Quel notaire choisir au décès de votre dernier parent ? Cette petite question apparemment anodine soulève en réalité des montagnes de questions et de subtilités de procédure. Deontofi.com apporte quelques réponses qui seront complétées au gré des précisions et situations de ses lecteurs et abonnés.
Jusqu’au décès de leurs parents, la plupart des gens ont peu de raisons de se préoccuper de savoir quel notaire en supervisera la succession. Si les parents vivent ensemble, la question de choix d’un notaire ne se pose même pas au premier décès, car le conjoint survivant reste le principal acteur de la succession, tant d’un point de vue moral que légal (son choix prime sur celui des enfants car le conjoint survivant peut opter pour recevoir la totalité de l’héritage de son conjoint décédé en nue propriété, ou le quart en pleine propriété). Quand le dernier parent survivant vient à décéder, le choix du notaire chargé de sa succession est une question importante, car les enjeux sont de taille.
Le notaire en charge d’une succession a plusieurs rôles.
- Pour simplifier, il a d’abord un rôle de centralisation administrative de nombreuses formalités liées à la succession (actes de notoriété, certificats de décès…), en vue de la préparation et du dépôt de la déclaration de succession au fisc, normalement dans les six mois suivant le décès.
- Dans ce cadre, il réalise l’inventaire successoral (actifs et passif, c’est-à-dire le patrimoine d’un côté et les dettes à régler de l’autre).
- Il procède notamment à l’évaluation du patrimoine, avec une responsabilité de conseil, mais les héritiers demeurent néanmoins responsables des montants déclarés vis-à-vis du fisc.
- Il assiste les enfants dans le partage successoral, quand plusieurs héritiers ont le choix de se partager des biens et des placements de valeurs équitables, ou, quand ce n’est pas le cas, en les aidant à déterminer les soultes à verser entre héritiers pour équilibrer le partage de biens de valeurs inéquitables.
- Dans le cas où le notaire est aussi agent immobilier, métier qui représente une part importante de l’activité des notaires en province, particulièrement en milieu rural où ils ont souvent une position dominante dans l’intermédiation des transactions immobilières, le notaire peut aussi se retrouver en position d’organiser la vente de biens issus d’une succession que les héritiers voudraient céder. Attention, dans ce cas, à vérifier que le notaire n’aurait pas un léger conflit d’intérêt, par exemple s’il était lui-même intéressé pour réaliser la transaction. Serait-il tenté de conseiller un prix de vente plus bas aux héritiers, pour réaliser la vente rapidement au profit d’un autre de ses clients acheteur ? Les héritiers eux-mêmes n’ont-ils pas quelques fois des souhaits contradictoires en matière d’évaluation immobilière, entre demander à leur notaire d’évaluer un bien au plus bas prix pour leur déclaration de succession, et de l’évaluer au plus haut prix s’il s’agit de le vendre ?
A travers cette petite liste de tâches du notaire dans une succession, on comprend qu’il peut y avoir de nombreuses raisons de choisir un notaire plus qu’un autre.
Souvent, le parent décédé avait son propre notaire, disons celui par lequel il était passé pour réaliser des acquisitions immobilières, ou d’autres actes civils, par exemple des donations anticipées à ses enfants. Faire réaliser la succession par ce notaire peut avoir du sens, car il est censé mieux connaître certains éléments de patrimoine du défunt, qui peut même lui avoir confié la rédaction d’un testament authentique.
Choisir le notaire du parent décédé pour superviser sa succession peut cependant avoir un intérêt pratique, par exemple pour des raisons de proximité géographique et/ou de connaissance du marché immobilier local, au regard des évaluations de biens et de leur éventuelle cession.
S’il n’est pas désigné comme exécuteur testamentaire, le notaire du défunt n’a a priori pas de droit préférentiel ni d’exclusivité établie pour superviser sa succession.
Les enfants peuvent avoir envie ou intérêt, pour plein de raisons, de choisir un autre notaire.
- D’abord parce que le notaire du client décédé peut ne pas s’avérer pratique pour régler la succession, d’un point de vue géographique, s’il y a des papiers à signer et qu’il est compliqué pour les héritiers de se rendre à son étude en fonction de leurs propres lieux de résidence, voire de celui du parent décédé pas forcément proche de l’étude de son notaire principal.
- Ensuite, même s’ils effectuent beaucoup d’actes standard, les notaires ont leurs compétences professionnelles et qualités humaines propres, qui font que certains héritiers peuvent vouloir choisir un notaire qu’ils connaissent bien dans la gestion de leurs propres affaires, ou dont ils connaissent les compétences et la réactivité vis-à-vis de certaines procédures et situations.
Dans ce cas il est tout à fait possible de choisir un autre notaire que celui du défunt, mais attention.
Chaque héritier peut choisir un notaire différent, mais un seul notaire sera retenu pour superviser la succession et en centraliser les procédures administratives. C’est lui qui percevra les honoraires légaux liés à cette tâche et collectera les droits liés aux actes pour le compte du Trésor public.
Si des héritiers choisissent des notaires différents pour les assister dans l’inventaire et le règlement de leur succession, le choix du notaire centralisateur s’effectue selon les règles du notariat. Selon le règlement du notariat, c’est le notaire ayant le plus d’ancienneté dans la profession qui obtient le mandat et percevra les honoraires prévus, au moins pour l’inventaire successoral et son évaluation avant le partage.
