ Il y avait une forte dissension entre les dirigeants des deux banques et les autorités. 2/ Les conditions de l’aide ont été négociées par les autorités compétentes. 3/ Le fait que l’aide soit accordée à la structure de tête des banques actionnaires, et pas directement à Natixis, était conforme à la doctrine. 4/ Les conditions de l’aide étaient déjà définies avant ces réunions. 5/ Ces réunions n’étaient pas décisionnelles ni arbitrales.

François Pérol a-t-il explicitement formulé un avis ? L’a-t-il fait implicitement ? Le fait de ne pas s’opposer à l’autorité compétente vaut-il acceptation ? Le tribunal y répond page 123 et suivantes.

Il ne résulte pas des éléments versés à la procédure que ces réunions étaient des réunions d’arbitrage sur les aspects de la fusion. La position de l’Etat était déjà connue, et il n’est pas rapporté qu’elle résulterait de décisions ou validations de François Pérol s’agissant des modalités techniques de la fusion.

S’il ne l’a pas fait de manière explicite, François Pérol a-t-il formulé implicitement des avis ? François Pérol portait la voie de l’Etat. Le tribunal se conforme à l’arrêt du 3 décembre 2008 de la Cour de cassation sur le pouvoir de décision au titre d’une participation à une organisation collégiale, p.124, et à un arrêt du 14 novembre 2007. Le tribunal analyse cette jurisprudence, qui concerne l’article 432-12 et pas 432-13, dont il ressort que la validation implicite ne peut s’entendre que si l’on préside une réunion à portée décisionnelle, ce qui n’est pas le cas. Pages 126 et 127, le fait de s’abstenir d’intervenir dans ces réunions ne saurait caractériser le fait d’avoir proposé un avis ou une décision.

Quant à savoir si Monsieur Pérol aurait formulé des propositions directement aux autorités, compte tenu du temps qui nous est imparti je ne vais pas entrer dans les détails que vous lirez pages 128 à 146, mais avec l’audition du gouverneur de la Banque de France sur son rôle, il n’est pas établi que Monsieur Pérol ait proposé le montant d’aide qui devait être accordé.

Sur la structure du groupe, il n’est pas suffisamment établi que François Pérol ait proposé la structure du futur groupe, ses références législatives, ou les modalités de leur rapprochement.

Concernant l’avis sur la personne du futur dirigeant, Monsieur Guéant a témoigné que le président de la République avait proposé le nom de François Pérol. Il apparaît au tribunal que le président s’est immiscé dans les affaires privées des banques. Il n’appartient pas au tribunal de porter une appréciation sur cette immixtion, compte tenu de la séparation des pouvoirs, mais il doit la prendre en compte au regard de l’infraction de prise illégale d’intérêt reprochée à François Pérol.

Il convient de s’interroger pour savoir si François Pérol est à l’origine de cette proposition, ce qui n’est pas établi par aucun témoignage ni aucun écrit.

Attendu que le fait que le président Nicolas Sarkozy de proposer un de ses plus proches collaborateurs suscite des questions, attendu que dans le cadre fixé par la loi, l’acceptation de cette proposition ne saurait constituer une infraction, cette intervention ne constitue pas un élément de culpabilité au regard des faits de prise illégale d’intérêt.

Sur l’absence de saisine de la Commission de déontologie, le tribunal n’estime pas que les conditions de la saisine procèdent d’une volonté de la contourner. Attendu cependant qu’elle ne pouvait pas se réunir en urgence, il fallait rechercher autre solution qui permettait d’éviter le soupçon de contournement de la Commission. Comme Monsieur Guéant l’a indiqué dans son témoignage à propos du sens donné par le président de la République à la lettre du président de la Commission, le tribunal estime qu’une telle réitération ne pouvait que susciter le soupçon de contournement, comme en atteste la lettre de Jacques Chabrun adressée au président de la Commission de déontologie : « le refus de saisir la commission de déontologie n’a pas permis à celle-ci d’exercer ses compétences dans le respect du contradictoire, de protéger M. PEROL contre lui-même et de lui éviter le cas échéant les deux
plaintes au pénal dont il fait actuellement l’objet ».

Monsieur François Pérol, le tribunal, après en avoir délibéré, vous déclare non coupable et vous renvoie des fins de la poursuite. Pour les parties civiles, le tribunal déclare recevables l’ensemble des syndicats CGT et SUD BPCE, déboutées de leurs demandes, mais déclare les autres parties civiles, Messieurs Majster et Andichou, irrecevables compte tenu de la relaxe des chefs d’accusation.

(Tout le procès Pérol ici)

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2 commentaires

  1. Phil, le

    Pérol est relaxé mais ça fait du bien que l’indignation collective soit entretenue sur les conflits d’intérêts au sommet de la République.
    C’est un signe de santé de notre démocratie pourtant chancelante.
    Merci pour ces témoignages.

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