Comment comparer les prix ? Pour les produits alimentaires relativement fongibles, c’est-à-dire substituables les uns aux autres, les commerçants ont l’obligation d’afficher les prix au kilo, ou au litre pour les liquides. C’est plus pratique que de comparer les prix absolus pour des quantités différentes.
Pour comparer les crédits, on dispose aussi d’un étalon commun. Ce n’est pas le prix au litre ou au kilo, mais le taux d’intérêt. Qu’on emprunt mille, dix mille, cent mille, ou 378 500 euros, le taux d’intérêt permet de comparer le coût du crédit. On vous demande par exemple 5% d’intérêts par an sur un prêt à la consommation de 10 000 euros, 10% pour un prêt de 5000 euros ou 15% pour un prêt de 1000 euros, mais 1,1% pour un prêt immobilier immobilier, hors assurance. Ces exemples sont proches des taux moyens observés par la Banque de France pour les types de prêts correspondants, au dernier trimestre 2018.
Le problème est que les taux d’intérêt ne rendent pas forcément compte du coût réel d’un crédit, car il y a souvent d’autres frais à payer que les seuls intérêts d’emprunt. Par exemple des frais de dossier, frais du courtier, ou encore cotisations d’assurance du prêt obligatoire.
Pour rendre l’affichage des prix des crédits plus homogène, les banques doivent communiquer à leurs clients le taux effectif global (TEG), qui a même été amélioré en Taux annuel effectif global, ou TAEG.
Le taux annuel effectif global (TAEG) doit prendre en compte tous les frais en plus des intérêts du prêt
Le taux annuel effectif global (TAEG), appelé jusqu’en septembre 2016 taux effectif global (TEG), est le taux qui prend en compte la totalité des frais occasionnés par la souscription d’un prêt, à savoir :
- les intérêts bancaires (taux d’intérêt nominal),
- les frais de dossier (frais bancaires ou commission de courtier),
- le coût de l’assurance obligatoire (assurance de la banque ou d’une autre compagnie),
- les frais de garantie (hypothèque, crédit logement, mais pas les frais de notaire),
- et tous les autres frais qui vous sont imposés pour l’obtention du crédit.
Le TAEG est exprimé en pourcentage annuel de la somme empruntée. Il permet de calculer la somme totale que devrez rembourser en cas de souscription d’un crédit immobilier ou d’un crédit à la consommation, et vous permet donc de comparer efficacement les offres de différents établissements de crédit, explique le site officiel du gouvernement en donnant des exemples et en renvoyant vers le Décret n°2002-928 du 10 juin 2002 relatif au calcul du taux effectif global applicable au crédit à la consommation.
Comparer les taux d’intérêt et autres coûts d’un crédit
Problème, les banques ont parfois du mal à calculer le vrai tarif de leurs crédits, du coup elle se trompent dans la formule. N’en concluez pas que les banquiers ne savent pas compter. Ils savent très bien compter, surtout avec les outils dont on dispose aujourd’hui pour faire simplement ces calculs avec n’importe quel logiciel de tableur.
Les banquiers savent compter (en général), mais ils utilisent parfois une ancienne formule qui change les résultats en raccourcissant les années à 360 jours (au lieu de 365), ils peuvent oublier d’intégrer les frais de dossier, mal intégrer le coût de l’assurance emprunteur (lui-même calculé en pourcentage du capital emprunté alors que l’assurance est payée en pourcentage du capital restant dû) ou les frais du courtier en crédit qui leur a apporté l’emprunteur (certains courtiers facturent plus de 1000 euros de commissions, en plus des rétrocessions que leur versent les banques sur le montant de votre prêt).
Résultat, le TAEG qui devait servir d’étalon de comparaison des prix sur le marchés des crédits, constituant un des plus gros postes budgétaires pour de nombreux emprunteurs, se trouve bien souvent n’être qu’un Taux approximatif effectif global (TAEG). Du coup, on ne sait pas vraiment très bien combien on paye réellement nos crédits, un peu comme si les prix étaient fixés avec une balance déréglée sur le marché, ça fait désordre.