En pratique, ces informations n’étant pas d’un accès aisé, il est fréquent que les notaires s’échangent ces informations concernant leur ancienneté sur une base déclarative. Il faut donc un certain degré de confiance dans la probité professionnelle des intéressés pour cette étape, mais en même temps on imagine que les règles professionnelles du notariat prévoient des sanctions disciplinaires suffisamment dissuasives en cas de mensonge pour que cela n’arrive pas.
Un notaire principal et des notaires conseillers
Si un notaire est désigné, il est évidemment censé effectuer sa tâche en préservant l’équité des héritiers, et en veillant à leur intérêt collectif, par exemple si une vente de biens immobiliers doit être organisée pour liquider la succession. Le fait d’avoir un seul notaire simplifie la centralisation de la procédure, laissant les héritiers avec un seul interlocuteur, mais cela peut aussi compliquer les relations entre héritiers, par exemple s’ils ont des doutes sur une affirmation ou une interprétation juridique du notaire unique en charge de la succession.
Les successions sont souvent des phases délicates, car elles mêlent des enjeux rationnels et affectifs élevés.
Juridiquement, les questions d’héritage sont très encadrées par le droit, avec le Code civil d’un côté et le Code général des impôts de l’autre, voire d’autres codes liés à des droits spécifiques (droit rural, droit commercial, etc.). De l’autre, la succession est souvent un moment fort marqué par le décès d’un parent, avec le deuil et son cortège de peine, mais aussi porteur d’une dimension affective, voire d’une rupture psychologique pour beaucoup d’individus, qui les renvoie autant à leur hérédité familiale qu’au destin de leur propre existence.
Face à ces enjeux, il peut être pertinent d’avoir plusieurs notaires, afin de dissocier justement les aspects affectifs et familiaux relevant du domaine intime, que les héritiers gèreront entre eux, en les séparant des aspects juridiques et administratifs liés aux questions et aspirations de chacun, que leurs notaires respectifs seront chargés d’examiner et de traite en concertation contradictoire entre professionnels (en gros pour mettre tout le monde d’accord en droit et/ou pour veiller à ce que le droit ne soit pas appliqué ou utilisé de façon biaisée).
Quand les héritiers sont confrontés à des préoccupations de droit d’une certaine technicité, par exemple avec des actifs importants ou des questions liées à l’indivision, ils peuvent avoir intérêt à solliciter l’intervention de leur propre notaire, en plus de celui désigné pour centraliser la succession. Mais attention, car là aussi ce type d’organisation a des conséquences pratiques.
Toujours selon les règles du notariat, l’héritier qui choisit son propre notaire pour l’assister n’a plus accès au notaire principal en charge de la succession. Il doit passer obligatoirement par son second notaire, par exemple pour avoir des informations sur l’état d’avancement de la procédure d’évaluation et de déclaration successorale. Son notaire lui facturera des frais, souvent au temps passé, pour toutes les démarches qu’il devra effectuer auprès de son confrère en charge de la succession, même pour répondre à des questions très simples pour lesquelles il n’y aurait pas eu à payer de frais supplémentaires en s’adressant directement au notaire supervisant la succession. Attention. Sur ce point il est conseillé de bien demander un devis au notaire intervenant en mission d’assistance pour un héritier, pour éviter les mauvaises surprises sur ses modalités d’intervention.
Si la phase d’inventaire successoral ne pose pas de difficulté, il peut être plus approprié de solliciter l’intervention d’un second notaire, ou de notaires attitrés pour chaque héritier, seulement au stade du partage successoral, ou de la liquidation en cas de cessions immobilières.
Le partage ayant une dimension transactionnelle entre les héritiers, avec des rédactions d’acte de partage et des versements de soultes, il est plus facile d’envisager un partage des frais entre plusieurs notaires représentant les différentes parties, un peu comme dans une transaction où le notaire de l’acheteur et celui du vendeur se partagent le travail et les honoraires.
Enfin, il faut rappeler que le choix du notaire du défunt ou d’un autre jugé plus approprié, d’un notaire unique ou de plusieurs notaires, ne remplacent pas la nécessaire concertation et communication entre les héritiers pour éviter les malentendus dans cette période délicate pour chacun, où des enjeux économiques et affectifs importants se mêlent souvent.
Bonjour,
Merci pour cet article. Je voudrais apporter un éclairage qui peut être utile à d’autres et vous demander votre avis.
D’abord, lorsqu’il s’est agi de choisir un notaire pour la succession de mon père, le notaire de mon père nous a expliqué que pour la succession à proprement parlée, il pouvait s’en charger et qu’ensuite pour le partage je pourrais désigner un notaire qui me représentera.
J’ai le sentiment aujourd’hui de m’être fait arnaquer par celui-ci. En effet, la succession a été réglée mais le partage se présente difficilement avec beaucoup de biens en indivision et la nécessité de sortir de cette indivision dans les 10 mois du décès pour bénéficier de frais de partage réduits, semble-t-il.
Or, j’ai le sentiment que si je prends mon notaire comme conseil à présent ( je devrai le payer), ça ne se passera pas forcément très bien pour moi. J’ai compris que le partage des « honoraires de partage » du notaire de mon père ( et donc de mes frères et soeurs) avec un autre notaire ne l’enchante pas et c’est bien compréhensible. Aussi je crains que m’étant ouverte à lui de mes souhaits, il ne pèse pour y faire obstacle lorsqu’il se rangera forcément du coté des autres héritiers en indivision.
Je regrette de ne pas avoir pris mon notaire depuis le début, quitte à payer des frais.