Qu’est-ce que ça change de compter les frais dans le TAEG ou non ?
Prenons le cas des frais annexes. Par exemple pour un prêt de 10 000 euros sur un an à 3%, si l’on paye 50 euros de frais de dossier, le taux « annuel effectif » global atteindra 3,5%. Après tout, qu’est-ce que ça change d’intégrer ou non les 100 euros de frais de dossier dans le calcul du TAEG, puisqu’on doit de toute façon les payer ?
Ce que ça change, c’est la transparence, l’honnêteté et la concurrence. Dans cet exemple, les consommateurs informés que le coût réel de ce crédit est de 3,5%, et non 3%, pourraient peut-être obtenir un prêt moins onéreux chez un concurrent, par exemple à 3,2% tout compris.
Dans le cas des prêts immobiliers, l’enjeu est encore plus important, surtout avec le poids des cotisations d’assurance décès-invalidité obligatoires qui peuvent faire doubler le coût réel du crédit par rapport à son seul taux d’intérêt nominal. Récemment, une emprunteuse interrogeait Deontofi.com sur une énigme: un courtier en crédit (très bien commissionné) lui proposait quelques crédits (en fait très peu de choix) dont un avec un taux nominal de 1,1% et une assurance décès-invalidité au taux de 0,5%, mais le tout aboutissant à un taux annuel effectif global de 2,29% ! Pourquoi ? En grande partie à cause du tour de passe-passe sur le coût de l’assurance emprunteur, qui vaudrait un article à lui tout seul.
Comprendre les calculs de taux demande déjà une certaine concentration, mais le bonneteau des banques sur l’affichage du vrai coût des crédits ajoute à la confusion au lieu d’aider les consommateurs à mieux comparer les prix pour faire jouer la concurrence.
Sanction des banques, jusqu’à l’annulation des intérêts
Autre source de litige identifiée: le calcul des intérêts sur 360 ou 365 jours. Dans le monde moderne, on compte les intérêts sur 365 jours. Cette méthode de calcul a été rendue obligatoire en Europe depuis plus de vingt ans, par la directive 98/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 modifiant la directive 87/102/CEE, transposée par le fameux décret de 2002 sur le TAEG. Mais auparavant et depuis des siècles, par souci de simplification, les banquiers faisaient leur calculs de taux en utilisant l’année « lombarde », c’est-à-dire une année de 360 jours, plus facilement divisible en 12 mois de 30 jours. On peut comprendre l’intérêt à l’époque des bouliers, mais avec les calculatrices modernes, l’année de 365 jours est plus pertinente.
De loin, on pourrait se dire qu’après tout, 3% d’intérêts par an ont le même coût, qu’on divise l’année en 360 ou 365 jours. Mais en réalité ces 5 jours ont un impact sur le coût réel du crédit et son affichage.
Prenons un exemple « simple »: » Le cas d’une échéance dite « brisée » (souvent au début d’un prêt, quand il y a un écart entre la date de déblocage et la date d’échéance = 22 jours) 100.000 € x 3% /360 x 22 jours = 183,33 € d’intérêts facturés 100.000 € x 3% /365 x 22 jours = 180,82 € d’intérêts facturés, explique Laurent De Badts, conseiller en gestion de patrimoine et fondateur du site Expertiseurs-Du-Crédit.fr. Le consommateur méconnait souvent l’impact de ce petit écart, il n’a pas donné son accord à cette modalité – mathématiquement : il va entrainer un effet « domino » sur toutes les échéances suivantes qui s’en trouvent faussées ». Derrière cette simplicité, il y aurait bien selon lui un combat du lobby bancaire, rappelé à l’occasion de l’actualité sur l’ordonnance souhaitées par Bruno LEMAIRE limitant les sanctions des banques en infraction.
Au point que des emprunteurs poursuivent leur banque en justice pour contester l’échéancier erroné de leur crédit. Selon les cas, ils peuvent obtenir l’annulation pure et simple de leurs intérêts et leur remboursement par la banque, pour des prêts conclus depuis moins de cinq ans, ou l’application du taux d’intérêt légal en lieu et place du taux initialement fixé au contrat.
Procès gagnants: jurisprudence et expertise
Côté procès, le cabinet d’avocats fiscalistes CMS Francis Lefebvre a publié une étude consacrée à la jurisprudence dans ce domaine.
Evidemment, impossible de vérifier soi-même les calculs des banques pour savoir si elles vous ont trompé dans l’affichage du taux effectif global de votre crédit. Et ce n’est pas votre banquier qui vous aidera ! A supposer qu’il sache le faire (la plupart ne savent pas calculer un remboursement anticipé), il est peu probable qu’ils auto-dénoncent leur propre tromperie. Seul moyen de le savoir: consulter des professionnels indépendants.
Un conseiller en gestion de patrimoine, Laurent De Badts, s’est spécialisé dans la vérification des contrats de prêts et l’assistance des emprunteurs pour obtenir l’indemnisation des banques en fonction des erreurs identifiées. Pour aider les emprunteurs à en avoir le coeur net, son site
Expertiseurs-Du-Crédit.fr leur permet d’analyser leur crédit pour en contrôler la régularité, un service accessible à l’adresse http://www.expertiseurs-du-credit.fr/comment/le-service/comment-detecter-erreur-credit-immo pour un coût annoncé de 95 €.
Le jeu en vaut la chandelle ! Dans ce contexte, l’annonce d’une nouvelle loi d’amnistie des banques, comme les gouvernements successifs en ont l’habitude, pour légaliser les erreurs en défaveur des épargnants et réduire leurs voix de recours, a légitimement déclenché l’indignation des associations de consommateurs, AFOC, CLCV, Familles Rurales, et UFC-Que Choisir et UNAF qui ont publié vendredi dernier un communiqué pour dénoncer cette trahison.
Deontofi.com reproduit ci-dessous le communiqué publié par l’UFC Que Choisir le 22 mars 2019.
Plafonnement des sanctions en cas d’erreur ou de défaut de TAEG
Un véritable coup de canif à l’information des consommateurs
Publié le : 22/03/2019 – Alors qu’à l’issue de la réunion du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière (CCLRF) Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, pourrait plafonner les sanctions des banques fautives d’une erreur ou d’un défaut de TAEG au sein des contrats de crédit, nous, associations représentant les consommateurs et les familles, alertons l’exécutif sur l’atteinte grave et parfaitement injustifiée que porte ce projet à l’information des emprunteurs. Sous prétexte d’une harmonisation européenne, et par un lobbying très incisif, les banques entendent valider a posteriori leurs négligences et ouvrent la voie pour l’avenir à des dérives dont les seules victimes sont les consommateurs. Nous, associations, appelons le Président de la République à ne pas céder à leurs injonctions.
TAEG : aiguillon de la concurrence longtemps maltraité par le Gouvernement et les banquesLe taux annuel effectif global (TAEG) est l’indicateur qui permet à l’emprunteur de connaître le coût total de son crédit, intérêts et frais imposés par la banque compris. Clef de voûte du consentement, cet outil est le seul qui lui permet de faire jouer la concurrence. Son absence ou une erreur dans son calcul constitue donc un manquement grave à l’information des consommateurs, qui peut être sanctionné par la perte des droits aux intérêts pour le prêteur.
Si la Fédération des banques françaises (FBF) s’abrite derrière la complexité des règles de calcul pour justifier les erreurs de ses adhérents, cette affirmation ne résiste pas à l’analyse. Relevant le caractère « trompeur » du coût du crédit présenté en France1, l’Union européenne a clarifié le champ ainsi que les modalités de calcul du TAEG dès 19982. Il aura pourtant fallu attendre près de deux décennies pour que le Gouvernement permette enfin aux consommateurs de bénéficier d’un TAEG fiable3.
Alors que les principales négligences portent sur des frais obligatoires non intégrés ou sur une base annuelle de référence erronée (année lombarde en lieu et place de l’année civile), la contestation de TAEG nourrit un contentieux fleuve dont le Gouvernement et la FBF sont collectivement responsables.
Plafonnement des sanctions : l’inacceptable blanc-seing aux mauvaises pratiques
Après avoir tant tardé à adopter le standard de calcul européen, le Gouvernement, sous couvert de prendre en compte un principe de proportionnalité… directement emprunté au droit bruxellois4, pourrait désormais limiter les sanctions des banques fautives. Le projet d’ordonnance entend que la peine soit désormais proportionnée au préjudice subi par l’emprunteur et plafonnée à 30 % des intérêts. Ce quasi blanc-seing laissé aux banques est aussi inacceptable qu’incompréhensible puisqu’il passe à côté de la problématique principale : assurer un cadre juridique garant d’une saine concurrence pour les emprunteurs.
D’une part, la stipulation des intérêts est l’objet indissociable d’un crédit. En plus d’assurer une concurrence non faussée, le TAEG concourt à la protection de l’ensemble des emprunteurs par l’interdiction des prêts usuraires. Dans la mesure où la violation de cet encadrement nuit à l’ensemble des consommateurs, pour être dissuasive sa sanction doit être indépendante du préjudice d’un seul client. D’autre part, les arrêts récents de la Cour de cassation témoignent déjà d’une certaine mansuétude à l’égard des banques négligentes. Le projet actuellement à l’étude ne répond donc à un aucun motif d’intérêt général puisque les erreurs des prêteurs ne sont que marginalement sanctionnées de la déchéance totale des droits aux intérêts.
Rétroactivité du plafonnement : un recul sans précédent pour l’état du droit
Enfin, si ce n’était pas suffisant, il est question de donner une valeur rétroactive au mécanisme de plafonnement, faisant fi de l’état du droit et des consommateurs qui ont initié des procédures judiciaires.
Ainsi, le projet présenté aurait pour conséquence d’abolir la jurisprudence de la Cour de cassation pour les affaires en cours. Rappelons qu’une ordonnance est un acte de nature règlementaire auquel s’applique le principe général de non-rétroactivité. Cette option, en plus de constituer une véritable validation a posteriori des négligences des banques, s’apparente en réalité à une double peine pour les consommateurs qui ont initié des procédures judiciaires dont le jugement n’a pas encore été rendu.
Au regard du risque manifeste que le projet d’ordonnance porte aux intérêts des consommateurs, les associations AFOC, CLCV, Familles Rurales, UFC-Que Choisir et UNAF en appellent au Président de la République pour qu’il préserve un cadre juridique garant d’une saine concurrence et protecteur des emprunteurs. Ce dernier impose le maintien de sanctions dissuasives qui garantissent l’effectivité de la législation relative à l’information des consommateurs, notamment en matière de TAEG.
Notes
1 Rapport sur l’application de la directive 90/88/CEE, Commission des communautés européennes, 1996. « La méthode française s’écarte tellement de la méthode communautaire que les taux d’intérêts français sont trompeurs ».
2 Dès 1990, la directive 90/88/CEE prévoit que le coût total du crédit doit s’entendre comme « Tous les coûts, y compris les intérêts et autres frais, que le consommateur est tenu de payer pour le crédit ». En 1998, la directive 98/7/CE instaure dans son annexe II la formule mathématique du TAEG qui prévoit notamment qu’il est calculé à partir de la notion d’année civile, c’est-à-dire « [qu’une] année comporte 365 jours ».
3 En France, l’adoption du TAEG calculé selon la méthode européenne est intervenue définitivement par l’ordonnance n°2016-351 qui a transposé par harmonisation maximale la directive 2014/17/CE.
4 La directive 2014/17/CE laisse aux Etats membres la liberté de fixer les règles applicables en cas d’infraction à l’encadrement du TAEG. Ces dernières doivent être « effectives, dissuasives et proportionnées ».